Recrutement : le problème n°1 c’est la précarité

Entretien avec Lionel De Coninck, Syndicaliste CGT construction
mardi 11 juillet 2006
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Un propos dissonant dans le discours en vogue : Le BTP souffre moins d’un manque de main d’Å“uvre que de précarité.

Propos recueillis par Angélique SCHALLER, la Marseillaise Lundi 3 Juillet 2006.

Vous réfutez l’argument du manque de main d’Å“uvre dans le BTP ?

Des chiffres infirment en effet cette thèse dominante. Au niveau régional ce secteur recense 83 000 actifs. Or, 17 749 sont demandeurs d’emplois, 22 539 sont contraints à la mobilité - un taux de 7 points supérieur à la moyenne nationale - et 9 000 sont dans l’intérim. On peut certes dire que l’intérim est voulu par certains qui y trouvent un salaire plus important, mais au prix de moins de garantie dans le présent comme dans l’avenir pour les retraites.

On peut aussi arguer que cette profession a toujours été très mobile. Mais jusqu’en 1974, cette mobilité était voulue comme élément d’un parcours professionnel. Aujourd’hui elle est subie.
Et le résultat n’est pas moins que ces paramètres additionnés donnent presque 58% d’une profession sans sécurité de l’emploi.

Dernier paramètre, la main d’Å“uvre représentant 65% des charges d’une entreprise dans les années 1960, elle est aujourd’hui de 30 à 35 % et une étude du Conseil économique et social l’annonce à 10% en 2030. Le problème n’est donc pas d’attirer du monde mais de le convaincre de rester. Et là, la garantie de l’emploi est essentielle.

Et cette précarité vous semble plus importante que le manque de main d’Å“uvre ?

Des efforts ont été faits dans la formation et pour les salaires. Mais tous les discours vertueux seront sans effet tant qu’ils ne seront pas articulés avec une politique destinée à garantir l’emploi. Le fait qu’un pourcentage énorme des jeunes formés disparaissent dans la nature devrait nous interdire de nous contenter d’un discours sur le manque de main d’Å“uvre qualifiée.

Mais les petites entreprises que constituent, face aux Majors, le "gros" des troupes du BTP disent ne pas pouvoir embaucher ?

Après 1974, la situation a effectivement changé. On est passé d’une gestion colbertienne de la profession au libéralisme. Des Majors occupent la place, ont la main mise sur des contrats qu’ils font réaliser par les petits via la sous-traitance.
Si les petites structures ne peuvent assurer les emplois, il faut que la garantie passe, non par l’entreprise mais par l’organisation de la profession.

Vous estimez aussi que le pouvoir public a, ici, son mot à dire ?

Dans le bâtiment, la commande publique représente toujours 25% du total, dans les travaux publics, on atteint 69%. Ce qui offre une latitude importante pour négocier et avoir des exigences en terme de qualité d’emploi lors d’une commande. Sauf à vouloir participer à la déstructuration des emplois et du tissu économique de la région.



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