Il y a des moments où l’on assiste à des phénomènes curieux : suite à l’incendie criminel d’un immeuble [1] un homme meurt, d’autres sont blessés, des centaines se retrouvent à la rue, cela ne suscite guère un grand émoi dans la presse. Au même moment, à quelques rues de là, un autre immeuble, reçoit « un cocktail molotov lancé la nuit dans des locaux vides et n’occasionnant que des dégâts matériels », et c’est l’emballement médiatique.

La liberté d’expression est à défendre en toutes circonstances même si on peut avoir plus que des doutes sur l’opportunité d’un numéro spécial se moquant de la religion musulmane dans le climat actuel d’un racisme entretenu, amplifié par les Guéant et consorts et qui vise particulièrement les arabes, les musulmans et les roms. Faut-il alors défendre Charlie Hebdo et le « droit de blasphème » nouveau slogan à la mode chez certains ?

Concernant le droit de blasphème observons là aussi une différence de traitement médiatique qu’il s’agisse des intégristes catholiques agressant des acteurs de théâtre ou d’autres sombres individus s’attaquant à des mosquées.

De plus à lire la presse on peut se « rassurer » le droit de critiquer l’islam, de présenter les musulmans comme l’ennemi est tout sauf menacé… Et si le droit de blasphème doit être défendu, sauf à dire qu’il y a blasphème et blasphème, il convient d’abroger les lois Sarkozy de 2003 qui punissent lourdement les « offenses au drapeau ».

En ce qui concerne la liberté de la presse force est de constater que les soutiens et l’émotion sont beaucoup plus discrets quand il s’est agi de Bella Ciao hier [2] ou de Fakir aujourd’hui.

En ce qui concerne Charlie Hebdo, dont les ventes étaient en chute libre, en particulier depuis qu’il avait viré Siné parce que ce dernier avait utilisé son droit de blasphémer, quel meilleur soutien peut il avoir que celui du ministre de l’intérieur qui s’est immédiatement rendu sur place ?

Guéant, Delanoé, Copé, Marine Le Pen et beaucoup d’autres les soutiens affluent. Cerise sur le gâteau, il y a aussi l’inénarrable BHL.
Le même qui a beaucoup fait pour installer à la tête de l’état libyen…la charia que le journal était censé brocarder… Il y aurait donc charia et charia ?

Dans un contexte où dès le mois de mars l’ensemble des forces politiques de droite, et de gauche (du FDG au NPA en passant par le PIR) reconnaissait le CNT comme « le seul représentant du peuple libyen » il n’est pas étonnant que peu rappellent ces quelques vérités.

L’anticléricalisme primaire doublé d’une obsession islamophobe n’a jamais fait progresser la liberté.

Pour autant il faut défendre Charlie Hebdo, car si cet assemblage de feuilles disparait, que nous restera-t-il pour emballer le poisson ?