Moustapha Abdeljalil : la charia avant les voeux.

samedi 12 novembre 2011
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Prenant de court les desiderata occidentaux, le, nouvel ami de BHL qui expliquait tant bien que mal à France Inter que la charia qu’il avait encouragée à combattre en Afghanistan n’était pas la même qu’en Libye, le président libyen de transition donc est pétri d’islam, ce qui ne l’a pas empêché de mener sa barque dans les eaux troubles du régime Kadhafi.

Le président du Conseil national de transition (CNT), qui tente de contrôler la Libye, où règnent les milices armées, porte l’islam au milieu du visage : la zapiba (« raisin ») désigne en arabe ce cal noirci formé sur son front par la prière qui signale le pieux musulman.

Petit homme d’allure austère arborant une fine barbe, Moustapha Abdeljalil, 59 ans, ex-ministre de la Justice de Kadhafi, a été le premier officiel à basculer dans la rebellion.

Désormais flanqué d’un nouveau Premier ministre universitaire, Abdel Rahim al-Kib, opposant historique formé aux Etats-Unis, Abdeljalil a révulsé ses soutiens occidentaux, en déclarant le 23 octobre :

« En tant que pays musulman, nous avons adopté la charia comme source principale du droit, et toute loi qui contredirait la charia est légalement nulle et non avenue ».

Et de défendre - horreur !- la polygamie.

Islam de fond.

Utile précision : sous Kadhafi, la polygamie était déjà autorisée, à condition que la première épouse donne son accord....

Abdeljalil a précisé le lendemain :

« Comme Libyens, nous sommes des musulmans modérés ».

Mais il a remis ça sur la polygamie, qu’il veut voir autorisée sans conditions...

« Disons clairement que nous ne ferons aucun compromis sur les prescriptions de notre sainte religion ».

Pas vraiment le ton d’un « modéré » !.

A vrai dire, l’impassible Moustapha avait déjà servi, le 12 septembre à Tripoli, son couplet sur la charia.

Laquelle est inscrite dans la Constitution de nombre de pays arabes, dont la laïque Egypte, quitte à l’interpréter plus ou moins largement.

Mais il avait aussitôt cherché à rassurer ses supportrices inquiètes :

« Nous nommerons des femmes ambassadrices et des femmes ministres ! ».

« Rien de surprenant à ces déclarations, la Libye est un pays très conservateur et pieux », explique Tom Malinowski, directeur du bureau de Washington de l’ONG Human Rights Watch.

Cet avocat américain qui l’a rencontré à trois reprises le voit comme « un fondamentaliste du règne de la loi et pas seulement de Dieu ».

Et se félicite ainsi qu’il ait accepté, lors de leur dernière entrevue début octobre, de laisser visiter les prisons par son ONG.

Mais c’est leur premier rendez-vous qui l’a marqué : en 2010, Abdeljalil, alors ministre de la Justice de Kadhafi, reçoit les représentants de Human Rights Watch, venus plaider le sort de quelque 300 détenus maintenus en prison après leur peine.
Or le ministre leur affirme texto :

« Je ne peux rien faire, car l’agence de sécurité nationale qui les détient est au dessus des lois. Mais nous devons changer cela ».

Mortellement juge.

Interloqués, les humanitaires lui demandent s’ils peuvent citer sa position :
« Ce que je vous dis, je le dis devant Dieu, et je le dirai publiquement. »

Allah, déjà......

En janvier 2010, lors de la session télévisée du Congrès général du peuple, le ministre Abdeljalil déclare en public, devant Kadhafi, médusé, qu’il souhaite démissionner car il ne parvient pas à faire libérer les prisonniers en raison d’« entraves »...

Une scène vue dans toute la Libye qui lui vaut une aura de courage.

Pourtant, Kadhafi le maintient en poste.

Et sous l’égide réformatrice de son fils Saïf al-Islam (actuellement en fuite, aux confins des pays du Sahel), le ministre Abdeljalil continue à négocier la libération de quelque 300 islamistes en échange de leur repentir :ils sont effectivement sortis de leur géôle en mars 2010.

Parmi eux, le fameux Abdelhakim Belhaj, leader du Groupe islamique combattant libyen, qui a lutté en Afghanistan au côté d’Al-Qaida et qui est désormais gouverneur militaire de Tripoli...

Auparavant Abdeljalil jouissait déjà d’une réputation de « juge intègre » dans sa ville natale d’Al-Baïda, pour avoir rendu des arrêts indemnisant un prisonnier politique ou bien un audacieux quidam refusant d’acquitter le prix du fusil obligatoire imposé par le Guide.

Mais ce petit juge apparemment rebelle a su faire carrière.

Bombardé président de la cour d’appel de Tripoli, il a confirmé par deux fois, en 2005 et 2006, la condamnation à mort des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien accusés par le régime d’avoir inoculé sciemment le sida à 426 enfants de Benghazi...

Et le journal algérien « Al Chorouk » vient de l’accuser d’avoir aussi fait condamner à mort 32 opposants...

« Il a donné des gages, il a joué le jeu du pouvoir pour se faire remarquer et devenir ensuite ministre », résume Me Emmanuel Altit, l’un des avocats français des infirmières bulgares.

Ces dernières ont ensuite été libérées, on s’en souvient, après une rocambolesque négociation, officiellement menée par Claude Guéant et Cécilia Sarkozy.

« Cette libération l’a rendu furieux, et il a déjà voulu démissionner une première fois ! » confie Moncef Ouannes, professeur à l’université de Tunis et grand connaisseur de la Libye.

Qui détaille méticuleusement son curriculum islamique : membre de la tribu Al-Baraâssa, comme Sofia, l’épouse de Kadhafi, le jeune Moustapha a été, selon cet universitaire, proche des Frères musulmans avant leur interdiction, mais aussi membre de la confrérie soufie Senoussia, liée à la famille du roi Idriss.

Inscrit à l’université islamique d’Al-Baïda, c’est la charia qu’il étudie, bien sûr, en parallèle avec un brillant parcours de footballeur étudiant !.

« Il a l’échine souple, et il est très influençable », note le spécialiste du Moyen-Orient Antoine Basbous, auteur du livre tout juste publié « Le tsunami arabe » (Fayard).

« Il fait un bon imam de quartier, mais pas un chef d’Etat ! ».

Avec son profil respecté de grand-père modeste et rigoriste, aura-t-il l’autorité pour désarmer les milices et réconcilier les tribus, les régions, les générations, mais aussi les libéraux et les islamistes ?.

Il est parfois taxé d’indécision.

Voir l’assassinat, le 28 juillet, de son rival au CNT, le chef militaire de la rebellion, le général Younès, ex-ministre de l’Intérieur et tortionnaire au service de Kadhafi.

Abdeljalil, décomposé, annonce l’info à la télé, alors que le CNT est accusé d’être mouillé.

Puis il disparaît, n’ose pas se montrer à l’enterrement du général et promet une commission d’enquête qui n’aboutira jamais, avant de virer tout son gouvernement dix jours plus tard.

Tom Malinowski prend sa défense :

« Il a endossé un rôle respecté d’unificateur du pays. C’est l’homme dont les Libyens ont besoin, car il est l’anti-Kadhafi : ni flamboyant ni charismatique, mais respectant les institutions... ».

Ces réserves n’ont pas empêché BHL de voir en lui un « De Gaulle libyen », et de vanter à son ami Sarko ce « commandant Massoud » local !.

Par David Fontaine dans Le Canard enchaîné du 02/11/2011

Transmis par Linsay



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mercredi 16 novembre 2011 à 10h31 - par  chb

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