EZLN : 28 années de cohérence et de lutte éthique

mercredi 30 novembre 2011
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Vingt huit années ont passé depuis que dans les entrailles indigènes du Chiapas s’est formée l’organisation politique qui à partir de 1994 sera reconnue comme l’Armée Zapatiste de Libération Nationale. La rebellion armée de l’EZLN se fonda sur l’application de l’article 39 de la Constitution, qui à la lettre dit : « La souveraineté nationale réside essentiellement et originairement dans le peuple. Tout le pouvoir public émane du peuple et s’institue au bénéfice de celui-ci. Le peuple tient, en tous temps, l’inaliénable droit de changer ou de modifier la forme de son gouvernement ».

La Première déclaration de la forêt Lacandone (1993) établissait : « Notre lutte s’attache au droit constitutionnel et est le porte-drapeau pour la justice et l’égalité...Nous avons le peuple mexicain de notre côté, nous avons une patrie et le drapeau tricolore est aimé et respecté par les combattants insurgés, nous utilisons les couleurs rouge et noir dans notre uniforme, symboles du peuple travailleur dans ses luttes de grève, notre drapeau porte les lettres EZLN, Armée Zapatiste de Libération Nationale, et avec elle nous irons aux combats toujours ». Ce fut prémonitoire, étant donné les temps que nous vivons, que dans ce document l’EZLN avertissait : « Nous rejetons d’avance toute tentative de dévaloriser la juste cause de notre cause en l’accusant de narcotrafic, narcoguerilla, banditisme ou autre qualificatif que pourraient utiliser nos ennemis ».

Depuis son irruption dans les cadres politiques nationaux et internationaux, l’EZLN a signifié une réfutation indéniable des idées qui prétendaient s’imposer après la disparition de l’Union Soviétique et du camp socialiste autour de la « pensée unique », « la fin de l’histoire », et la victoire définitive du capitalisme à l’échelle planétaire. Il constitua aussi une des premières manifestations de lutte révolutionnaire contraires au néolibéralisme, dont le prophète et exécutant au Mexique, Carlos Salinas de Gortari, imposa le Traité de Libre Commerce (TLC) et la contre-réforme de l’aricle 27 de la Constitution, qui mit en vente les terres coopératives et communales et avec cela rompit le « pacte social » auquel donna forme le mouvement armé de 1910 à 1917.

L’Armée Zapatiste, comme organisation clandestine politico-militaire, hérita tardivement des sigles de libération nationale qui caractérisèrent de nombreux mouvements insurgés qui enracinés dans les réalités de notre Amérique, tentèrent d’instaurer une nation d’un nouveau type, sous l’hégémonie des secteurs exploités, opprimés, discriminés et libre des liens de l’articulation impérialiste représentée par les Etats-Unis. Cependant, sa composition indigène octroya à l’EZLN une identité distincte des autres organisations majoritairement métis, comme le FSLN, le FMLN, ou l’URNG, dans notre environnement géographique centro-américain.

L’EZLN a établi une continuité historique des résistances des peuples qui constituent le Mexique, et se définissait ainsi en 1993 : « Nous sommes le produit de 500 ans de luttes : premièrement contre l’esclavage, dans la guerre d’Indépendance contre l’Espagne menée par les insurgés, après pour éviter d’être absorbés par l’expansionnisme nord-américain, ensuite pour promulguer notre Constitution et expulser l’impérialisme français de notre sol, après la dictature porfiriste [1] nous nia l’application juste de lois de Réforme et le peuple se rebella formant ses propres leaders, surgirent Villa et Zapata, homme pauvres comme nous à qui ils nous ont nié la préparation la plus élémentaire pour ainsi pouvoir nous utiliser comme chair à canon et piller les richesses de notre patrie sans leur importe que nous étions en train de mourir de faims et de maladies curables, sans leur importe que nous n’avons rien, absolument rien, ni un toit digne, ni terre, ni travail, ni santé, ni alimentation, ni éducation, sans avoir le droit d’élire librement et démocratiquement nos autorités, sans indépendance vis à vis des étrangers, sans paix ni justice pour nous et pour nos enfants ».

Si nous prenons comme critère actuel pour définir la gauche, comme la force politique qui construit le pouvoir populaire contre le capitalisme, sans monopoliser la représentation ni retirer le rôle primordial des différents secteurs socio-ethniques qui interviennent dans ce processus, l’EZLN a été une organisation extrêmement cohérente avec un de ses plus chers principes : « Pour tous tout, pour nous rien », qui a été une réalité quand elle retira tous ses cadres politico-militaires des différents gouvernements autonomes sous son hégémonie.

Commander en obéissant est une forme diamétralement opposée à l’avant-gardisme, au bureaucratisme, à la constitution de castes qui font du pouvoir gouvernemental et de la représentation populaire son modus vivendi et qui sont devenus des machines partidaires électorales qui à tout prix prennent les charges publiques pour son propre bénéfice et ainsi s’implantent comme une classe politique divorcée du peuple. Institutionnelles et systémiques, ces gauches ne vont pas plus loin que l’alternance, et une fois au gouvernement mettent en pratique des programmes extractivistes, développementistes, clientélistes, d’assistance, pour pallier l’aspect dur du néolibéralisme mais veillant à ne pas changer le moins du monde la domination stratégique du capital et les pouvoirs factuels qui le soutienne.

Tout au long de ces 28 années, l’EZLN a fait la démonstration d’une extraordinaire capacité d’adaptation et d’innovation, sans jeter par dessus-bord aucun principe, contribuant sur des sujets cruciaux comme celui de la Loi Révolutionnaire des Femmes et à leur incorporation pleine dans tous les domaines des processus autonomiques, éduquant les nouvelles générations en préceptes pédagogiques libérateurs, assumant la dignité et la solidarité comme boussole directrice de la cohabitation sociale, le gouvernement comme service, composant, à sa manière, les utopies ancestrales révolutionnaires. Félicitations, camarades.

Traduit de l’espagnol par Gérard Jugant



[1du général Porfirio Diaz, qui fut chassé du pouvoir en 1911 par la Révolution mexicaine.Ndt



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samedi 2 février 2013 à 18h21

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