« La TVA c’est la Gabelle de notre temps. »

samedi 31 décembre 2011
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L’UD CGT de Charente maritime tenait son congrès les 14 et 15 décembre derniers. A celui-ci la section des finances publiques y faisait une intervention particulièrement incisive, explicative et argumentée dont nous reproduisons l’essentiel grâce à nos camarades de Rouge Vif qui nous l’ont envoyée.

Je voudrais ici vous dire quelques mots de ce qui fait notre métier, mais qui est aussi un des principaux enjeux des débats de société en cours et de ceux qui vont avoir lieu en 2012, à savoir la fiscalité, puisque notre syndicat des Finances publiques regroupe aujourd’hui les deux anciennes administrations des impôts et du trésor public.

Il ne s’agit pas ici de vous expliquer le détail technique ce que nous faisons, mais de donner aux camarades quelques informations et quelques arguments sur la réalité de la fiscalité dans ce pays.
Avec la crise, que tous les défenseurs du capital appellent « la crise de la dette », la question du budget devient centrale, et c’est aussi la question du rôle de l’État dans l’économie, et de la nature de classe de l’État, c’est à dire de : au service de quelle classe sociale est cet Etat ? Parce que ce que les différents gouvernements cherchent à faire, c’est sauver le capital financier en faisant payer les travailleurs, sous une forme ou sous une autre.

Quant à nous, notre syndicat l’a dit et nous le répétons : « Cette dette n’est pas la nôtre, cette crise n’est pas la nôtre, nous ne paierons pas leurs dettes ». Cette crise c’est celle de l’ensemble du système capitaliste, et la politique des différents gouvernements, crise ou pas crise, consiste toujours à transférer les richesses du travail vers le capital, et à faire payer les dettes par les travailleurs.

Ici intervient la fiscalité, c’est à dire les ressources de l’État, que notre administration est chargée d’asseoir, d’encaisser et de contrôler.

Ce qu’il faut dire tout d’abord, c’est que quand on parle des « impôts », on pense le plus souvent à l’impôt sur le revenu. Or il faut préciser tout de suite que l’impôt sur le revenu, qui est sans doute (dans son principe) le plus juste des impôts (parce que progressif : plus le revenu est élevé, plus le taux de prélèvement est important), ne représente (en 2010) que 52 milliards d’Euros, soit 20 % des recettes fiscales [1], alors que la CSG, qui est beaucoup plus injuste puisque proportionnel et non progressif représente 94 milliards d’Euros, soit 31 % des recettes fiscales [2].

Mais je voudrais surtout souligner que la majeure partie des impôts que vous payez, ce n’est pas à la perception que vous les payez, c’est au supermarché et à la pompe à essence, avec la TVA et la TIPP (Taxe intérieure sur les produits pétroliers), qui représentent 69 % des recettes fiscales [3]. Or les taxes sur la consommation sont les plus injustes qui soient. Pourquoi ? Parce que plus vous êtes pauvres plus grande est la part de votre revenu que vous dépensez en consommation, donc plus grande est la part des droits indirects que vous payez. Par exemple, si vous dépensez la totalité de ce que vous gagnez, 100 %, la TVA représentera environ 13 % de votre revenu (en gros pour un salaire de 1000 Euros nets vous allez payez sans même vous en apercevoir 130 Euros de TVA chaque mois). En revanche si vous gagnez 10 000 Euros par mois et que vous n’en dépensez que 30 %, vous paierez 390 Euros de TVA, soit seulement 3,9 % de taxes.

Autrement dit, avec la TVA, plus vous gagnez au moins vous êtes taxé, parce que plus vous gagnez, au moins vous dépensez. Au sommet de la pyramide des revenus, ce n’est plus du salaire que vous recevez mais du capital, que vous allez d’ailleurs « réinvestir » effectivement comme du capital. En fait, on peut dire que la TVA est un impôt qui frappe surtout les plus pauvres et que plus vous êtes pauvres plus vous payez. N’oubliez pas : lorsque vous entendez parler de « TVA sociale » , c’est « TVA anti sociale » qu’il faut entendre.

La TVA c’est la Gabelle de notre temps.

Maintenant, je voudrais dire un mot d’un autre impôt, qui, là encore, montre bien le caractère de classe de la fiscalité et de l’État. Je veux parler de l’ISF, l’« impôt de solidarité sur la fortune ».

Pendant les vacances, en juillet 2011, Sarkozy a fait voter une première loi de finances rectificative pour 2012, qui montrait bien que la rigueur, ce n’est pas pour tout le monde. D’ailleurs, la rigueur c’était pour septembre, dans la 2e LFR [4] et là il s’agissait de s’en prendre aux salariés. Donc, en juillet Sarkozy a « réformé » l’ISF en utilisant le prétexte de la suppression du « bouclier fiscal ». En fait, l’impôt sur la fortune a été totalement vidé de sa substance, et pour tout dire, quasiment réduit à néant.

Les plus riches (patrimoine supérieur à 16 790 000 Euros) supportaient jusqu’en 2010, un taux marginal de 1,80 %. À compter de 2012, ils ne paieront plus que 0,5 %. Autrement dit leur ISF sera divisé par plus de trois. Les 560 000 contribuables, qui, en 2010 payaient l’ISF voient en 2011 et 2012, leur nombre divisé par deux. Ils sont moins de 300 000. La prétendue contrepartie de la suppression du « bouclier fiscal » n’est qu’un leurre en réalité. Il n’y a absolument pas égalité entre les « deux plateaux » de la balance.

L’ISF représentait (en 2010) 4,1 milliards d’euros (plus de 560 000 contribuables), contre 679 millions pour le « bouclier » (19 000 bénéficiaires), soit un rapport de un à six en valeur et de un à trente pour le nombre de « foyers » concernés. La suppression du « bouclier » apparaît donc comme un prétexte pour en finir avec l’ISF. D’autant plus que le « bouclier » ne disparaîtra en fait qu’en 2013.

Depuis quatre ans nous avons subi une politique fiscale tout entière dirigée pour favoriser les plus riches, la fortune et le capital.
Dès son élection, Sarkozy a abaissé très fortement les droits de succession (Coût : 6,6 milliards d’euros depuis 2007), sous prétexte de loi dite « TEPA » (la mal-nommée : « Travail, Emploi, Pouvoir d’Achat », car de travail et d’emploi il n’y en eut pas, et de pouvoir d’achat, ce ne fut que celui des plus fortunés qui fut favorisé). Et ceci était applicable dès la date de l’élection de sa majesté, pour que ses favoris n’oublient pas à qui ils le devaient.

Comment s’en étonner de la part d’un président qui s’est fait élire en clamant dans ses meetings électoraux : « Je ne conçois pas qu’il puisse exister un impôt sur les héritages ».

Et tout est allé à l’avenant depuis quatre ans :
- Réduction de la TVA des bars et restaurants de 19,6 % à 5,5 %. Coût : 3 milliards d’euros par an. Résultat nul sur les prix et l’emploi, mais augmentation considérable des marges bénéficiaires de ces professions déjà largement juteuses, une des clientèles électorales favorites de la droite.
- Suppression de la Taxe professionnelle, payée par les entreprises, coût pour le budget de l’État : 5 milliards d’euros.
- Nombreux coups de hache dans l’ISF, à commencer par la réduction d’impôt pour « investissements dans les PME » (75 % des sommes investies en réduction d’impôt à l’ISF !), sachant que l’immense majorité des redevables ISF sont ou ont été des capitalistes (qu’ils peuvent donc « investir » dans leur propre entreprise), et que les sommes investies sont elles-mêmes exonérées d’ISF. Coût : 840 millions d’euros en 2010.

Au total de tous ces cadeaux concédés depuis 2007 aux classes possédantes, ce sont près de 23 milliards d’euros qui ont été perdus par le Budget de l’État, mais pas « perdus pour tout le monde », en tout cas pour les profits et les revenus des plus riches.

Mais cette politique fiscale s’en est pris, dans le même temps, et avec la plus grande brutalité, au plus démunis :
- En 2010 la demi-part supplémentaire d’impôt sur le revenu pour les personnes seules ayant élevé des enfants imposés séparément, a été supprimée. Nombre de personnes âgées, souvent des femmes retraitées, autrefois « non-imposables » se sont de ce fait retrouvées à devoir acquitter l’Impôt sur le Revenu, la CSG et les impôts locaux au taux plein, et ont perdu nombre d’avantages sociaux qui leur permettaient de survivre.
- On peut aussi citer la suppression de l’abattement de 10 % sur les pensions et retraites qui frappe les vieux travailleurs.
- De même, l’introduction du RSA (à la place du RMI) n’exonère plus automatiquement les allocataires du paiement de la taxe d’habitation.

Car s’agissant des impôts des pauvres, il n’y a plus ni cadeaux ni réductions, mais « chasse aux niches fiscales » (à croire qu’ils ont tellement l’habitude de nous traiter comme des chiens que les mots les trahissent). En fait de « niches », ce sont le plus souvent autant de mesures redistributives à l’avantage des foyers modestes, voire des catégories les plus défavorisés, qui sont ainsi annulées.

En conclusion, je dirais que sous l’actuelle présidence le déficit budgétaire a augmenté de 40 %, avec pour conséquence de transférer encore plus largement la richesse produite des salariés vers les plus riches. Et maintenant on veut faire payer ce même déficit par les salariés et les catégories les plus modestes. Nous devons donc, plus que jamais réaffirmer :

« Cette crise n’est pas notre crise. Cette dette n’est pas notre dette, nous ne paierons pas pour elle ».


[1ou 12% de la totalité des recettes fiscales Etat plus sécurité sociale NDR

[2ou 22% de la totalité des recettes fiscales Etat plus sécurité sociale NDR

[352 pour la TVA et 17 pour la TIPP (source ministère du budget)

[4Loi de Finance Rectificative



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