Le Venezuela, véritable cible du nouveau plan de Bush pour Cuba ?

mardi 25 juillet 2006
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Cuba décide, et c’est le Venezuela qui paie les factures. C’est la principale idée sous-jacente dans le Rapport rendu public lundi dernier par le Département d’Etat et relatif à Cuba. Ses conclusions parlent autant des plans de l’administration Bush pour un changement de régime à Cuba que sur une prétendue menace posée par le Venezuela à la sécurité nationale des Etats-Unis.

Le rapport de 93 pages fut préparé par la Commission d’Assistance à une Cuba Libre, présidée par la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice et le Secrétaire du Commerce Carlos Gutierrez. Ses recommandations ont été acceptées par le Président Bush. On y trouve un budget de 80 millions de dollars sur deux ans pour garantir une transition, plutôt qu’une succession, à Cuba. Le Rapport comporte aussi un annexe tenu secret concernant un plan pour changer le régime à Cuba.

Bien que le Rapport et les recommandations de la Commission visent ouvertement Cuba, le Venezuela y tient une place importante. Le rapport mentionne le Venezuela au moins à neuf reprises, toujours en soulignant la vision de Washington selon laquelle le gouvernement de Chavez serait en train de financer le gouvernement Cubain. « Cuba ne réussit à boucler son budget que grâce au soutien considérable de donateurs étrangers, principalement le Venezuela, » dit le rapport.

SUBVERSION EN AMERIQUE LATINE

A part de maintenir le gouvernement cubain à flot, l’argent du Venezuela est accusé en plus de financer la subversion en Amérique latine. Le premier paragraphe du rapport déclare ouvertement que « il y a des signes évidents que le régime (cubain) consacre de l’argent fourni par le gouvernement de Chavez au Venezuela pour réactiver ses réseaux sur le continent afin de subvertir les gouvernements démocratiques. » L’Administration Bush ne précise pas de quels pays il s’agit ni de quelle manière ils sont « subvertis ».

On peut raisonnablement penser à la Bolivie. Ce pays sud-américain a récemment élu Evo Morales à la présidence. Washington le considère comme l’ami à la fois de Cuba et du Venezuela. Qu’est-ce que Castro et Chavez manigancent-ils donc dans les Andes ?

Cuba a envoyé 719 médecins en Bolivie. Ils vont là où les médecins Boliviens n’osent pas aller. Dans les régions les plus reculées du pays, les médecins cubains ont soigné plus de 776.000 patients et sauvé 326 vies. Le président Hugo Chavez a promis 1,5 milliards de dollars d’investissements dans le secteur de l’énergie en Bolivie. Le Venezuela investit aussi dans des projets d’agriculture biologique comme le thé, le café, le lait et les dérivés légaux du coca. Le gouvernement Chavez a aussi récemment fait un don d’ordinateurs à des écoles situées dans la région isolée du Chapare en Bolivie.

Des médecins cubains et des investissements Vénézuéliens : voilà, selon l’administration Bush, la dangereuse recette pour une subversion en Amérique latine.

L’AXE DIRIGE PAR CASTRO

Le Rapport de la Commission de l’Administration Bush compare la relation de Cuba avec le Venezuela avec « son ancienne relation avec l’Union Soviétique, mais cette fois-ci en tant que partenaire actif : c’est Fidel Castro qui décide. » Le rapport, évidemment, ne présente aucune preuve pour affirmer que le Président Chavez ne prend pas lui-même des décisions. Le rapport se contente d’énoncer ce mythe comme un fait.

Cet « axe dirigé par Castro, » indique le rapport, « porte atteinte à nos intérêts pour un Venezuela plus démocratique et porte atteinte à la gouvernance démocratique et aux institutions ailleurs dans la région. Ensemble, ces deux pays mettent en ouvre un plan politique rétrograde et anti-américain qui trouve un certain écho parmi les gouvernements populistes et les populations déshéritées de la région. »
C’est sur ces hypothèses erronées que l’administration Bush justifie sa politique à l’égard de Cuba et du Venezuela. La Doctrine Bush est clair : afin de protéger ses intérêts en Amérique latine, Washington doit renverser le gouvernement cubain et le remplacer par un gouvernement plus favorable aux intérêts US. Pour aider à renverser le gouvernement Cubain, il faut couper ses sources de financement. Et c’est là que le Venezuela entre en scène.

Le rapport que le Département d’Etat a rendu public cette semaine affirme sans ambages que Washington considère Cuba et le Venezuela comme les deux côtés d’une même médaille, et que leur relation constitue un axe du mal au détriment des intérêts des Etats-Unis.

La menace : l’application du Titre III de la loi Helms-Burton contre le Venezuela.

Une des recommandations les plus préoccupantes de la Commission est la menace d’appliquer le titre III de la loi de Liberté et de Solidarité Cubaine de1996, plus connue comme la loi « Helms-Burton ». Le titre III accorde aux Etats-Unis une autorité sans précédente sur les biens situés à l’intérieur des frontières d’un autre pays. Il permet à des particuliers de poursuivre en justice, devant des tribunaux US, les entreprises qui opèrent des biens nationalisés par le gouvernement Cubain après la révolution de 1959. Craignant de porter atteinte aux relations entre les Etats-Unis et des gouvernements étrangers, les présidents US successifs ont toujours opposé leur veto au Titre III depuis l’adoption de cette loi en 1996.

Selon le Rapport de la Commission, la Maison Blanche se prépare à appliquer, pour la première fois, le Titre III contre des pays précis qui sont « engagés dans un processus de soutien à une succession de régime (à Cuba). » Ceci constitue une menace à peine voilée contre le Venezuela, ainsi que d’autres pays qui maintiennent des relations normales avec Cuba.

L’application du Titre III par les Etats-Unis contre le Venezuela aurait des répercussions profondes et durables sur les relations entre ces deux pays. Les échanges commerciaux entre ces deux pays s’élevaient à près de 39 milliards de dollars en 2005. Le spectre des Cubains à Miami en train de traîner le Venezuela devant des tribunaux US menacerait les futurs échanges commerciaux entre les Etats-Unis et le Venezuela.

Le Président Chavez, commentant les menaces US contre le Venezuela contenues dans le Rapport, a déclaré « il n’y a aucune menace qui puisse décourager le Venezuela de soutenir la révolution Cubaine et le peuple cubain. » « Plutôt que de réfléchir à un plan de transition pour Cuba, ajouta-t-il, les Etats-Unis feraient mieux de réfléchir à un plan pour eux-mêmes parce que ce siècle est celui qui verra la fin de l’Empire US. »

LA DOCTRINE BUSH POUR UN CHANGEMENT DE REGIME

La Commission d’Assistance à une Cuba Libre a jeté le gant à l’Amérique latine. Selon la Doctrine Bush, le gouvernement Cubain doit être renversé. De plus, la politique étrangère des Etats-Unis envers les autres pays du continent variera en fonction du soutien accordé par ces pays aux efforts US pour renverser le régime cubain. Les gouvernements qui soutiennent Cuba s’exposeront aux foudres du gouvernement US et pourraient se voir renverser à leur tour.

La Doctrine Bush énonce clairement que toute option, juridique, politique ou militaire, est envisageable par le gouvernement des Etats-Unis pour renverser le gouvernement cubain, ainsi que les gouvernements « amis de Cuba. » Certaines de ces mesures sont gardées secrètes, et on ne peut que faire des hypothèses sur leur nature.

On ne sait pas si ces mesures incluent des coups d’état tels que celui provoqué par les Etats-Unis en 2002 qui avait pratiquement réussi à renverser le Président Chavez, ou si Washington a l’intention d’activer son réseau « cubano-américain » pour lancer des attaques terroristes, ou bien si une invasion pure et simple est envisagée , ou si l’assassinat du Président Chavez est à l’ordre du jour.

La Doctrine Bush est fondée sur l’arrogance et la duplicité, mais est en accord avec la « diplomatie » US dans la région. L’histoire récente nous apprend que ce sont les Etats-Unis, et non Cuba ni le Venezuela, qui subvertissent les démocraties en Amérique latine. Les Etats-Unis ont renversé le gouvernement démocratiquement élu de Jacobo Arbenz au Guatemala en 1954 et l’ont remplacé par une dictature militaire qui a provoqué plus de 200.000 morts et disparus. A présent, les Etats-Unis tentent sans vergogne de promouvoir la candidature du Guatemala pour un siège au Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Au Chili, le gouvernement de Pinochet, que les Etats-Unis ont installé à la place de celui démocratiquement élu du Président Salvador Allende, s’est imposé par le sang et la terreur depuis les rues de Santiago jusqu’à celles de Washington DC, où les terroristes cubano-américains ont assassiné de sang froid, pour le compte des services secrets chiliens, l’exilé chilien Orlando Letelier.

Qui ont été les amis et les alliés de Washington en Amérique latine ? Les gouvernements salvadoriens qui ont brutalement assassiné plus de75.000 de leurs propres citoyens, la junte militaire argentin qui a torturé, fait disparaître ou assassiné plus de 30.000 hommes, femmes et enfants, les dictatures uruguayenne et paraguayenne qui participèrent avec zèle au Plan Condor, y compris en enlevant les bébés à certaines prisonnières clandestines qu’ils torturaient.

Pour subvertir les démocraties, les Etats-Unis ont recruté, entraîné et employé des terroristes tels que Luis Posada Carriles, connu comme le « Ben Laden » de l’Amérique latine. Il était « notre homme en Amérique latine, » et il entraîna les Contras au Nicaragua, ainsi que les escadrons de la mort au Guatemala et au Salvador. En violation de ses propres obligations légales, Washington refuse de l’extrader au Venezuela pour être jugé de 73 meurtres avec préméditation en rapport avec un attentat contre un avion civil. La Maison Blanche préfère le protéger au Texas, alors que le terroriste menace de révéler comment il ne faisait qu’obéir aux ordres.

La Doctrine Bush fut formulée par des politiciens qui ne prêtent aucune oreille aux changements en cours en Amérique latine. Les républiques bananières d’antan cèdent la place à des pays souverains et indépendants, débarrassés des ingérences US. Le continent connaîtra un monumental changement de régime, mais ce changement se produira à Washington - pas à la Havane ou Caracas.

José Pertierra est avocat. Il représente le gouvernement du Venezuela à Washington.

Source : Progreso Weekly www.progresoweekly.com

traduction CSP http://vdedaj.club.fr



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