Le premier combat de Jean Moulin

dimanche 29 janvier 2012
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Après avoir été radié par Vichy, en 1941, Jean Moulin avait raconté l’arrivée des nazis à Chartres, où il était en poste comme préfet, dans un livre publié sous le titre : « Premier combat ». Christian Fregnet a mis en scène cette œuvre où l’on voit la naissance d’un Résistant.

Christian Julien et Valéry Forestier, qui interprète le personnage de Jean Moulin

C’était l’époque où Jean Moulin n’était pas encore le résistant de l’ombre envoyé de Londres par le général de Gaulle pour participer à la création du Conseil National de la Résistance, et qui sera arrêté à Lyon avant de mourir lors de son transfert en Allemagne, en 1944.

Nous sommes en juin 40, mois terrible d’une année apocalyptique. L’armée nazie vient d’entrer en France, dans un pays laminé par une élite politique qui n’a rien vu venir, ou qui a laissé faire Hitler pour ne pas revivre le cauchemar du Front Populaire.

La pièce de Christian Fregnet « Premier combat » est inspirée du texte écrit par Jean Moulin lui même. Ce dernier (interprété par Valéry Forestier) est installé à Chartres, comme préfet de l’Eure-et-Loir, quand il réalise que l’invraisemblable est arrivé. Il y fait face comme il peut, avec ce sens du devoir qui fera sa gloire. Sur scène, derrière un grillage, il est en compagnie d’un tirailleur sénégalais (Christian Julien) qui interprètera également des rôles de nazis. Et Jean Moulin raconte.

Il raconte ses efforts désespérés pour sauver l’essentiel face à une armée en déroute, une population apeurée, des notables prêts à vendre leur âme ou à sauver leur peau à tout prix. Il raconte les petites trahisons et les grands cœurs sortis de l’anonymat. Il raconte ses efforts désespérés pour que la ville ne sombre pas dans le chaos. Il raconte l’arrivée des nazis, les paroles mielleuses des nouveaux occupants, et la réalité des tueries.

Il raconte enfin le marché diabolique proposé par les dignitaires de la croix gammée : signer un document attribuant aux tirailleurs sénégalais, ces « dégénérés » mis dans le même sac d’opprobre que les juifs, qui auraient tué un groupe d’innocents, composé de femmes et d’enfants.

Jean Moulin est tel qu’en lui-même. Il refuse tête haute. De telles accusations sont impossibles. D’ailleurs, où sont les preuves ? Alors les coups commencent à tomber en même temps que les injures : « Toi, préfet de la République, tu vas passer la nuit dans une cave humide avec un nègre de cette même République ». Deux « dégénérés » dans la même fosse. C’est là que Jean Moulin tente de se suicider en se tranchant la gorge avec des tessons de bouteille, ne voyant pas d’issue possible.

La pièce se termine peu après, sans que ne soit évoquée la suite de l’histoire personnelle de Jean Moulin. Le jeune Valéry Forestier interprète le rôle avec une sensibilité qui n’a d’égale que la dignité émanant du préfet rebelle. Dans sa double affectation de tirailleur sénégalais lucide et de porte parole des nazis, Christian Julien lui apporte une réplique de haute volée. Les deux acteurs donnent leur force à cette pièce qui est aussi une leçon d’histoire et d’éthique.

Par les temps qui courent, ce n’est pas rien.

Par Jack Dion le 28/01/2012 source Marianne 2

Transmis par Linsay


* « Premier combat » d’après l’œuvre de Jean Moulin, mise en scène Christian Fregnet, Lucernaire 75006 Paris (01 45 44 57 34) jusqu’au 25 février.



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