Silence, on privatise.

mercredi 23 août 2006
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L’enseignement supérieur public grignoté...

Pour la deuxième année consécutive, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) a publié son palmarès des « universités hors la loi) ».

Une sorte de liste noire des établissements qui ne respectent pas le barème des frais d’inscription prévus par la loi pour la prochaine année universitaire : 162 euros en licence, 211 euros en master et 320 euros en doctorat.

Selon le principal syndicat étudiant, dont le « palmarès » n’a pas été démenti par le ministère de l’éducation nationale, une cinquantaine d’universités sur un total de quatre-vingt-une seraient placées dans l’illégalité.

La plupart du temps, les dépassements sont modestes. Il s’agit de quelques dizaines d’euros siphonnés au passage à chaque étudiant en échange de prestations banales : frais de dossier, accès à la bibliothèque, possibilité d’utiliser les photocopieuses, ect.

- Mais il arrive aussi que ces frais d’inscription gonflent au point d’atteindre plusieurs milliers d’euros.

- Le cas le plus frappant est celui de l’université d’Aix-Marseille-III qui demande 3 500 euros en deuxième année de certains masters.

D’autres universités font payer 1 000 euros l’accès aux cours de préparation d’un concours comme l’Ecole nationale de la magistrature.

- Est-ce un scandale ?

Les responsables universitaires ont tendance à nuancer.
Lorsqu’il s’agit de petites augmentations, ils mettent en avant les nécessités de gestion.

Le président de Bretagne occidentale avait fait valoir, en 2005 que c’était pour lui la seule manière « d’éviter la clochardisation » de son établissement.

Yannick Vallée, premier vice-président de la Conférence des présidents d’université, renvoie la responsabilité au manque d’investissement dans les unversités.

Lorsqu’il s’agit de sommes beaucoup plus importantes- de 400 à 3 300 euros-, le discours change. Le président d’Aix-Marseille III, Philippe Tchamitchian, parle de « somme facultative ».
« Elle permet aux étudiants de bénéficier d’un accompagnement professionnel, sous forme d’aide à l’orientation et être en contact avec des recruteurs », a-t-on pu lire dans le Monde du 19 juillet.

- Mais n’est-ce pas ce que tout les étudiants devrait pouvoir obtenir sans contrepartie financière ?.

- En réalité, on assiste à un double phénomène.

- D’abord, les révélations de l’UNEF montrent que l’université renonce progressivement à des principes d’égalité que l’on croyait intangibles pour accepter des règles financières hors normes.

- C’est non seulement le niveau, mais aussi l’esprit qui a changé. L’université se privatise en douceur et en silence.

- Les études se paient au prix fort et le fait que plusieurs centaines de milliers d’étudiants bénéficient de bourses modifie peu la donne.

Ensuite, au fil des années, la médiocre qualité de l’enseignement universitaire a permis, sur ses marges, la création d’un système de formation payant et prospère.

La plupart des étudiants qui passent un concours s’inscrivent ainsi tout à la fois à l’université et dans un institut privé de bachotage pour réunir les meilleures chances de réussir.

Au frais d’inscriptions évoqués ci-dessus s’ajoutent donc des frais encore plus lourds.

- Est-ce si grave ?

Non, si l’on en juge par l’absence de mobilisation des universitaires.
Le Monde enseignant, si prompt à lutter contre un tigre de papier, comme le contrat première embauche (CPE), semble accepter le nouveau cours des choses.

- Silence, on privatise ?

Et l’on privatise d’autant plus vite que le système est obsolète, rongé par le corporatisme.

Cet effondrement de l’intérieur, en dépit d’une concentration de moyens et d’hommes de qualité, fera un jour l’objet d’études dans une université remodelée.

- Et l’on comptera l’échec de l’université française comme l’un des plus graves revers de la Ve République.

- Mai 68 avait donné l’alerte.

- Personne n’a depuis entendu le tocsin.

Art de « Laurent Greilsamer » dans le « Le Monde », transmis par Linsay


Quant au tigre de papier on laissera à l’auteur son appréciation...



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