Euromed, pour qui, pour quoi ?

mardi 27 mars 2012
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Rouge Midi a déjà parlé du projet Euroméditerranée. C’est au tour de la CGT des quartiers Nord de donner son avis sur ce projet qui entre dans une nouvelle phase...

Voir nos articles Il y a un projet pour Marseille (I) et (II)

Le quartier des Crottes, où est situé notre Union locale de syndicats des quartiers nord, est sans doute un des quartiers les plus défavorisés de Marseille. Ses voisins aussi : le Canet, Oddo, la Cabucelle. Beaucoup de chômeurs, beaucoup de personnes et familles à faible revenu. Beaucoup d’employés aussi (plus de 5000), qui viennent travailler dans cette zone consacrée au commerce et à l’automobile : le marché aux puces (des clients par dizaines de milliers le week-end), la brocante, les grands garages Renault, Peugeot et Ford, les marchands de pièces détachées neuves et d’occasion, les petits garages, la location de véhicules et plein de petits commerces de proximité (cafés, coiffure, téléphones,…). Plus de 700 entreprises en tout rien qu’aux Crottes.

Or, le projet Euroméditerranée2 arrive justement sur ces terres populaires. On pourrait s’en réjouir tant la population et les salariés ont besoin d’être enfin aidés pour avoir des conditions de vie moins difficiles. Prolongation du métro (une station !), du tramway (4 stations), parc paysager, parc d’entreprises, Palais des congrès, marché « aux épices », petits immeubles de standing, logements de qualité… A partir des terrains SNCF et de la gare du Canet récupérés, tout le quartier est remanié et amélioré. Enfin !

Eh bien non ! Le projet est tout autre que de soutenir ces populations en difficulté. Il
s’agit au contraire de bâtir un autre Marseille, non pour les ouvriers et les petits commerçants, mais pour les couches moyennes aisées, cadres des entreprises
financières et de hautes technologies ! Dans la suite d’Euroméditérranée1 qui a déjà vidé la rue de la République et la Joliette de ses habitants, emplois et commerces.

Et les habitants et les salariés des quartiers des Crottes-Canet-Oddo, que deviennent-ils ? Le but n’est pas de les intégrer, de les former, d’augmenter leurs revenus pour qu’ils aient accès à tout cela. C’est l’inverse. Le but est qu’ils laissent la place à une autre population propre sur elle et qui rapporte ! Rappelons la déclaration d’un élu UMP, adjoint de J-C Gaudin, en 2003 : « On a besoin de gens qui créent de la richesse. Il faut nous débarrasser de la moitié des habitants de la ville. Le coeur de la ville mérite autre chose » [1]

C’est clair, ils ne veulent pas de nous, on fait tâche ! On ne rapporte rien (aux promoteurs et aux multinationales). On a déjà demandé à un salon de coiffure du secteur si elle était « prête à accueillir une autre clientèle ». C’est vrai qu’il y a aussi, comme dans d’autres lieux de misère, du commerce de drogue et du trafic. C’est en combattant la misère et le chômage qu’on les éliminera, pas en les déplaçant plus loin. Car il y a une vie de quartier qu’il faut au contraire préserver et enrichir.

Typiquement populaire avec de l’entraide, des commerces ouverts tard et des enfants qui courent dans les rues. Et un brassage de cultures enviable...
Mais eux, ce qu’ils veulent, c’est « transformer Marseille » comme ils disent pudiquement, en faire « une métropole de premier plan », en nous cachant au fin fond des quartiers nord…

Comme l’a dit une habitante, cela fait des années qu’on a les fumées des 5 lignes d’autobus, là, ils mettent enfin le tram et le métro, mais ce n’est pas pour nous !
Les emplois actuels seront au mieux déplacés « à perpète » (Renault à Vitrolles par
exemple, Peugeot, Ford et Automobile Diffusion, on ne sait pas). Beaucoup seraient
supprimés. Pareil pour les habitants : les locataires expulsés ou subissant des hausses de loyers qui le feront fuir, les propriétaires indemnisés une bouchée de pain. On a l’expérience de la rue de la République, on sait à quoi s’en tenir ! : pas de quoi obtenir un logement décent pas trop loin du centre ville, comme sont les Crottes actuellement.
Ajoutons que le projet est qualifié Ecocité, "grand projet d’innovation architecturale, sociale et énergétique". De mettre des familles pauvres à la rue, ça devient écologique ?

Pourtant, elles ne consomment pas beaucoup !! Les innovations architecturales et
énergétiques, tout le monde doit y avoir droit, pas seulement ceux qui ont les moyens de se les offrir pour eux… avec l’argent des contribuables.

Il faut bien comprendre que ce projet ne tombe pas du ciel un jour de mistral.
- D’une part, il correspond à une vaste ambition de changer la population de Marseille (cela s’appelle la gentrification, la captation des centres villes par les couches les plus aisées, beaucoup de villes en France et dans le monde entier connaissent cela).
Marseille est même une des rares villes françaises à avoir gardé un centre ville
populaire (Noailles, Belsunce, La Plaine, St Lazare). Euroméditerranée est une manière de contourner cet obstacle.
- D’autre part, il s’insère dans un dispositif européen et mondial de donner des débouchés massifs aux capitaux en quête de spéculations immobilières. Détruire et construire pour les riches, ils savent faire. Faire de cela une opération rentable, ce n’est même pas sûr ! Mais le mal serait fait pour tous les quartiers vidés de leurs travailleurs et de leurs habitants…

Euroméditerranée est un établissement public. Elle est richement financée (800 millions d’euros d’argent public pour ce projet !) Ce projet est porté par la ville, la mairie, la région, le département. Tous d’accord pour se débarrasser de nous et offrir de bonnes conditions à la spéculation immobilière à qui on fait miroiter 3 milliards de bénéfices. Il y a une opposition, mais peut-elle s’opposer seule, sans les habitants et salariés du quartier ? C’est de nous que cela dépend…

Justement, si le profit attendu est trop aléatoire, parce que la population n’accepte pas d’être délogée et de laisser le terrain libre, les promoteurs aux dents longues iront ailleurs. Donc, il y a moyen de s’opposer et d’empêcher ce projet anti-population. Ne nous laissons pas faire. Les seules batailles perdues sont celles qu’on ne mène pas !

Les enjeux sont énormes, sociaux, politiques et financiers. D’autres quartiers ont réussi à faire reculer ces plans néfastes. Nombreux (les salariés, avec les habitants et les commerçants et clients du marché aux puces, ça fait du monde !) et déterminés et endurants (la lutte sera longue et semée d’embûches, restons unis), nous aussi, nous pourrons le faire…

Oui à la prolongation du métro, jusqu’aux cités Kallisté et Solidarité
Oui à la réhabilitation du quartier pour ses habitants et ses salariés
Blocage des loyers à leur niveau actuel. Non aux expulsions.
Oui au maintien du marché aux puces et des commerces du quartier


[1Voir aussi sur le sujet l’article Psychogéographie du titre du livre du même nom



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