Interrogé à la Réunion où il était en visite sur ce que les médias appellent la « dynamique Mélenchon », François Hollande a répondu : « je n’ai qu’un adversaire c’est la droite ». Et, commentant un sondage qui indique que l’on se dirige vers un record d’abstentions (32%) pour ce type d’élections, il a rajouté « Plus que la dispersion » des voix au premier tour, « l’abstention » est « le risque » de la présidentielle 2012.

Mais il ne s’en est pas tenu là. Par rapport au Front de Gauche il a affirmé : « Leur programme manque d’ambition en particulier parce qu’il ne dit pas où et comment il va prendre l’argent pour les mesures annoncées. Il est d’ailleurs bien en deçà des 110 propositions de François Mitterrand [1]. En ce qui me concerne c’est dans cette filiation que je me situe ».

A un journaliste surpris qui lui demandait des précisions il a répondu : « mais enfin en 1981 on a nationalisé toutes les banques – ce que le Front de gauche ne propose pas aujourd’hui – et l’économie n’est pas morte ! C’est d’ailleurs ce que j’ai dit à la presse anglaise et qui a été tant déformé ! De plus je vous rappelle qu’en 1981 on a aussi nationalisé l’ensemble des grandes industries (et on aurait pu faire plus !) ce que le Front de gauche ne propose pas non plus aujourd’hui. Et en plus aujourd’hui, contrairement à 1981 on est dépendants de l’euro. Comment voulez-vous qu’ils tiennent leur programme s’ils ne maitrisent ni la monnaie, ni les banques ? »

Un autre journaliste interloqué lui a fait alors remarquer que le PS ne parlait pas ainsi. François Hollande a répondu par le classique « je suis au dessus des partis » et il a continué en disant : « Ne vous laissez pas impressionner par les tribuns qui parlent d’insurrection sans vraiment se prononcer pour une rupture totale avec le système. Rappelez-vous François Mitterrand lors de la création du PS en 1971 : celui qui n’est pas anticapitaliste n’a pas sa place dans le parti socialiste. Eh bien moi je suis resté fidèle à ça.

Je suis le candidat de la rupture, je désire que la nation française et ses représentants élus retrouvent la maîtrise de leur monnaie, de leur économie, et de leurs barrières douanières, seuls moyens de reconstruire l’industrie nationale et le niveau de vie. Et qui à part moi parle d’une forme de protectionnisme à nos frontières ce que d’ailleurs font les USA et la Grande Bretagne pour ne parler que d’eux ? Regardez le programme des autres candidats qui se réclament de la gauche ! Dans le meilleur des cas ils parlent de protéger aux frontières de l’UE, comme si cela était contrôlable ! Et comment ils feront demain avec les ouvriers de Fralib que j’ai rencontrés à plusieurs reprises et qui sont confrontés à une délocalisation à l’intérieur de l’UE ? »

Décidément très remonté François Hollande a abordé sur le même ton passionné les questions du logement et de l’emploi et interrogeant des journalistes qui n’en revenaient pas :
« Et qui à part moi dit qu’il faut abroger la loi Barre [3] afin de revenir à une vraie aide à la pierre et relancer ainsi pour de bon la construction massive de logements ?
A-t-on oublié que dans ce pays, à une époque où les techniques n’étaient pas développées comme aujourd’hui, on a pu construire plus de 500 000 logements en une seule année [4] ? Qui d’autre que moi revendique le retour à une sécurité sociale gérée comme en 1945 par des administrateurs élus et majoritairement salarié-e-s ? L’intégration (enfin !) de la protection sociale des chômeurs dans la sécurité sociale devenant ainsi comme c’était prévu dans le projet d’Ambroise Croizat, la 5^e branche de la sécurité sociale ?
Ne vous laissez pas avoir par des discours ! c’est d’actes concrets dont on a besoin ! Vous croyez que mes propos contre la finance ou mon projet de taxer les revenus au-dessus d’un million d’euros par an était un coup de colère passager ? Mais ce n’est qu’un début ! Il faut revenir à l’échelle mobile des salaires et limiter les écarts de revenus de 1 à 5 et non de 1 à 20 comme le propose Mélenchon. Franchement, avec un SMIC à 2000€ par mois vous ne croyez pas qu’un plafond à 10 000€ par mois est plus que raisonnable ? »

Un journaliste lui fait alors remarquer qu’on dirait un programme communiste des années soixante, François Hollande a répondu du tac au tac : « Non c’est un programme socialiste, un programme qui jette les bases de la réappropriation des richesses par le peuple afin qu’elles soient mieux partagées. Le communisme c’est autre chose, on n’en est pas encore là.
Ce n’est quand même pas de ma faute si les dirigeants du PCF actuels ont perdu tous leurs repères en courant derrière un homme politique qui de plus est en train de leur manger la laine sur le dos ! »

Pendant tout l’entretien un journaliste abasourdi n’avait rien pu dire. C’est seulement à la fin qu’il s’est aperçu qu’on était le 1^er avril…