« La révolution ne sera pas télévisée », une excellente chronique d’un coup d’Etat

vendredi 13 avril 2012
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A l’occasion du dixième anniversaire du Coup d’Etat contre Hugo Chavez au Venezuela...

La révolution ne sera pas télévisée [1] est un documentaire de l’année 2003 au sujet des événements d’avril 2002 au Venezuela, où le président Hugo Chavez fut renversé par un coup d’Etat. Cet excellent documentaire de Kim Bartley et Donnacha O’Briain est un extraordinaire compte-rendu des événements survenus dans la République Bolivarienne du Venezuela au mois d’avril 2002, durant le gouvernement du président Hugo Chavez Frias, qui après l’écrasante victoire dans des élections démocratiques et dans le référendum par lequel fut approuvé une nouvelle constitution, commença avec un large soutien populaire le processus révolutionnaire que vit le peuple vénézuélien.

Le 11 avril 2002 le président vénézuélien Hugo Chavez avait été déplacé de son bureau et avait été remplacé par un nouveau gouvernement intérimaire. Ce qui de fait s’était passé était le premier coup d’Etat latino-américain du XXIe siècle, et le premier coup d’Etat médiatique du monde parrainé par les moyens de communication, la direction de l’église et du patronat, qui fut exécuté par des militaires de haut rang.

A partir des témoignages directs des faits recueillis durant les 47 heures que dura le coup, se reconstruisent les moments tendus vécus par la victoire du coup, la répression, et le vide informatif des jours postérieurs, et la formidable réaction du peuple et de jeunes militaires loyaux, qui restituèrent le président Hugo Chavez Frias dans la matinée du 14 avril. Après l’échec du coup le processus révolutionnaire continua sa marche.

L’opposition, spécialement le patronat, décida de faire un coup d’Etat quand le président Chavez approuva le 10 décembre 2001 un paquet de 49 importants décrets-lois, qui rendit furieuse l’opposition. Les plus critiqués par celle-ci furent la loi sur la terre (qui permit d’exproprier les grandes propriétés) et la loi sur les hydrocarbures. Immédiatement après cela, les patrons regroupés dans la Fédération Fedecamaras, s’appuyant sur son énorme pouvoir dans le pays, réalisèrent une grève générale avec l’intention de forcer la sortie du président Chavez, mais ils échouèrent.

Le 9 avril 2002, les patrons, la hiérarchie de l’église catholique, les syndicats corrompus (CTV), les partis politiques qui gouvernèrent dans le passé, et les télévisions privées du Venezuela, appelèrent à une autre grève générale cette fois de caractère illimitée, pour forcer à nouveau le président Chavez à démissionner. Au troisième jour de la grève, les protestations se transformèrent en troubles, une marche contre le gouvernement fut déviée de son parcours illégalement vers le palais présidentiel de Miraflorès où il y avait aussi une concentration d’appui au gouvernement. Des affrontements armés se produisirent qui firent des blessés et des morts du fait de francs-tireurs, et par la conduite disproportionnée de la police métropolitaine (contrôlée par un maire d’opposition), qui causèrent un massacre avec des dizaines de morts et des centaines de blessés parmi les partisans du gouvernement d’Hugo Chavez.

Un groupe de militaires (surtout des généraux et des officiers supérieurs) demanda la démission du président Chavez, qui fut détenu et transféré hors de Caracas, dans une conférence de presse préparée où ils parlent de morts quand il ne s’était produit encore aucun coup de feu. Ce même jour put être assermenté Pedro Carmona, président des entrepreneurs vénézuéliens, comme président intérimaire. Son premier acte officiel fut la dissolution du Parlement (Assemblée Nationale), du Tribunal suprême de Justice, du Conseil National Electoral, et la destitution du Procureur général, du contrôleur et du défenseur du peuple. Le nouveau gouvernement dut affronter immédiatement les protestations populaires qui se maintenaient fermes en faveur de Chavez. Des jeunes militaires se soulevèrent à Maracay et les protestations populaires forcèrent la sortie de Carmona et du reste des personnes liées au nouveau gouvernement, qui durent s’échapper du pays. Le 14 avril 2002 Chavez fut libéré de sa prison militaire et rétabli comme chef de l’Etat.

Après l’échec du coup d’Etat, le 2 décembre 2002 l’opposition appela à un arrêt civique national avec l’objectif de paralyser la production et la distribution du pétrole, mais ils n’atteignirent pas leur objectif et l’arrêt pétrolier échoua. Après un long et complexe processus de discussion entre le gouvernement et l’opposition, le président Chavez accepta finalement de convoquer un référendum révocatoire de son mandat à la moitié de celui-ci comme le prévoit la nouvelle constitution, le 15 août 2004. La nouvelle victoire électorale du président Chavez avec un appui populaire de 59% confirma son mandat et constitua une énorme avancée dans la consolidation du processus révolutionnaire vénézuélien.

La Révolution Bolivarienne : un processus révolutionnaire à l’ombre de Bolivar

Un des aspects les plus intéressants en relation avec le processus révolutionnaire vénézuélien a été qu’il a prit le nom d’un homme connu comme le Libérateur, Simon Bolivar. Leader de la guerre d’indépendance du Venezuela contre les colonisateurs espagnols au début du XIXe siècle, Bolivar libéra aussi 4 pays en Amérique du Sud : la Colombie, l’Equateur, le Pérou et la Bolivie (ainsi appelée à partir de son nom).

Inspiré par l’idéal républicain d’un peuple souverain décidant de son propre futur, Bolivar eu aussi la vision d’une Amérique latine unie et indépendante des Etats-Unis d’Amérique du Nord. Néanmoins, et après une admirable série de victoires militaires, Bolivar fut écarté par les élites locales qui prirent le pouvoir dans les républiques libérées et sa vision jamais matérialisée. Bolivar mourut en 1830.

Dans les 120 années postérieures à la mort de Bolivar, le Venezuela fut gouverné, à quelques exceptions près, par une série de dictateurs despotes jusqu’en 1958. En janvier de cette année, une coalition civico-militaire déposa le dictateur d’alors, Marco Perez Jimenez et pour la première fois la promesse d’une démocratie réelle et d’une société ouverte était proche pour le Venezuela. Cependant cette promesse fut réduite à néant quand les deux partis majoritaires, Action Démocratique et COPEI, décidèrent de partager le pouvoir exclusivement entre eux par l’accord connu comme le « Pacte de Punto Fijo ».

Appuyé par le gouvernement des Etats-Unis, le but du « Pacte de Punto Fijo » était d’exclure la gauche de la vie politique, et le bipartisme dans le système politique caractérisa le Venezuela dans les 40 années qui suivirent. Durant le boom pétrolier des années 70, cette structure politique se maintint grâce à la corruption mais après la chute des prix du pétrole dans les années 80 la crise commença à être évidente. Quoique des centaines de milliards de dollars entraient dans le pays par les revenus pétroliers, la redistribution de la richesse était inégale, étant donné que 80% des 23 millions d’habitants du Venezuela se trouvait vivre dans la pauvreté.

La situation en 1989 était plus que critique. Pendant que le peuple était dans une situation de pauvreté extrême, les cas de corruption se multipliaient. Le peuple explosa et démontra son malaise contre le gouvernement du président d’alors, Carlos Andrés Pérez (AD). Cette protestation massive fut connue comme le « Caracazo ». Le 16 février 1989 le président récemment élu Carlos Andrés Pérez présenta au pays le programme d’ajustement macro-économique, le dénommé « paquet économique ».

Etant donné le caractère simultané, massif, inattendu et violent de ces événements, les forces policières régulières se trouvèrent débordées. Au vu de la situation,à la mi-journée du 28, le président ordonna à la Garde Nationale et à l’Armée de réprimer les troubles. Il décréta également l’état d’urgence, pendant lequel restèrent suspendues un groupe de garanties constitutionnelles durant les 10 jours suivants. Les Forces Armées assumèrent le contrôle de l’ordre public et fut décrété un couvre-feu sur l’ensemble du territoire national. La plus grande partie des victimes de la répression résulta comme conséquence de l’intervention de la Garde Nationale et de l’Armée dans le contrôle de l’ordre public. 83% des morts n’avaient pas d’antécédents judiciaires. Les données indiquent que la cause de la mort dans 98% des cas fut de blessures par armes à feu. La majorité des personnes qui moururent étaient jeunes, dont 38 mineurs.

Trois années après le « Caracazo » on pouvait voir clairement les résultats du « paquet économique » : une franche détérioration du niveau de vie de la population, particulièrement des couches moyennes et des travailleurs et de ses perpectives, en même temps qu’une augmentation de la corruption et la concentration toujours plus grande de la richesse et du pouvoir dans les cercles restreints des clans politiques, économiques et militaires, ce qui eut comme résultat, un mécontentement généralisé de la population et un divorce de celle-ci avec les instances du pouvoir, et provoqua les événements du 4 février 1992.

Ce fut dans ce cadre qu’Hugo Chavez fit un putsch militaire en février 1992. Durant des années Chavez et un groupe d’officiers des forces armées, inspirés de l’étude de Bolivar, avaient commencé à définir une philosophie politique qu’ils appelèrent le Bolivarianisme. Ils tentèrent de ressusciter quelques unes des valeurs centrales de Bolivar qui selon leur point de vue avaient été perdues dans le Venezuela moderne : indépendance nationale, autosuffisance économique, et l’éthique du service public.

Le résultat du coup manqué de 1992 est que Chavez devint un symbole populaire de résistance au vieux système politique, particulièrement chez les pauvres. A la suite de sa libération en 1994, Chavez se proposa de construire un mouvement politique de base large, regroupant des partis de gauche comme le MAS, Patria para Todos et le Parti Communiste, ainsi que son propre parti, le Mouvement Cinquième République. Ce mouvement lança un agenda défini comme bolivarien, inspiré par la vision de Bolivar d’une société démocratique avec des droits réels pour tous les citoyens.

Aux élections présidentielles de 1998 Chavez gagna avec 56% des voix, puis impulsa un processus constituant pour élaborer une nouvelle constitution pour le pays. Il organisa des élections nationales pour élire l’Assemblée Nationale Constituante, où des représentants des partis politiques et de la société civile écrivirent une nouvelle « Grande Charte », comme l’appela Chavez alors. Cette nouvelle constitution fut soumise et approuvée par référendum populaire en 1999.

Un des piliers centraux de cette Constitution Bolivarienne est son parti-pris pour la démocratie participative, l’idée que les citoyens doivent être activement impliqués dans le processus politique de prise de décisions. Pour cette fin, la constitution permet, entre autres choses, que chaque fonctionnaire élu par le vote populaire puisse être destitué de sa charge par référendum populaire à la moitié de sa période. Le gouvernement de Chavez a aussi impulsé la création des dénommés « Cercles Bolivariens », associations de voisins et communautés dont le noyau réside dans l’éducation populaire et l’activisme. Son objectif est de promouvoir un espace pour que le peuple exerce ses droits sous la nouvelle constitution, comme les soins médicaux gratuits et l’éducation, et d’exiger la sanction de ses représentants et gouvernements locaux quand existent des fautes dans leur mise en oeuvre.

De plus, il convient de relever que Chavez a ranimé l’idéal de Simon Bolivar d’unifier l’Amérique latine, l’aspiration à l’intégration latino-américaine. Quant les élites de ces pays se manifestent soupçonneux à l’égard de l’idée, les réalités locales avec des millions d’habitants du Chiapas jusqu’au Chili ressentant les effets négatifs des politiques néolibérales de Washington, en viennent à penser que le terrain est fertile pour cette idée. Deux cent ans plus tard, le Libérateur a encore une grande influence.

David Arrabali Campos

Traduit de l’espagnol par Gérard Jugant



[1Chavez : Inside the Coup, pour l’original en anglais



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