65 000 enfants en prison aux Etats-Unis : ce « modèle » dont certains veulent s’inspirer en France

lundi 16 avril 2012
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Une exposition sur l’enfermement des mineurs commence à faire grand bruit aux Etats-Unis et sera visible pour le public français cet été à l’Université de Nanterre. Choquante, dérangeante, elle offre une vision violente et désespérante de la justice américaine. Un message que devraient méditer ceux qui, en France, n’ont de cesse d’abaisser l’âge de la détention.

Extrait du rapport de la Fondation Casey

Ce sont des photographies de fin de vie. Certaines les montrent en groupe, d’autres en extérieur, mais toutes provoquent un malaise instantané devant la solitude définitive qui s’en dégage. Il n’y a aucun après ni au-delà pour ceux et celles qui y figurent. Et ce, quelle que soit la durée de leur peine, le lieu de leur détention ou le programme qui leur est appliqué.

Pendant cinq ans, le photographe américain Richard Ross a sillonné les Etats-Unis et saisi les éléments humains ou matériels d’une réalité qui siphonne, au fur et à mesure qu’on s’en imprègne, toute justification que l’on serait tenté d’y apporter. S’y mêlent un travail remarquable sur l’architecture de ces bâtiments, car elle a été souvent pensée, ce qui est pour beaucoup dans le malaise immédiat qui s’en dégage, sur les murs et sur la manière dont les murs traversent le temps, sur les plafonds, dont on détache difficilement son œil une fois qu’il s’y est collé, sur des salles de classe ou sur les êtres qui sont disposés dans ces ensembles.

Juvenile In Justice, difficilement traduisible en raison de son contenu, mais qui signifie littéralement Mineurs dans le Système Judiciaire, est le nom donné à ce travail extraordinaire qui a abouti à cette exposition ainsi qu’à un livre, et dont on peut se donner une idée sur le site qui lui est dédié.

Les Etats-Unis emprisonnent six fois plus de mineurs que n’importe quel autre pays développé dans le monde, 60 500 au moment où l’on écrit ces lignes. Mais 500 000 mineurs par an passent par les centres de détention. La détention des personnes de moins de 18 ans, telle qu’elle désigne le système applicable aux mineurs, est ancienne de plus d’un siècle. Le premier tribunal pour mineurs a été créé en 1899 à Chicago. Avant cette date, les mineurs étaient incarcérés avec les adultes.

Le rapport que vient de publier la Fondation Annie E. Casey sur la question de la réduction de l’incarcération des mineurs constitue l’un des documents les plus élaborés jamais rendu public à ce jour en Amérique. Il décrit ce système comme dangereux, inefficace, inutile, obsolète, couteux et inadéquate. Mais il faut également souligner qu’il est extrêmement opaque et que son exploration se heurte a deux éléments majeurs : l’hypermédiatisation de la délinquance juvénile qui est un exercice quotidien de la presse américaine et la consultation de données qui paraissent peu en accord avec la réalité, dans un contexte ou le législateur s’appuie sur la popularité du discours punitif nourrit par la peur de l’opinion publique. Pourtant les chiffres sont là : la délinquance juvénile aux Etats-Unis n’est guère supérieure à ce qu’elle est dans les autres pays développés : 336 délits pour 100 000 habitants. Le pays suivant sur la liste, l’Afrique du Sud, s’affiche à 69 pour 100 000, puis la Nouvelle Zélande, 68 pour 100 000 et la France se situe à 18,6 pour 100 000. (Source : Hazel, Neal, Cross-National Comparison of Youth Justice, London : Youth Justice Board, 2008)

De son long voyage à travers trente états américains et 35 centres de détention pour mineurs, le photographe Richard Ross revient avec une réflexion glaçante : « J’ai grandi dans un monde où l’on résolvait les problèmes, pas dans un monde où l’on détruit une population. Pour moi, c’est une honte lorsque je vois ce que ces enfants doivent affronter ». Pas une statistique, pas un argument, pas une théorie ni même un exemple de "réussite" ne peut en effet contrer l’effet dévastateur de ces images. Elles sont celles d’un enfer dont aucun ne réchappe et qu’il emporte avec soi ou qu’il aille par la suite.

Par Stephane Trano blogueur associé de Marianne 2 le 13/04/ 2012

Transmis par Linsay



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