Ceux qui n’existent pas

vendredi 22 juin 2012
popularité : 4%

L’apatride est, selon le droit international, « celui qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (1) ». Souvent, privé des droits civiques, contraint à vivre dans l’ombre, il ne peut ni aller à l’école, ni se faire soigner, ni posséder de biens, ni voyager…

Les bouleversements survenus en Europe et en Asie mineure tout au long du XXe siècle ont privé de nombreuses populations de leur nationalité : Arméniens de l’Empire ottoman, Russes blancs fuyant la révolution et, bien sûr, nombre de Juifs. Avec la chute du mur de Berlin, en 1989, de nouveaux groupes d’apatrides ont fait leur apparition en Europe de l’Est, comme les Roms ou les Russes des pays baltes.

Les apatrides bénéficient d’un statut distinct de celui des réfugiés, régi par la convention de New York du 28 septembre 1954. En 1961, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) a attribué au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) le mandat de protéger ces populations et de s’attaquer aux racines du problème (convention sur la réduction des cas d’apatridie). Seules 3,5 millions de personnes sans nationalité étaient enregistrées auprès du HCR en 2011, alors que l’institution estime leur nombre à environ 12 millions.

« Depuis une décennie, le Haut-Commissariat s’est davantage engagé dans la résolution des cas d’apatridie », note M. Philippe Leclerc, représentant du HCR en France, qui a longuement étudié le phénomène. L’une de ses causes, très méconnue, est l’impossibilité pour la mère de transmettre la nationalité à son enfant dans certaines législations nationales. C’était le cas en Indonésie jusqu’en 2006, lorsqu’une loi sur la citoyenneté, soutenue par le HCR, a mis fin à cette discrimination sexiste, comme elle l’a fait récemment au Maroc et en Algérie. « Un exemple qui peut notamment sensibiliser les pays et du Proche-Orient », espère M. Leclerc.

L’intervention du HCR a également été déterminante pour résoudre le cas des Tatars de Crimée, transférés sous Joseph Staline, et auxquels l’Ukraine a finalement accordé la nationalité.

La plus grande avancée récente concerne la délivrance du certificat de nationalité à 2,6 millions de dalit (intouchables) du Népal (20 %de la population). Longtemps victimes de la politique de caste qui frappe encore d’autres minorités (notamment les Madhesis), ils ont reçu le précieux document à la veille des élections législatives de 2007.

Le HCR apporte également son aide à des communautés apatrides aussi vastes que celle des musulmans de l’Etat rakhine, dans le nord de la Birmanie (800 000 personnes) des Bidounes des Etats du Golfe (200 000 personnes) ou encore des tribus montagnardes de Thaïlande, et divers groupes nomades à travers le monde qui risquent de devenir apatrides. Au registre des progrès, on peut inscrire la naturalisation en 2003, au Sri Lanka, de 190 000 « Tamouls des collines » (distincts des Tamouls du Nord), deux siècles après leur transfert de l’Inde britannique vers les plantations locales de thé ! Mais il subsiste toujours en 2012 des legs coloniaux : les descendants des quelque 100 000 apatrides nubiens engagés il y a un siècle par l’armée britannique au Kenya demeurent privés de la citoyenneté de ce pays.

Enfin, sur un continent américain qui pratique le « droit du sol », la République dominicaine fait exception. Sa Constitution indique que tous les enfants nés sur le territoire obtiennent automatiquement la nationalité, sauf ceux dont les parents sont des étrangers « en transit ». C’est le cas de centaines de milliers d’Haïtiens d’origine, même lorsqu’ils ont émigré depuis des décennies…

Par Augusta Conchiglia, source Le Monde diplomatique de juin 2012

Transmis par Linsay


Augusta Conchiglia , journaliste

(1) Article premier de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides.



Commentaires

Logo de marion
vendredi 22 juin 2012 à 12h04 - par  marion

plombier paris

plombier paris

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur