Un pays entré dans « l’indépendance à reculons »

vendredi 6 juillet 2012
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A l’occasion des fêtes du cinquantenaire, célébré le 5 juillet, le quotidien algérien El-Watan s’interroge sur le fondement des institutions algériennes et sur le mal-être qui prédomine dans le pays.

Il ne s’agit pas ici d’établir un bilan de cinquante années de « réalisations ». Le diable se cache dans les chiffres, dit-on. Nous nous interrogerons dans les lignes qui suivent sur le « pourquoi », cinquante ans après l’indépendance, notre jeunesse ne rêve pas d’Algérie ? Pourquoi, deux générations après la chute spectaculaire du colonialisme, nous enregistrons des performances médiocres dans tous les domaines de la vie économique ? Pourquoi les relations sociales ne sont pas apaisées ? D’où vient ce mal-être qui colle à l’âme de nos concitoyens ? « Serions-nous, comme disait ce député de la première Constituante, entrés dans l’indépendance à reculons ? »

La machinerie institutionnelle algérienne, conçue dans la hâte au lendemain du référendum d’autodétermination du 1er juillet 1962, porte en elle toutes les dissonances et les incohérences engendrées par la tourmente politico-militaire qui a accompagné les premiers jours de l’indépendance. La turpide course au pouvoir, apparue dès la fin de l’année 1959, a pavé de ses vicissitudes parfois tragiques tout le cheminement chaotique du pays. Dire que c’est la consistance glauque des rivalités hégémoniques qui a, depuis cette date, marqué le système de façon durable n’est pas épaissir le trait. Tous les rouages de la mécanique étatique en sont affectés dès leur instauration.

Mais les références à la guerre de Libération et les relations complexes qu’elle a tissées entre ses artisans, de même que sa longueur et surtout l’extrême violence de la riposte colonialiste ne peuvent pas expliquer les pratiques du pouvoir qui, un demi-siècle après son installation, par un coup de force contre les fragiles institutions héritées de la Révolution armée, particulièrement le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), alors autorité légitime, ne réussit toujours pas à trouver ses repères. On relèvera, tout au long des cinquante années qui viennent de s’écouler, comme en écho perpétuel, toute la brutalité qui a caractérisé l’installation du système algérien. Un dérivé de césarisme toujours mâtiné de constitutionnalité vernissée pour sauver l’apparence du « politiquement correct ».

Pourtant, à bien y regarder, l’Algérie a été dotée de textes ciselés par des orfèvres en la matière. Chaque phase de son histoire récente et chaque grande décision politique ont été accompagnées par un arsenal juridique fignolé par des maîtres d’ouvrage dont le pays n’a jamais manqué. Et ce, depuis la Charte d’Alger issue de la réunion du 1er congrès (16-21 avril 1964), du Front de libération nationale (FLN), devenu parti unique, et qui posait « les fondements idéologiques de la Révolution algérienne ». Ce document d’inspiration marxiste, qui flirtait avec le trotskisme international ambiant, promettait des lendemains radieux et inventait en même temps le mystérieux concept de « socialisme spécifique ».

L’improvisation, la pratique systématique du compromis encore en vigueur jusqu’à nos jours, l’absence d’un solide ancrage identitaire dans les profondeurs de notre histoire, le rejet du socle que pouvait constituer la guerre de Libération en tant que ciment de la cohésion nationale, la « folklorisation » de la culture devenue une denrée jetable, sont autant de portes ouvertes sur les vents chargés d’orages qui menacent encore et toujours l’Algérie. L’érosion de l’égalité républicaine, la corruption endémique ne sont pas des fautes de frappe mais de graves erreurs historiques. Les chiffres et le bilan des « réalisations nationales », argument massue des dirigeants, ne peuvent pas constituer un antidote. Ils sont le minimum attendu.

Par Boukhalfa Amazit source El-Watan le 05/07/2012

Transmis par Linsay



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