Un parlement européen constituant ?

dimanche 20 août 2006
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Dans les semaines qui ont suivi le 29 mai 2005, j’ai été de ceux qui pensaient qu’une alternative au Traité Constitutionnel Européen rejeté par les peuples de France et des Pays-Bas se trouvait dans un traité conférant les pouvoirs constituants au Parlement européen à élire en 2009. Cette formule avait au moins le mérite de respecter les principes démocratiques qui avaient été ignorés par les gouvernements ainsi que par la Convention Giscard. Elle est aujourd’hui proposée par divers groupes et personnalités.

Depuis lors, je travaille au Parlement européen et je découvre une réalité que je ne percevais pas avec la même intensité lorsque je me contentais d’y suivre certains travaux. Certes, je ne pouvais ignorer les résultats des élections de 2004, les premières depuis l’élargissement à dix nouveaux Etats membres : sur 732 membres, le PPE qui rassemble les démocrates-chrétiens de tous pays, les conservateurs britanniques et l’UMP française dispose de 263 sièges, l’Alliance libérale 89 sièges et on trouve une cinquantaine d’élus d’extrême droite dans deux autres groupes ainsi que parmi les non inscrits. On vérifie ainsi que la droite et l’extrême droite ensemble disposent d’une réelle majorité. A gauche - dans la mesure où on situe à gauche le groupe du parti socialiste européen (PSE : 201 membres) - le total avec les Verts (42) et la Gauche Unie Européenne (41) donne 284 députés.

Mais la réalité des choix politiques, comme l’analyse des votes permet de l’observer, ne recoupe pas le clivage que je viens de présenter. Trois constats s’imposent. Tout d’abord, il y a la persistance d’un bloc largement majoritaire formé par le PPE et le PSE qui se retrouve assez systématiquement sur des positions communes : défense et promotion du néolibéralisme, soutien à la Commission européenne et à ses positions à l’OMC, défense du traité constitutionnel européen, soutien à l’OTAN et aux initiatives renforçant la dépendance de l’Europe par rapport aux USA. Quand on découvre, comme je le fais depuis quelques mois, le poids des élus allemands au sein du PPE et du PSE, on comprend que ce bloc est encore renforcé par la nouvelle coalition entre chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates qui gouverne à Berlin. Ensuite, conséquence de l’élargissement, il y a un bloc chrétien conservateur très fort qui fait entendre sa voix et pèse lourdement sur de nombreuses questions de société de telle sorte que la laïcité n’est pas une valeur majoritaire au sein du Parlement européen.

Enfin, la présence d’élus provenant de pays n’ayant pas une longue tradition démocratique - on oublie trop souvent que la démocratie n’est implantée depuis plus de cinquante ans que dans une courte majorité d’États membres - affecte les débats et les choix. Il faut savoir que le Parlement européen est une enceinte où la phrase qui suit a pu être prononcée le 4 juin dernier : « La présence dans l’Europe politique d’hommes tels que Franco, Salazar et de Valera garantissait le maintien des valeurs traditionnelles en Europe. Nous manquons aujourd’hui de tels hommes d’Etat » !

Même si j’observe une compréhension grandissante dans plusieurs pays d’Europe pour la démarche qui a inspiré le « non » de gauche français au TCE, je n’ai pas du tout le sentiment que, dans trois ans, pourrait émerger du scrutin européen une majorité favorable à une Europe européenne attachée à réaliser une alternative politique, économique, sociale et écologique au système que nous subissons.

Enfin, il faut ajouter qu’en dépit de plus de dix années d’efforts, il n’y a toujours pas, pour élire le Parlement européen, une loi électorale unique, identique pour tous les pays, qui garantirait la représentation proportionnelle de toutes les sensibilités. C’est une des caractéristiques du faible niveau démocratique des institutions européennes.

Pour toutes ces raisons, il me paraît suicidaire de proposer que le prochain Parlement européen soit constituant. Un immense travail d’éducation populaire dans les 25 pays, comparable à ce que nous avons accompli pendant la campagne référendaire en France, s’impose avant d’envisager de confier notre avenir au Parlement européen.

Pour l’heure, il me semble urgent de préparer les conditions qui permettront de renforcer sérieusement la représentation parlementaire qui est actuellement très minoritaire et qui veut une Europe européenne, laïque, démocratique, sociale, écologique, reconnaissant les droits des femmes et agissant dans le monde en faveur de la paix et du respect des droits des peuples.



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mercredi 8 novembre 2006 à 15h17 - par  Yvette Genestal

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