La vitrine dorée d’une politique honteuse envers les handicapés

jeudi 6 septembre 2012
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Derrière les Jeux paralympiques la réalité...et il n’est pas sûr qu’elle ne soit qu’anglaise tant rien n’arrête la rapacité des tenants du système.
D’où le choix de notre rédaction de ne pas mettre cet article dans le rubrique du pays

David Cameron parade aux Jeux paralympiques de Londres, le visage fendu d’un large sourire arrogant. Mais il mérite d’être conspué pour sa présence à une manifestation qui sert de vitrine aux prouesses des sportifs invalides. Car il dirige un gouvernement qui s’en prend systématiquement aux droits des malades et des handicapés. Ceux-ci se voient retirer l’aide financière de l’Etat. On les empêche de mener une vie indépendante. On les oblige à se soumettre à des tests humiliants. On les traite de « parasites » et de fardeau pour les finances publiques. Ils sont victimes d’agressions. La prétendue réforme de la protection sociale provoque des sentiments « suicidaires » chez les handicapés, a récemment averti Keith Robertson, du Scottish Disability Equality Forum.

On dirait une grossière tentative d’humour noir : les Jeux paralympiques sont cette année sponsorisés par Atos, une société dont la mission est de priver les handicapés d’aides sociales. Atos étudie les dossiers des personnes déclarant un handicap ou une maladie en effectuant une évaluation de leurs capacités au travail fondée sur un système de points. Ainsi, ceux qui obtiennent moins de 15 points sont jugés « aptes au travail » et perdent leur allocation pour l’emploi et le soutien pour leurs recherches (Employment and Support Allowance, ESA). Le processus est non seulement souvent dégradant - l’organisation caritative Mind dénonce ces évaluations qui « ne répondent pas à l’objectif » et leur « effet négatif sur les personnes atteintes de troubles mentaux » - mais de plus, de nombreuses personnes gravement malades sont jugées aptes au travail. Pour reprendre les termes de la médaillée d’or des Paralympiques Tara Flood, « le scandaleux paradoxe est que le principal sponsor de Londres 2012 soit Atos, celui-là même qui détruit la vie des plus vulnérables pour le compte de l’Etat ».

Les militants de Disabled People Against the Cuts (DPAC) [Les personnes handicapées contre les coupes budgétaires] et UK Uncut [une organisation qui se bat contre les coupes budgétaires] ont fait entendre leurs voix durant la cérémonie d’ouverture. Ils ont rassemblé 85 pages de témoignages sur le traitement réservé aux malades et handicapés. « Ces récits sont révoltants, absolument bouleversants, s’insurge Linda Burnip, de la DPAC. Il y a des gens qui sont vraiment, vraiment gravement atteints, auxquels il est impossible de demander de travailler, et pourtant, on décrète qu’ils en sont capables ». Des invalides sont poussés au « suicide et à la mort », dénonce-t-elle. Les documents ont été placés dans un cercueil et livrés au siège d’Atos.

Mais tout de même, diriez-vous, un cercueil ! Ces organisations n’en font-elles pas trop ? Selon Freedom of Information, 32 personnes meurent chaque semaine après que le couperet de l’évaluation est tombé sur elles. Au cours des huit premiers mois de 2011, 1100 demandeurs d’aide sont décédés après avoir été rangés dans la catégorie « activité professionnelle », c’est-à-dire jugés capable d’exercer une activité professionnelle, ce qui réduit le montant des prestations et limite leur durée à un an.

Politiques et journalistes chantent les louanges des sportifs à mesure qu’ils glanent leurs médailles d’or aux Jeux paralympiques, mais certains de ces héros se verront également privés de leurs allocations, et ce à cause du sponsor des Jeux lui-même.

Le gouvernement, lui, est décidé à mettre fin aux versements de la Disability Living Allowance à un demi-million de bénéficiaires. Le taux de fraude relative à cette allocation d’invalidité non soumise à condition de ressources est de 0,5 %. « On croit qu’il s’agit d’une prestation pour inactivité, mais ce n’est pas le cas », précise Sue Marsh. « Au contraire, elle aide les handicapés à réaliser leurs ambitions ». Nombre de participants aux Jeux paralympiques y ont droit, ce qui leur a permis de se rendre aux entraînements, d’accéder à des moyens de transport supplémentaires, entre autres. Bref, on est en train d’ôter aux invalides les moyens de mener une vie digne et autonome.

Par ailleurs, l’aide à 21 000 personnes lourdement handicapées sera supprimée à l’horizon 2015. « Elle leur permet de faire des études supérieures, d’être plus mobiles en compagnie d’amis et de la famille, de faire des choses que d’autres prennent pour acquises », souligne Mme Burnip. Son propre fils en bénéficie et peut ainsi travailler. « Je ne sais pas ce que l’avenir lui réserve, si tant est qu’il en ait un ». Aux quatre coins du pays, des invalides risquent de se retrouver dans un foyer et de ne plus mener une existence indépendante.

Ces décisions ont été prises sans aucune considération pour les besoins humains. Pour preuve, les objectifs arbitraires de réduire d’un cinquième les dépenses sociales, comparés aux estimations officielles sur les fraudes à l’allocation d’invalidité, qui s’établissent à moins de 1 %. Au Royaume-Uni de David Cameron, l’assistance aux invalides est un luxe que le pays ne peut plus se permettre.

La sympathie de la population est grande pour les plus vulnérables, et il n’est possible de les attaquer qu’en menant une campagne de dénigrement. Le pourcentage de fraudes est sans doute très faible, ce qui n’empêche pas les médias de dénoncer inlassablement et sans discernement les « parasites » de la société. Le tabloïd The Sun mène ainsi ce qu’il appelle une « croisade en vue de mettre un terme aux scandaleuses fraudes aux prestations sociales qui sapent ce pays ». Il s’efforce avec cynisme de détourner de cette façon la colère dirigée contre les vrais responsables de la crise économique.

Mais des êtres humains en chair et en os en subissent les conséquences. En juillet, 46 % des personnes interrogées à l’occasion d’une enquête menée par l’organisation caritative Scope ont rapporté une dégradation depuis un an des comportements à l’égard des handicapés. « Ces chiffres sont éloquents, alors que le gouvernement continue de placer la traque des fraudeurs au centre de son discours sur la protection sociale », commente Richard Hawks, le directeur de Scope. La campagne médiatique porte un coup au moral des handicapés et de leurs familles, qui se « sentent très démoralisés et déprimés », déplore Emily Holzhausen, de l’ONG Carers UK.

Alors, oui, célébrons les Jeux paralympiques. Mais ne laissez pas ce gouvernement en tirer profit. En effet, à cause de sa politique, malades et handicapés sont effrayés, appauvris, privés de dignité, d’autonomie et d’espoir. Cameron espère que les victimes de son action souffriront en silence. Mais il faut qu’ils refusent de le faire, et il sera alors possible de s’opposer à ces mesures désastreuses, et de gagner le combat pour la dignité, la sécurité et l’autonomie.

Par Owen Jones source The Independent le 04/09/2012

Transmis par Linsay



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