Le Venezuela et les merveilles de l’égalité

jeudi 25 octobre 2012
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Le président du Venezuela, Hugo Chávez, est l’un des présidents le plus diabolisé dans le monde. Pourtant, il est aussi le président latino-américain qui a le mieux réussi à faire émerger une part toujours plus grande de son pays. Figurez-vous !

Il y a un peu plus d’une semaine, Chávez a remporté son troisième mandat. NBC News : « Le vénézuélien Hugo Chávez remporte un troisième mandat et fait le serment de renforcer la révolution socialiste ». La participation électorale a été de 80% et Chávez a remporté 55% des voix, contre 45% pour son opposant Henrique Capriles Radonski, qui gouverne l’Etat [de Miranda].

Selon la presse occidentale, le Venezuela est contrôlé de façon autocratique, la bureaucratie y est bouffie et le pays est rongé par les crimes violents. Mais Chávez est le premier dirigeant dont le peuple ressent vraiment qu’il se préoccupe au mieux de leurs intérêts. Voilà pourquoi ils sont sortis en masse pour soutenir sa réélection.

S’exprimant du balcon du Palais présidentiel néoclassique Miraflores, à Caracas, Chávez, brandissant l’épée de Simón Bolívar, a promis : « Le Venezuela poursuivra dans la voie du socialisme démocratique et bolivarien du XXIe siècle ». Le socialisme bolivarien tire son nom de Simón Bolívar, un chef militaire vénézuélien du XIXe siècle qui a triomphé du colonialisme de la monarchie espagnole. Le socialisme bolivarien du XIXe siècle se fonde sur les principes suivants : la démocratie et l’indépendance pour l’Amérique Latine, l’affranchissement des esclaves et la libération des peuples autochtones, la réforme foncière et l’éducation pour tous.

Que cela ait été publié ou non, c’est un quasi-fait que la presse occidentale pense que Chávez a frauduleusement truqué l’élection en sa faveur, mais un rédacteur américain de The Economist, Dan Rosenheck, entre en désaccord avec cette ligne de pensée. Selon lui, « Ce système aurait été plutôt difficile à manipuler. Il y avait une foule d’observateurs [...] L’opposition avait des gens dans tous les bureaux de vote [...] ». Rosenheck dit qu’il y a eu un très gros effort de l’opposition pour garantir une élection honnête, et il aurait été quasi-impossible de truquer le décompte réel de ce scrutin populaire. Aussi, le fait même que Chávez ait gagné de dix points a été décisif en lui-même.

Selon les observations de l’ancien président des Etats-Unis, Jimmy Carter, sur ces élections, « Je pense que les élections au Venezuela – bien que certaines personnes en aient critiqué les résultats qui disent que Hugo Chávez a gagné – il n’y a aucun doute dans notre esprit, ayant surveillé de très près le processus électoral, qu’il a gagné honnêtement. En fait, sur les 92 élections que nous avons surveillées, je dirais que le processus électoral au Venezuela est le meilleur au monde. Ils ont un système de vote vraiment merveilleux, où vous entrez [dans le bureau de vote], touchez un écran et votez comme vous voulez, et, instantanément, le résultat de cet écran tactile est enregistré et transmis par voie électronique au centre du comptage électoral. »

Chávez, qui a prouvé par le passé qu’il tient ses promesses électorales, a suivi les principes exposés au XIXe siècle par Simón Bolívar.
Gabriel Furshong (responsable de « Justice pour la Colombie », basé à Londres) a visité les Missions vénézuéliennes de la classe ouvrière, c’est-à-dire les noyaux sociaux de développement autour des quartiers, dans des zones où le gouvernement a établi d’ambitieux programmes sociaux centrés sur l’éducation, la formation professionnelle, la nutrition et la santé. Selon Furshong, « Ces exemples visibles de progrès, dans un pays rempli de contradictions, sont des plus impressionnants ». Il s’est rendu dans une usine de chaussures et une usine textile, toutes deux des coopératives qui fonctionnent avec une efficacité remarquable. Il a passé du temps dans un projet agricole biologique qui est utilisé dans des buts à la fois pratiques et éducatifs, ainsi que dans une clinique libre pourvue en personnel par des médecins cubains, qui procurent des soins médicaux gratuits à des milliers de personnes, « dont beaucoup n’avaient jamais vu de médecin auparavant », dixit le Pr Wilfredo Roche, le directeur de ce projet.

Selon Arturo Contreras, un militant qui travaille avec les Cercles Bolivariens, « Le fossé entre les riches et les pauvres s’est résorbé ; nous sommes désormais le pays le plus égalitaire d’Amérique Latine » ; en outre, si l’on se fonde sur les rapports de la Banque Mondiale et de l’ONU, la pauvreté et l’inégalité ont baissé radicalement durant le régime de Chávez. Contreras soutient que « Chávez a montré aux gens que les riches bénéficiaient de tous les avantages aux dépens des pauvres ».

Selon la presse occidentale, Chávez et ceux de son genre, comme le Président bolivien Evo Morales, sont des socialistes chimériques qui ne voient que le rouge (qui se trouve être la couleur préférée de Chávez) et qui exploitent la réussite passée des classes supérieures. Newsweek (dont la publication semble être sous l’influence des révélations étasuniennes anti-Chávez) a été particulièrement efficace pour lancer des piques à Chávez. Par exemple, Newsweek a récemment (en octobre 2012) lancé une rumeur selon laquelle Chávez avait simulé son cancer pour gagner la sympathie des électeurs. Par contre, le Center for Economic and Policy Research [1], à Washington, soutient que Newsweek ne fait que des reportages négatifs sur le Venezuela : « Newsweek n’a jamais rapporté que le gouvernement vénézuélien avait divisé la pauvreté par deux, réduisant l’extrême pauvreté de 70%, ou même que le Venezuela a connu une forte croissance économique après que son gouvernement eut pris le contrôle du secteur pétrolier ».

Les économistes occidentaux prédisent continuellement la mort de l’économie du Venezuela, mais : « Les prédictions d’effondrement économique, sur les balances des paiements ou les crises de la dette, et autres pronostics sinistres, sans parler des nombreuses prévisions économiques, se sont régulièrement avérés faux ». Le redressement économique du Venezuela : est-il durable ? En septembre 2012, pour Mark Weisbrot et Jake Johnston, du centre de recherche économique et politique : « Nous considérons que la croissance économique actuelle du Venezuela est durable et qu’elle peut se poursuivre au rythme actuel, voire à un rythme encore plus soutenu, pendant de nombreuses années ».

Selon Global Finance et le World Factbook de la CIA, la photo de l’économie du Venezuela ressemble à ceci : Taux de chômage = 8% ; dette du gouvernement (dette publique/PIB) = 45,5% (par contre, la dette publique de l’Union Européenne est de 82,5%) ; l’inflation de base est de 21,7% ; en 2011, la croissance réelle du Venezuela a été de 4,2% et elle est montée à 5,6% pour le premier semestre 2012 ; le PIB par tête d’habitant est de 13.070 dollars.

La situation fiscale et d’endettement favorable du Venezuela, avec un taux d’endettement très largement en dessous de celui des Etats-Unis et du Royaume-Uni, est meilleure que celle des pays européens, mais la notation S&P (Standard & Poor’s) du Venezuela pour ses obligations d’Etat est BB-, une note spéculative. Cela pourrait être le résultat du choix qu’a fait le Venezuela du socialisme et de son système socio-économique, de même que le penchant de Chávez pour la nationalisation des ressources naturelles. Par ailleurs, le taux d’inflation du pays est un problème qui doit être maîtrisé, sinon Chávez finira par perdre le soutien de sa base électorale. A cet égard, le taux d’inflation au Venezuela a baissé au cours du dernier trimestre pour atteindre le plus bas taux depuis quatre ans, à 13,7%.

Si l’on se fonde sur le fait que les bourses reflètent, et anticipent également, la performance économique, le Venezuela semble en forme, sous réserve que les actions vénézuéliennes ne soient pas poussées à la hausse par les pressions inflationnistes plus que par les revenus « réels ». Selon le Wall Street Journal, la bourse de Caracas est de loin celle qui a les meilleurs résultats au monde, atteignant un plus haut absolu en octobre 2012, et les obligations vénézuéliennes sont parmi les plus performantes des marchés émergents. Selon le site internet Emerging Markets : « En contraste aigu avec l’Europe, les taux d’endettement dans toute l’Amérique Latine sont faibles et en baisse, réduisant ainsi les besoins financiers des emprunteurs ». Le capitalisme vénézuélien prospère au milieu d’un gouvernement socialiste, et selon Russell Dallen, de Caracas Capital Markets, « Le Venezuela est la patrie de quelques sociétés vraiment superbes, même si celles-si se trouvent être dans un mauvais environnement ».

La représentation que fait la presse nord-américaine du Venezuela est celle d’un de ces vieux scénarios, façon Far West, d’échange de coups de feux dans les rues de Caracas, mais cette caractérisation est hypocrite. Les Etats-Unis ont 5% de la population mondiale et 25% de la population incarcérée dans le monde  [2]. Selon Nationmaster, une source de données qui réunit l’information institutionnelle en provenance de diverses sources comme le CIA World Factbook, l’ONU et l’OCDE, le Venezuela est classé de façon significative derrière les Etats-Unis dans pratiquement toutes les catégories des principaux crimes. Par exemple, sur la base d’une classification mondiale :

  1. les Etats-Unis sont numéro un pour la plupart des poursuites judiciaires, alors que le Venezuela est classé 23e ;
  2. en nombre de détenus, les Etats-Unis sont numéro 1 et le Venezuela 22e ;
  3. pour l’ensemble des crimes, les Etats-Unis sont numéro 1 et le Venezuela est 30e ;
  4. en nombre de détenus par tête d’habitant, les Etats-Unis sont numéro 1 et le Venezuela est 107e ;
  5. en matière de fraudes, les Etats-Unis sont numéro 2 et le Venezuela est 23e. Toutefois, le taux d’homicides au Venezuela est 10 fois plus élevé qu’aux Etats-Unis, 48 contre 4,8 pour 100.000 habitants en 2010, et celui-ci continue d’augmenter. L’une des promesses de campagne de Chávez est de le réduire.

Selon Seumas Milne, rédacteur associé au Guardian, la victoire de Chávez est ressentie ainsi dans le monde : La victoire de Chávez sera ressentie bien au-delà de l’Amérique Latine (9 octobre 2012), « La transformation de l’Amérique Latine est l’un des changements les plus concluants pour refaçonner l’ordre mondial. La marée de changement progressiste qui a balayé la région au cours de la dernière décennie a vu l’arrivée au pouvoir d’une kyrielle de gouvernements socialistes et socio-démocrates élus qui ont redistribué la richesse et le pouvoir, rejeté l’orthodoxie néolibérale occidentale et défier la domination impériale. Dans ce processus, ils ont commencé à construire la première Amérique du Sud véritablement indépendante depuis 500 ans et ont démontré au reste du monde qu’il y a, après tout, des alternatives économiques et sociales au XXIe siècle ».

Hugo Chávez, en conduisant le changement radical, a été central dans le processus d’innovation sociale dans toute l’Amérique Latine. Si Henrique Capriles, le challenger oligarque de Chávez, avait remporté l’élection, la révolution de l’Amérique Latine aurait connu un sérieux revers, programmes de privatisations et coupes sombres dans les programmes sociaux, similaires aux objectifs du Parti Républicain aux Etats-Unis qui est infesté par la droite.

Selon Seumas Milne, « A Caracas, même les diplomates occidentaux chevronnés ont les yeux qui sortent des orbites face à l’absurdité de la propagande anti-Chávez dans les médias occidentaux ». Il est diabolisé parce qu’il est anti-néolibéral et opposé aux tendances capitalistes de remettre entre les mains de quelques aristocrates les richesses naturelles, comme le pétrole ou le bois de construction. Sa théorie est que ces richesses appartiennent au peuple de son pays, non aux riches individus ou aux grandes entreprises internationales. En détournant du contrôle de quelques privilégiés les revenus des ressources naturelles directement vers le gouvernement, Chávez a
- a) considérablement réduit la pauvreté,
- b) étendu massivement les soins de santé gratuits et l’éducation,
- c) poussé considérablement le salaire minimum et les pensions,
- d) tout en réduisant par deux le taux de chômage et
- e) en donnant aux communautés déshéritées le contrôle direct sur les programmes sociaux.

En même temps, et en contraste flagrant, les démocraties occidentales vont dans la direction opposée !

Si l’on se base sur la supposition politique que les résultats électoraux correspondent aux promesses de campagne, il est clair que Chávez remporterait les élections présidentielles dans plusieurs pays capitalistes et démocratiques occidentaux où les mêmes programmes qu’il soutient sont soumis à des coupes et à des mesures d’austérité, voire qui n’existent tout simplement pas. Chose intéressante, Chávez a mené sa première tentative de renversement du gouvernement du Président Carlos Andres Perez, en 1992, au beau milieu d’une colère croissante contre des mesures économiques d’austérité similaires à celles qui hantent l’Europe aujourd’hui, mais il a finalement remporté le scrutin présidentiel en 1998.

La plupart des pronostiqueurs occidentaux ont eu tout faux sur l’élection vénézuélienne, en prétendant que l’aile progressiste était épuisée et assurée de perdre. Cependant, les gouvernements de gauche et de centre-gauche continuent d’être réélus, de l’Equateur au Brésil et à l’Argentine, parce qu’ils réduisent la pauvreté et l’inégalité en prenant le contrôle des ressources naturelles au bénéfice du peuple. L’Amérique Latine est en train de vivre le rêve, vieux de 200 ans, de Simón Bolívar.

Chávez a prouvé qu’il était le dirigeant de la gauche radicale le mieux élu de l’histoire, à un moment où le modèle socio-économique du capitalisme est en faillite, notamment dans plusieurs pays européens, tandis que le Venezuela et ses alliés latino-américains, qui s’enorgueillissent d’avoir des finances saines, ont institué des programmes sociaux innovants, des expériences de démocratie directe, et prouvé qu’il est possible d’être à la fois véritablement progressiste et démocratiquement populaire.

De Robert Hunziker source UK Progressive le 24/10/2012
Traduction : JFG Questions Critiques

Transmis par Linsay


Robert Hunziker, ancien directeur de fonds spéculatif, est un négociateur indépendant sur le marché physique des matières premières. Il écrit pour des publications progressistes et des revues d’entreprises. Il a publié plusieurs articles dans CounterPunch, The Firebrand Magazine et Engineering & Mining Journal.

Article original : “Venezuela and the Wonders of Equality”, le 22 octobre 2012


[1centre de recherche économique et politique

[2Source : MSNBC



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