Quand les mineurs réclament leur part du gâteau.

mercredi 6 septembre 2006
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Les luttes des mineurs font la une de l’actualité sociale mondiale. Deux articles reviennent sur celles-ci qui pourraient bien montrer à la voix à tant de travailleurs de par le monde qui subissent depuis des années la baisse du pouvoir d’achat au nom de la mondialisation, la compétitivité, la maîtrise des coûts...et autres arguties capitalistes...

Au Chili, au Canada et en Afrique du Sud, des mines de cuivre ou de nickel sont paralysées par les grèves.
Les ouvriers veulent eux aussi profiter des bénéfices générés par la flambée des cours.
L’envolée des prix du cuivre, du nickel et autres matières premières donne des ailes aux syndicats de mineurs à travers le monde.

Ils organisent des grèves dans l’espoir d’obtenir des hausses de salaire et une amélioration de leurs avantages sociaux.

De leur côté, les compagnies minières, affirmant que les sommets atteints ne sont qu’un phénomène passager, refusent de s’engager dans de généreux accords collectifs qui leur lieraient les mains pour plusieurs années.

Dans la mine de cuivre d’Escondida, au Chili, quelque 2 000 mineurs ont débrayé depuis le 7 août, exigeant entre autres une hausse minimale de 13% des salaires, une prime de sortie de conflit et une autre, liée à l’augmentation des prix du métal.

Le groupe anglo-australien BHP Billiton, actionnaire majoritaire, propose un accord triennal comportant une augmentation des salaires de 3% et une prime de 16 000 dollars. (BHP a annoncé le 18 août la suspension des négociations et la fermeture provisoire du site, reprochant aux grévistes d’avoir bloqué les routes pour empêcher des supplétifs d’accéder à la mine.)

Début août, Kumba Resources, un grand producteur sud-africain de minerai de fer, est parvenu à un accord annuel avec 7 000 salariés après une grève d’une semaine.

La société a accordé une hausse de 7,75% aux mineurs très qualifiés et de 9% aux autres.

Selon Eddie Majadibodu, du Syndicat national des mineurs, qui compte 4 000 adhérents chez Kumba Resources, le personnel s’estime globalement satisfait, même si on est loin des 15% réclamés initialement par le syndicat.

Au Canada, 117 ouvriers de Voisey’s Bay Nickel Company, filiale du canadien INCO, ont cessé le travail fin juillet après l’échec des négociations salariales.

Depuis, le dialogue est au point mort.

- LES CONFLITS SOCIAUX FONT GRIMPER LES COURS.

Selon les responsables syndicaux, le moment est particulièrement propice à l’action.

Les profits des entreprises flambent en même temps que les prix (le bénéfice net d’Escondida a par exemple triplé au premier semestre, à 2,9 milliars de dollars.)

Parallèlement, le nombre limité de mineurs qualifiés dans certains pays rend plus difficile le remplacement des grévistes.

Alors que, par le passé, les grèves dans le secteur ont souvent fait long feu, elles pourraient cette fois durer des semaines, voire des mois, ce qui maintiendrait les cours à des niveaux élevés.

Dès le début du conflit à Escondida, au Chili, les prix du cuivre ont atteint un nouveau pic, en raison des inquiétudes liées à l’approvisionnement (principale mine de cuivre de la planète, Escondida fournit 8% de la production mondiale.)

BHP Biliton a d’ores et déjà invoqué un cas de force majeure afin de se prémunir légalement contre toute pénalité pour non-respect de ses contrats de livraison avec les fondeurs.

"C’est une industrie historiquement cyclique, ce qui explique la réticence des compagnies à céder aux revendications salariales", commente David Duckworth, analyste spécialisé dans le cuivre chez CRU , un cabinet londonien d’études des matières premières.

- "Les prix sont tellement élevés que nous nous trouvons actuellement en territoire inconnu."

Comme l’explique Pedro Marin, porte-parole syndical chez Escondida, lorsque les prix ont touché le fond, en 2001, les mineurs ont réduit leurs exigences lors des négociations salariales, dans le but de préserver les emplois.Maintenant, ils demandent leur part du gâteau.

"Nous avons accepté des sacrifices durant les sept années de vaches maigres, alors nous voulons profiter des sept années de vaches grasses", ajoute Pedro Marin.

Ce à quoi Illtud Harri, porte-parole de BHP Biliton, rétorque que les mineurs d’Escondida gagnent déjà 40 000 dollars par an en moyenne.

Partout dans le monde, patrons et syndicats suivent de près ce conflit dont l’issue pourrait influencer les négociations menées dans les autres entreprises.

Chez Corporacion National del Cobre de Chile (CODELCO), une entreprise publique chilienne, les discussion débutent à l’automne.

Art : "Kris Maher, avec Carolina Pica au Chili", dans "Le Courrier international".

Transmis par : Linsay

********AU 31 AOUT 2006 AU SOIR***********

- Dans un vote à bulletins secrets, qui a duré plus de six heures, les mineurs ont accepté, jeudi soir, un accord de principe entre les dirigeants syndicaux et les responsables de la mine, contrôlée par le groupe Anglo-Austalien BHP Biliton.

- Les ouvriers d’Escondida soit :
- 2052 mineurs grévistes (98% des effectifs) ont obtenu une augmentation de 5% de leurs salaires et une prime de fin de grève de 16.600 dollars.

Escondida, l’honneur retrouvé des ouvriers chiliens

Chili . La grève des mineurs d’Escondida qui s’est achevée jeudi dernier, témoigne de l’arrivée à maturité des syndicats au Chili, en reconstruction depuis la fin de la dictature en 1990.

Santiago, Chili,

Correspondance particulière.

Parce qu’elle ne concerne que 2 056 travailleurs chiliens, la victoire la semaine dernière des mineurs d’Escondida, le plus grand site d’extraction de cuivre du monde, pourrait être considérée comme une affaire classée. Ce serait sous-estimer la portée de ce mouvement, tant ce conflit social qui a tenu en haleine tout un pays et le marché mondial des métaux pendant près d’un mois, illustre à merveille le renouveau du paysage syndical chilien. Jeudi dernier, les mineurs d’Escondida ont obtenu bien plus qu’une augmentation de salaire de 5 % ou qu’une prime de 13 200 euros à l’issue de vingt-cinq jours de grève. Ils ont contraint l’un des patronats les plus durs d’Amérique latine à satisfaire leurs revendications.

Escondida, un exemple à suivre

Professeur d’économie à l’université du Chili à Santiago, Orlando Caputo assure que « la force de ce mouvement, sa créativité et ses nouveautés sont un nid solide pour les revendications à venir, générant dans le pays une nécessité d’organisation ». Pedro Marin, porte-parole du syndicat des mineurs d’Escondida, affirme de son côté que « la victoire de cette grève se trouve au niveau de l’ouverture d’esprit qu’elle a permis au sein de la société chilienne ». Pour beaucoup, les mineurs d’Escondida représentent désormais un exemple à suivre.

Une nouvelle mentalité

Or, au début du conflit, le défi était loin d’être gagné. « Une des pressions exercées par l’entreprise fut de monter la société chilienne contre nous, utilisant la presse pour diffuser des salaires élevés qui ne sont pas les nôtres », explique amer Carlos Fuentes, conducteur de grues à la mine, « mais on a su répondre pacifiquement, le mouvement n’ayant connu aucun débordement ». Sur le site, tous tiraient le même constat que Nelson R. (1) : « Cette épreuve a renforcé le syndicat et nous donne plus de poids pour les prochaines négociations en 2009. » Pour Luis Aguirre en charge de la logistique, « ce conflit a marqué un tournant dans l’histoire du droit des travailleurs au Chili et les jeunes apportent une nouvelle mentalité, impensable sous Pinochet ». Ses propos ne sont pas sans faire réagir Miguel, cinquante-deux ans, camarade de chantier qui se trouve à ses côtés : « À cause de Pinochet, nous sommes la génération perdue du syndicalisme chilien. Nous commençons à peine à nous en remettre. »

Du côté du monde patronal, des plaintes craintives fusent désormais de toutes parts, alors que le site d’Escondida a retrouvé une activité quasi normale depuis samedi. D’autres négociations entre représentants des travailleurs et dirigeants d’autres mines sont à venir ces prochains mois. En octobre, l’entreprise publique Codelco sera à l’écoute de ses quelque 6 000 mineurs qui se disent d’ores et déjà bien inspirés par l’action menée à Escondida.

Alvaro Pizarro, avocat délégué de la Sofofa, l’équivalent chilien du MEDEF, est certain que le conflit qui vient de se terminer « risque d’avoir des effets sismiques dans d’autres entreprises ». De son côté, Alfredo Ovalle, président de la Société nationale des mines (Sonami), soutient qu’il est « risqué de prétendre déterminer les conditions salariales sur le long terme en se basant sur le prix exceptionnel du cuivre, qui ne se maintiendra pas indéfiniment ».

Obtenir une part du gâteau

Et c’est justement le cours du métal rouge qui a inspiré les mineurs d’Escondida. Grâce à la flambée de son prix ces douze derniers mois, l’entreprise anglo-australienne BHP Billiton, qui contrôle 57 % d’Escondida a pu dégager sur le premier semestre 2006 des bénéfices record, 2,9 milliards de dollars de profit. Les salariés ont estimé qu’il était légitime d’obtenir une part du gâteau.

Si la grande majorité des mineurs d’Escondida s’accorde à reconnaître l’apport « inestimable » de leur entreprise sur le plan des bénéfices en matière de santé et d’éducation, ils entendent faire peser la valeur du capital humain dans la production. Pedro, opérateur sur le site, explique qu’il s’agit plutôt d’un juste retour des choses : « En 2003, lorsque le prix du cuivre était bas, nous avons accepté de réduire nos bénéfices sociaux pour ne pas mettre l’entreprise en difficulté. Aujourd’hui, il est donc normal que nous réclamions une meilleure distribution des revenus. »

Les prétextes invoqués par les dirigeants de BHP Billiton pour refuser la demande initiale d’augmentation des salaires de 13 %, ont offensé les 2 500 mineurs d’Escondida, situé à 3 000 mètres d’altitude, 12 heures de travail par jour.

Cette mesure aurait coûté à BHP Billiton 1 % des bénéfices enregistrés au cours de la dernière année fiscale sur le seul site d’Escondida. De quoi dépiter Marcelo N. qui travaille à la mine depuis son ouverture en 1991 : « Tous les politiques parlent d’une meilleure répartition des bénéfices au moment des élections et à l’arrivée personne ne voit jamais rien si on ne se met pas en grève. »

(1) Certains noms ont été changés à la demande des mineurs concernés.

Maxence Gorréguès



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