Mauvaises nouvelles d’Afrique : 3 000 soldats US en route

mardi 27 novembre 2012
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Les illusions entretenues sur la politique étrangère d’Obama, nouveau mandat, nouvelle version, seront-elles contredites par les exigences de la real politik, en Afrique ou au Moyen-Orient ?

Quand le président Obama a déployé 100 soldats en Ouganda, il y a un an, pour entreprendre une chasse mythique de Joseph Kony, chef de l’Armée de Résistance du Seigneur, la réaction à cette annonce a certainement été un simple haussement d’épaules (1). Quel mal pouvait générer une centaine de militaires, errant sans but dans le bush, prétendument à la recherche d’un homme accusé de terrorisme ? Mais, si la forêt empêche de voir les arbres, un observateur plus avisé pouvait entrevoir les implications mortelles d’une présence militaire US en Afrique qu’un grand nombre percevait, à tort, comme anodine.

Verrouiller le continent

Le service de presse de Army Times rapportait que les Etats-Unis s’apprêtent à envoyer plus de 3000 soldats un peu partout, en Afrique en 2013. Pour le Major Général, David R. Hogg, « En ce qui concerne notre mission, c’est un territoire vierge ». Mais, que des soldats stationnent sur le continent africain, n’a rien de nouveau et, même, si Hogg ne l’admet pas, le but de la mission est de verrouiller l’entier continent.

En fait, l’armée américaine effectue, au moins, une douzaine d’opérations importantes en Afrique pour lesquelles des troupes sont réellement engagées. Cependant, pour les Etats-Unis, avoir un pied, militairement, dans tous les coins du continent limite le risque que leurs intérêts ne soient pas protégés dans des régions où une menace existe. Par exemple, le Mali a des réserves de pétrole et dispose d’une position stratégique mais est l’objet d’une déstabilisation croissante par un mouvement sécessionniste dans le nord. Pourtant, le Mali a aussi été le site d’un exercice militaire US du nom de « Atlas Accord 12 » qui a fourni aux militaires maliens une formation dans le domaine aérien.

Opérations US en Afrique en 2012

Au cours de l’année, il y a eu d’autres opérations en différents points du continent, comparables si non en étendue du moins, en substance :

- « Cutlass Express », un exercice naval visant ce qu’on appelle la « piraterie » dans la région du Bassin de Somalie ;

- « Africa Endeavor 2012 », basée au Cameroun, centrée sur la formation et la coordination en communications militaires ;

- « Obangame Express 2012 », exercice naval pour assurer une présence dans le golfe de Guinée, région au cœur des opérations pétrolières en Afrique occidentale ;

- « Southern Accord 12 », basée au Botswana dont le but était d’établir des relations de travail entre les forces militaires d’Afrique australe et les Etats-Unis ;

- « Western Accord 2012 » était un exercice au Sénégal impliquant tous les types d’opération, des exercices de tirs à la collecte d’informations et au combat de tireurs d’élite.

D’autres exercices de même nature aux noms tels que « African Lion », « Flintlock » et « Phoenix Express » se sont aussi déroulés. De plus, des unités de Gardes Nationaux US ont effectué des rotations dans des pays qui incluent entre autres, l’Afrique du sud, le Maroc, la Tunisie, le Nigéria, le Libéria et le Ghana.

Des communiqués de presse par le US Africa Command (AFRICOM) suggèrent que ces opérations sont bénéfiques tant pour les Etats-Unis que pour l’Afrique. Leur message central est que les militaires US et africains sont des partenaires dans la guerre contre le terrorisme et d’autres formes de soulèvement. Ce serait une erreur pour les Etats africains de gober l’idée que l’Afrique et les Etats-Unis sont, d’une manière ou d’une autre, interdépendants. La véritable nature des relations entre l’Afrique et les Etats-Unis a été très bien décrite par A.M. Babu, personnage central dans la formation de la Tanzanie. « La prétendue « interdépendance » ne peut être qu’une interdépendance dans laquelle nous (les Africains) sommes, en permanence, dépendants de l’exploitation massive de nos ressources matérielles et humaines par l’Occident ».

25% des besoins américains en pétrole vers 2015

Un rapport du Bureau de Recherche du Congrès sur les plans d’exploitation US a été publié par WikiLeaks. On y lit « en dépit des conflits dans le delta du Niger et d’autres régions productrices de pétrole, le potentiel pour des forages en profondeur dans le golfe de Guinée est élevé et les analystes estiment que l’Afrique pourra fournir près de 25% des besoins américains en pétrole vers 2015. » Le document cite un officiel US du Département de la défense : « …la mission principale des forces US (en Afrique) est d’assurer que les champs pétrolifères du Nigéria …sont sûrs ».

C’est pourquoi, les Etats-Unis seraient satisfaits que des actions militaires menées par des Africains visent les militants qui sabotent les opérations des compagnies pétrolières occidentales en Afrique occidentale. Parallèlement, en raison de l’accroissement de leurs importations de pétrole, ils s’opposeront vigoureusement à toute velléité africaine d’exclure par la force lesdites compagnies du Delta du Niger même si leurs pipelines qui fuient ont ruiné d’innombrables hectares de terres agricoles et d’eaux poissonneuses.

Les intérêts de l’Afrique sont en perpétuel conflit avec ceux des Etats-Unis et leurs relations ne doivent en aucun cas être interdépendantes. Il serait bon que les Africains réagissent à la présence de soldats US sur leur sol comme ils le feraient pour des termites dans leurs maisons. Il est certain qu’aucun mal immédiat ne peut être observé mais à long terme, la structure sera irréparablement endommagée et risque même de s’effondrer.

Par Mark P. Fancher le 22/11/2012

Transmis par Linsay



Mark P. Fancher est avocat, auteur de nombreux articles sur la présence militaire US en Afrique

Traduction : Xavière Jardez



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