David Petraeus : le syndrome post-orgasmique.

samedi 24 novembre 2012
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Les coquineries du patron de la CIA montrent qu’après onze années de guerre les généraux US sont fatigués.

Faites la guerre, pas l’amour.

Pour avoir privilégié la galipette à la baïonnette, un général plein d’étoiles est traîné dans la boue.

Il était la fierté de l’armée américaine, le voici cloué par l’opprobe.

Ce que ni les talibans ni Ben Laden n’avaient réussi à faire, deux désespérantes ménagères y sont parvenues.

A cause d’elles, l’hydre américaine a mis sur le billot une de ses têtes parmi les plus responsables, le chef de la CIA, victime de ses testotérone et de l’Internet, qui ne font pas bon ménage.

La chair est faible et Big Brother fort depuis que Google est au courant de tout et raconte tout à tout le monde.

Même le patron de la lus puissante agence de contre-espionnage de la planète n’arrive pas à garder pour lui son misérable petit tas de secrets, c’est dire si personne n’est à l’abri de voir un jour exhiber son intimité.

Au général Petraeus, démissionné le 9 novembre, l’Amérique aurait pourtant donné le bon Dieu sans sommation.

Un officier malin et opportuniste - à West Point, il épouse la fille du directeur de l’école -, intello - il est diplômé de Princeton - et médiatique - il est apprécié des journalistes pour ses réponses rapides à leurs e-mails.

Il admire Bigeard, il sait écrire, et, après deux séjours en Irak, il revient avec un manuel de la contre-insurrection où il explique que les soldats de l’Amérique doivent être des « bâtisseurs de nation » et passer plus de temps à protéger les civils qu’à tuer des ennemis.

Un général qui la joue humanitaire, même Gandhi n’y trouverait rien à redire.

Bush Junior, enlisé dans sa croisade contre le fantôme de Saddam, s’en remet à lui pour se sortir du bourbier en 2007, et, deux ans après, avec le prompt renfort de quelques milliers d’hommes, la situation militaire est assez stabilisée pour que les Etats-Unis puissent envisager de quitter l’Irak sans trop de ridicule.

Petraeus devient un héros en son pays, un possible prétendant républicain à la Maison-Blanche.

Une légende avec du 90C.

Le « Wall Street Journal » l’inscrit dans la lignée des généraux qui ont marqué l’histoire de la bannière étoilée, avec Georges Washington, star de la guerre d’Indépendance, Dwight Eisenhower, de la Seconde Guerre, Colin Powell, de la guerre du Golfe, et Dark Vador, de la « Guerre des étoiles ».

Envoyé en Afghanistan en 2010, Petraeus ne réitère pas le miracle, mais il a une excuse, il est occupé à distancer une groupie de vingt ans sa cadette, qui lui court après :

Paula Brodwell, 40 ans, fille d’un entraîneur de basket, ancienne reine du fitness de son lycée, obsédée par son corps et son taux de masse graisseuse, diplômée de West Point et officier de réserve très peu réservée.

Quand le général part en course, elle lui file le train.

« Je menais parfois mes interviews en l’accompagnant à ses séances de jogging à Kaboul, et, lorsqu’il ne voulait pas répondre à une question, il accélérait le rythme », raconte-telle.

Il aurait mieux fait de ne pas faiblir.

Mais il s’est laissé rattraper par Paula, qui lui a collé aux basques et au-delà, au prétexte d’une hagiographie.

Qui ne ralentirait pas devant une fille qui écrit votre légende avec du 90 C ?.

Le général en retraite prétend aujourd’hui que sa liaison n’a démarré qu’en septembre 20111, au lendemain de sa nomination à la tête de la CIA par Obama.

On le comprend : s’il est prouvé qu’il l’a entamée sous les drapeaux, il est passible de la cour martiale.

Les dégâts collatéraux sont déjà colossaux.

Le général Allen l’a mauvaise.

Successeur de Petraeus en Afghanistan, il a commis l’imprudence d’entretenir une correspondance plus ou moins coquine avec Jill Kelley, la ménagère par qui le scandale est arrivé.

Elle s’était plainte auprès d’un pote du FBI d’être harcelée de mails qui l’accusaient de rôder trop près de Petraeus.

Résultat, le pote lui a envoyé des photos de lui torse nu, a prévenu un sénateur républicain, le FBI a ouvert une enquête et est remonté jusqu’aux boîtes mail de Petraeus et de sa biographe.

Au passage, il a trouvé dans celle de Kelly sa correspondance avec Allen.

Kelly aime les militaires.

A Tampa, où elle habite avec son mari cancérologue, elle était chargée de mettre du lien social avec la base de MacDill, où étaient stationnés les deux généraux.

Elle a mis tellement de lien qu’elle a livré pieds et poings liés les deux officiers à la vindicte publique.

Sans préjuger des rebondissements à venir, cette histoire de cornecul est déjà pleine d’enseignements, comme souvent en Amérique.

D’abord, elle montre que les généraux souffrent.

En guerre depuis onze ans, ils n’en peuvent plus.

Les hauts gradés ne sont pas seulement victimes du syndrome post-traumatique, mais aussi post-orgasmique.

Avant Petraeus et Allen, ils étaient déjà plusieurs à avoir pété les plombs.

Le général Sinclair, ancien commandant de la 82e division aéroportée en Afghanistan, est poursuivi pour adultère avec cinq femmes.

Le lieutenant-colonel Johnson a été dégradé après avoir été condamné pour bigamie en Irak...

Le « syndrome du Bethsabée ».

C’est le « syndrome de Bethsabée », écrit le « New York Time », en souvenir du roi David, qui, pour lui piquer son épouse, avait envoyé l’un de ses officiers au massacre.

Et le journal de condescendre :

« Les officiers des temps de guerre sont séparés de leur famille pendant de longues périodes, et le poids des responsabilités dans un boulot où l’unité de mesure de l’échec est le sac à cadavre pèse lourdement ».

Il faut les bichonner, ces généraux.

Et surtout renforcer l’ordinaire au bordel au bordel aux armées...

Autre enseignement à méditer avant que tout ça finisse en série télé, la vie privée de chacun est désormais publique.

L’alliance de Google et du FBI est une arme de destruction massive.

Et ce n’est pas seulement l’Amérique qui doit craindre le pire, mais toute la planète, qui vit sous le règne du moteur de recherche.

Nulle muraille désormais ne résiste puisque, même réfugié en son château, Patraeus a coulé, en vain...

Par Jean-Michel Thénard dans Le Canard enchaîné du 21/11/2012

Transmis par Linsay



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samedi 1er décembre 2012 à 22h11 - par  chb

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