Les prétentions des héritiers de Renault retoquées

dimanche 25 novembre 2012
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On s’en souvient, toute honte bue, deux héritiers de Renault demandaient à la justice française que l’Etat soit condamné pour la nationalisation de l’après guerre. Pour ce faire, comme nous l’indiquions dans un article précédent, ils n’hésitaient pas à falsifier l’histoire.

Après plusieurs épisodes judiciaires l’affaire est venue devant la cour d’appel de Paris le 18 septembre. Celle-ci a rendu son arrêt le 21 novembre
et il est clair : les héritiers sont déboutés.. (En documents joints à l’article nos lecteurs trouveront le jugement et le commentaire de l’association Esprit de résistance).

La campagne de réhabilitation-indemnisation de la Collaboration et de calomnies contre la Résistance qu’ils avaient menée avec la complicité de nombre de médias privés mais aussi du public n’aura pas suffi.

Comme le dit Annie Lacroix Riz :"une fois n’est pas coutume, dans ce domaine, a été publié un article du Figaro fondé sur l’exposé honnête des thèses en présence, alors que la grande presse n’avait fait écho jusqu’ici qu’à la position soutenue par la famille Renault, fût-ce par historiens interposés."

Nous le reproduisons donc pour partie ici.

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Deux thèses s’opposent. La première a pour avocate l’historienne Annie Lacroix-Riz, professeur émérite à l’université Paris-VII, spécialiste de la collaboration économique durant la Seconde Guerre mondiale et auteur notamment d’Industriels et banquiers français sous l’Occupation. La collaboration économique avec le Reich et Vichy. Le monde syndical s’appuie sur ses recherches pour dénoncer « la vaste entreprise de réhabilitation de Louis Renault ». Selon elle, Renault aurait non seulement fabriqué des chars, mais aurait aussi occupé « une place exceptionnelle dans l’appareil de guerre allemand ». En tant qu’actionnaire à 96%, Louis Renault est personnellement tenu responsable pour cette collaboration « enthousiaste ».

L’autre a pour principal porte-parole l’historien Laurent Dingli, qui a consacré une biographie à l’industriel. Ses détracteurs soulignent qu’il est spécialiste du XVIIe siècle et, surtout, qu’il est l’époux de l’une des petites-filles de l’industriel. Dans un article publié en avril sur le site louisrenault.com, il accuse Annie Lacroix-Riz d’« erreurs historiques majeures » et affirme que les négociations avec les nazis aux premiers jours de l’Occupation étaient le fait non pas de Louis Renault mais de son neveu par alliance, François Lehideux, le directeur général de l’entreprise, avec qui Louis Renault aurait été en mauvais termes. Il assure également que si Renault a produit des camions et réparé des chars pour les Allemands, il n’a jamais fabriqué de matériel de guerre. Surtout, ces réparations auraient été faites « dans des ateliers réquisitionnés par les Allemands sous la direction de leurs ingénieurs et avec du personnel recruté directement par eux ».

Des archives encore inaccessibles

Pour l’historien Patrick Fridenson, directeur d’études à l’EHESS et auteur d’une Histoire des usines Renault, la vérité n’est dans aucune de ces deux positions. « Après les bombardements de mars 1942, les archives de l’entreprise montrent que la direction n’est pas unanime pour reconstruire les usines. C’est Louis Renault qui, en rentrant de ses vacances à Saint-Moritz, décide de le faire », explique-t-il. Un indice du désir dont a fait preuve le constructeur de maintenir la production pour les Allemands malgré les bombardements.

Mais, sur la question des chars, Patrick Fridenson affirme, comme Laurent Dingli, que Renault n’en a pas fabriqué. Surtout, il se garde de tirer des conclusions hâtives sur le degré d’implication personnelle et volontaire de la part de Louis Renault. « Dans l’état actuel des sources, nous n’avons pas les traces des déclarations qui permettraient de savoir dans quelle mesure il a poussé à la roue ou au contraire freiné la production, assure-t-il. Certaines archives privées de Daimler ne sont pas encore accessibles. Et si certaines archives nationales allemandes sont en France, une grosse partie est éparpillée dans le monde entier. »

Un argument qu’Annie Lacroix-Riz juge non recevable. L’historienne reconnaît qu’il faut faire avec les « destructions ou soustractions massives d’archives » auxquelles ont procédé les usines Renault et le Comité d’organisation de l’industrie automobile (COA), créé sous Vichy pour adapter la production aux besoins Allemands. Mais elle affirme avoir surmonté cet obstacle en étudiant une grande quantité d’archives publiques et privées, françaises et allemandes, toutes datant de l’Occupation.

En ce qui concerne la question des chars, « il n’y a qu’à lire les notes des services de renseignements gaullistes de Londres, où la production et la livraison de tanks Renault sont décrites par le menu, affirme-t-elle. Ce n’est pas un hasard si les alliés, qui ont finalement peu bombardé les installations industrielles françaises, ont estimé qu’il était crucial de bombarder quatre fois le site de Renault à Billancourt. Et si le COA, qui discutait avec les services allemands de l’armement en France des bénéfices accordés aux différents constructeurs, a estimé en 1942 que Renault méritait de recevoir un taux de marge “exceptionnel” de 12%, soit 20% de plus que les autres grands constructeurs, c’est parce que les services rendus à la Wehrmacht lui valaient des risques de bombardements particulièrement sévères qu’il fallait donc indemniser… »

Quant au « zèle » dont aurait fait preuve le constructeur pour relancer la production malgré les bombardements, elle montre que « Renault est allé jusqu’à construire des usines souterraines, et ce jusqu’en juillet 1944, c’est-à-dire un mois avant la libération ».

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Par ailleurs, l’historienne rappelle qu’"une exposition sur Renault essentiellement consacrée à l’entre-deux-guerres et à l’Occupation – exposition d’une vingtaine de panneaux, dont Jacques Aubert, de l’institut d’histoire sociale CGT du Val-de-Marne a eu l’excellente initiative , se trouve actuellement, et depuis lundi 19 novembre, au siège de la CGT, dans le patio de Montreuil. Elle va « circuler », et sera à la disposition de toutes les organisations, mairies, institutions culturelles, etc., qui souhaiteront la faire connaître."


En médaillon Louis Renault, Hitler et Goering au salon de l’auto de 1939



Documents joints

Arrêt 21 novembre
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