Le Medef bafoue la démocratie...même dans son propre camp

lundi 4 septembre 2006
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L’organisation se veut l’unique porte-parole du patronat.
Or, il en existe d’autres.
Au sein des PME et des entreprises artisanales, mais aussi des associations, des banques solidaires et des mutuelles, la grogne monte.

Laurence Parisot a réussi son pari : il y avait foule, la semaine dernière, à la 8e université d’été du Medef.

- Grands patrons, ministres (Nikolas Sarkosy en tomber de rideau), candidats socialistes à la présidentielle, et même José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne.

Et comme chaque année, le Medef a réussi à faire croire qu’il représentait, à lui seul, toutes les entreprises de France.

Une illusion qu’à gauche comme à droite personne ne cherche à combattre vraiment.

Dans les institutions de la République, le Medef n’est pourtant pas l’unique porte-parole du patronat.

Dans la Commission nationale de négociation collective (CNNC), là où se négocient les grandes questions sociales, il siège aux côtés de la CGPME et de l’Union professionnelle artisanale (UPA).

Or, si ces deux dernières sont aussi peu connues, ce n’est pas par hasard.

- Le Medef voudrait régner seul.

- Seul à parler au nom des entreprises.

- Seul à négocier pour elles le droit du travail de demain.

- Seul, tout seul.

- Pour cela, il utilise une double stratégie : étouffer la CGPME, sa soeur jumelle, et combattre l’UPA, sa seule vraie rivale.

VOLONTE HEGEMONIQUE

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Essayez donc de joindre le regroupement des patrons des Hautes-Pyrénées, à Tarbes : « Vous êtes bien à l’union des entreprises de Hautes-Pyrénées, vous annonce le répondeur, pour avoir la CGPME tapez 1, le Medef tapez 2. »

- C’est dire si les deux organisations sont proches !
Coups de main réciproques, échange de personnels : la CGPME, née d’une scission au sein du CNPF , l’ancêtre du Medef , n’a jamais coupé le cordon avec sa maison mère.

- Mieux : aux élections prud’homales, Medef et CGPME font liste unique dans plus de 80% des cas.
Idem aux dernières élections des chambres de commerce et d’industrie : 3056 listes sur 5 549 étaient communes.

- Au conseil économique et social, les deux organisations nomment leurs représentants ensemble.

- Etonnez-vous, après ça, que les patrons votent encore moins que les salariés !

Pour couronner le tout, 60% des adhérents sont communs aux deux organisations.

Imaginez que 60% des adhérents de la CGT aient aussi leur carte à la CFDT et à FO.

- « Il a fallu recourir à la justice chaque fois que l’on a voulu être reconnu », raconte Pierre Burban, secrétaire général de l’UPA.
Pendant treize ans, de 1975 à 1998, l’UPA a dû batailler ferme pour entrer à la CNNC et le Medef a tout fait, absolument tout, pour s’y opposer.

La guerre, d’ailleurs, n’est pas finie.

Aujourd’hui, le Medef n’hésite pas à traîner en cassation un accord que l’UPA a pourtant signé avec les salariés de son secteur et qui a été reconnu par la justice.

- Pierre Burban sourit : « C’est vrai que l’on est un peu plus contrariants que la CGPME. »

Le Medef est la seule organisation des trois à prétendre représenter toutes les entreprises de France, dont les PME et les entreprises artisanales. « C’est absurde, commente Pierre Burban, les donneurs d’ordre n’ont pas les mêmes intérêts que les sous-traitants, par exemple. »

Les « patrons réels » ont des spécifités. Ils « engagent dans leur entreprise tout leur savoir financier », pour reprendre la romantique définition de Léon Gingembre, fondateur de la CGPME, ils « y exercent des fonctions réelles et uniques de responsabilité et de gestion, mettent en jeu leur savoir et, en cas d’échec , leur honneur. »

Pour pallier ces manques , Croissance Plus essaie de défendre les opinions des patrons de PME , de faire savoir qui ils sont , même si cette association ne peut pas négocier d’accords.

Geoffroy Roux de Bézieux , président de Croissance Plus , estime ainsi que le Medef aurait dû défendre le CPE :

« Quatre-vingt-quinze pour cent des patrons réels sont pour un assouplissement qui permet d’embaucher sans prendre trop de risque. Embaucher une personne supplémentaire quand on est 20, c’est très lourd.Pour L’Oréal, une embauche supplémentaire, ce n’est rien. »

Les « petits » patrons ne sont pas les seuls à être exaspérés par cette volonté hégémonique du Medef.

La grogne monte aussi du côté des associations, des banques solidaires et des mutuelles.

L’économie sociale réunit 2 millions de salariés, mais elle n’a pas de représentant propre.
Pourtant , pour Dominique Thys , administrateur délégué de la Maïf , il existe « une autre façon d’entreprendre » qui n’est pas non plus représentée au Medef.

« Je ne crois pas à la toute-puissance du marché, mais je crois à celle de la volonté humaine. »

ELIMINER LES RIVAUX

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Pour la première fois en 2002, l’économie sociale a fait sécession , et remporté une victoire : prenant le Medef par surprise , le secteur a en effet proposé des listes autonomes aux élections prud’homales et obtenu entre 10 et 12% des voix.

- Un succès.

Aujourd’hui , l’économie sociale tente d’entrer à la CNNC , mais le Medef n’a pas dit son dernier mot et mise sur un détail du droit :
« Leur organisation n’a pas vocation à être au CNN , dit-on au Medef, car elle ne serait pas interprofessionnelle. »
Tout est bon pour éliminer la concurrence.

"Si les entreprises de l’économie sociale attaquent en justice , elles sont sûres de gagner , le Medef n’est pas plus représentatif qu’eux dans leur secteur , reconnaît-on , sous couvert d’anonymat , au ministère du Travail.
Le dialogue social repose entièrement sur l’idée que le Medef représente tous les patrons , mais c’est une fiction juridique."

- En effet , la représentativité du Medef n’est pas inscrite dans la loi.

Comme pour les syndicats de salariés , elle est implicite.
Une entreprise peut toujours refuser d’appliquer un accord signé par le Medef si elle estime que le Medef ne la représente pas.

La Cour de cassation a ainsi donné raison à Michelin qui avait refusé d’appliquer un accord signé par le CNPF , l’ancêtre du Medef , arguant que celui-ci ne représentait pas la branche « caoutchouc et polymères ».

AUTRE SECRET BIEN GARDE

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- Loin d’être une association de patrons qui prendraient chacun leur carte, le Medef est une fédération de fédérations professionnelles.
Les patrons n’adhèrent pas au Medef , mais à des branches professionnelles , utiles au quotidien, qui elles-mêmes adhèrent au Medef.

- Quand le Medef dit représenter 750 000 entreprises , c’est indirectement.
A l’heure où même le PCF fait voter ses adhérents, on reste perplexe.

Transmis par Linsay

Cet article de Sophia Cazotte est paru dans « Marianne » sous le titre hasardeux « Le MEDEF dernier syndicat soviétique ». On aurait pu tout aussi bien titrer « Les intérêts de classe avant tout », ce qui n’est pas nouveau quand on voit de par le monde et en France ce qu’a été capable de faire le grand patronat quand il considérait que ses intérêts étaient en jeu. « Plutôt Hitler que le front populaire » ne fut pas une formule malheureuse mais une ligne de conduite constante...
Pour le reste apparemment l’auteur ne sait pas que le PCF a toujours fait voter ses adhérents...



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