Tapie met la main sur la presse du sud : deux réactions

vendredi 28 décembre 2012
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Celle d’abord du syndicat national des journalistes CGT qui dit sa condamnation et pointe la responsabilité du gouvernement dans cette affaire, celle ensuite des journalistes de La Provence qui ne débordent pas d’enthousiasme...et comment pourrait-il en être autrement ?

Tapie, patron de presse : un scandale absolu !
de : Le SNJ-CGT
lundi 24 décembre 2012 - 19h12
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Dans la France d’aujourd’hui, tout peut arriver, mais on ne s’attendait pas à ça : Bernard Tapie, un affairiste, associé à un exilé fiscal suisse, Philippe Hersant, est le nouveau propriétaire de quatre quotidiens, La Provence, Var-Matin, Nice-Matin et Corse-Matin, ainsi que des quotidiens du groupe France-Antilles.

Les deux hommes étaient sans doute destinés à se rencontrer pour avoir, l’un comme l’autre, montré des qualités de gestionnaires dignes des Pieds Nickelés. Qu’on se rappelle ce que Tapie a fait de Look, de Wonder, de Terraillon, d’Adidas, de ses écoles de ventes, de l’Olympique de Marseille (déclaré en faillite après la sinistre affaire de match de football truqué entre le club marseillais et l’équipe de Valenciennes), au ministère de la ville, etc.

Qu’on se rappelle ce que Philippe Hersant, le piètre héritier du « papivore » Robert Hersant, a fait de Paru Vendu, de Paris-Normandie, des journaux de la région Champagne - Ardennes. L’un et l’autre ont largement alimentés les cohortes qui, chaque jour, vont pointer à Pôle emploi.

Tapie et Hersant sont des fossoyeurs d’emplois plus que des entrepreneurs ; les journalistes ont toutes les raisons d’être inquiets de cette association, dont l’un des dirigeants a quand même connu la prison et n’est pas à l’abri de nouveaux démêlés avec la justice dans l’affaire de l’indemnisation de son prétendu dommage dans l’affaire de la vente d’Adidas par le Crédit lyonnais qui a donné lieu à une indemnisation scandaleuse sur injonction de Sarkozy et avec la bénédiction de Christine Lagarde.

Cette prise de contrôle des journaux de Provence et de la Côte d’Azur par un tel tandem est un scandale. L’information est en danger.

Le soudain intérêt de Tapie pour la presse ne laisse pas d’inquiéter dans la perspective des prochaines échéances électorales. Ceux qui avaient rêvé de journaux mis à l’abri des affairistes aux lendemains du scandale de Panama en 1914, puis après la Libération en 1945 et qui avaient rédigé les Ordonnances sur la presse en 1944 et ceux qui, aujourd’hui, tirent le signal d’alarme depuis plusannées pour retrouver les voies d’une information citoyenne, au service du public ne peuvent que s’alarmer.

Pour le SNJ-CGT, le feu vert accordé par le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) est symbolique de la politique actuelle du gouvernement, marquée par une obséquiosité sans borne devant les patrons et les puissances d’argent.

Pour le syndicat, le Premier ministre, le ministre des finances, la ministre de la culture et de la communication, notamment, doivent s’expliquer.

Le SNJ-CGT interpelle le président de la République et lui demande de s’opposer à cette reprise des restes du Groupe Hersant Média (GHM) par le duo Tapie - Philippe Hersant. Il lui demande également de légiférer au plus vite sur le statut de l’entreprise de presse, sur l’indépendance des rédactions et sur la protection des sources.

***
Lettre du SNJ La Provence

Monsieur le Président de la République
Monsieur le Premier Ministre
Madame le Ministre de la communication
Monsieur le ministre du redressement productif
Monsieur le Directeur général du Trésor, Secrétaire général du Ciri
Monsieur le Président du tribunal de Commerce de Paris
Monsieur le Conciliateur
Messieurs et Mesdames des 17 banques créancières du groupe Hersant
Monsieur Philippe Hersant
Monsieur Bernard Tapie
Monsieur Bernard Marchant,
Et autres acteurs que nous aurions dû citer..

Derrière une entreprise de presse, il y a des professionnels. La section du SNJ La
Provence représente, à plus de 60%, une rédaction qui a déjà beaucoup donné. 235 personnes
lorsque le groupe Hersant Média nous a repris, 194 aujourd’hui CDI et une pléiade de CDD
structurels. Elle a anticipé et affronté la crise de la presse à coups de suppléments
réalisés
bénévolement par les journalistes, elle s’est mise à la télé, elle passe à la vidéo.

La Provence est un titre crédible, reconnu par les acteurs économiques, politiques,
sportifs, associatifs. Elle entretient un lien social avec les gens de ce territoire avec
une proximité que nul autre média n’a su conquérir malgré ses tentatives.
Elle a déjà engagé une mutation profonde vers le multimédia qui doit être soutenue,
encadrée, financièrement et socialement, si l’on veut que les équipes gardent un
enthousiasme aujourd’hui flétri par six années de gestion Hersant, dont on a l’impression
de n’avoir guère fait que remonter des managements fees. On a financé nos rotatives,
renfloué notre régie publicitaire, on reste bénéficiaire encore cette année, malgré un
environnement désastreux.

Le SNJ pense que cette réussite est celle de l’entreprise. Pas celle du groupe.
Qu’il veuille nous conserver, on peut le comprendre. Que d’autres repreneurs s’intéressent
à nous, idem.

Qu’ils soient convaincus que La Provence ne sera viable qu’avec un actionnariat qui
connaisse les métiers de la presse, préserve nos emplois, et nos territoires de
couverture. Qu’importe les nouveaux actionnaires et dirigeants. Ils ne gagneront de retour
sur investissement qu’avec un minimum d’intelligence d’avenir, économique, et social. Pas
avec un journal low cost voué à l’échec face à des défis qui s’accélèrent et que nous
avons déjà en partie relevés.

Notre entreprise est belle et viable. Nous demandons aux repreneurs
- De s’engager sur une ligne éditoriale qui est celle de la charte de Munich du
syndicat national des journalistes, premier syndicat de la profession en France, charte
adoptée en 1918, révisée en 2011.
- De s’engager sur les emplois -plus de 200 journalistes à temps plein à ce jour ; de
respecter et renforcer nos conditions de travail qui aujourd’hui, sont délétères.
Sans cela, toute reprise, quelle qu’elle soit, sera vouée à la déroute. Financière pour
vous. Humaine pour nous.

La Provence n’est pas à vendre pour renflouer de mauvais choix de gestion, pour réaliser
des dividendes intenables à de lointains actionnaires, ni pour servir un intérêt
d’influence.

La Provence est à vendre à cause d’un groupe en faillite. Alors qu’elle est saine. Grâce
aux sacrifices, et nous pesons nos mots, de toute une rédaction et de tous les salariés
qui la composent.

Le SNJ La Provence
Marseille, le 18 décembre 2012



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