Monsieur le Ministre et cher métèque,

lundi 31 décembre 2012
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Monsieur le Ministre de l’Intérieur,

Je me permets cette familiarité car nous avons un point commun, nous sommes tous les deux de nationalité française et métèques. Nous avons cependant un point qui nous sépare. Je ne supporte pas la chasse aux métèques.

Car c’est bien ce que vous savez organiser dans la ligne de vos prédécesseurs, la chasse aux métèques. Oh ! je pense moins à vos prédécesseurs de droite qui ne faisaient que continuer une tradition, je pense à ce grand ancêtre qui avait nom Chevènement et qui a su introduire la chasse aux métèques comme pratique de gauche. Vous y ajoutez une chose, votre métèquerie, comme si la chasse aux métèques vous rendez un peu plus français.

Vous avez montré vos qualités en montrant comment vous saviez faire la chasse aux Romms encore mieux que votre prédécesseur. Vous continuez à parquer les étrangers indésirables dans les Centres de Rétention avant de les expulser, et pour mieux vous protéger, vous inventez un devoir de réserve pour les associations qui viennent aider ceux qui sont emprisonnés dans ces centres à faire valoir les quelques droits qui leur restent. Il est vrai que, par respect de la démocratie, il vaut mieux éviter que les basses oeuvres de vos services soient connues. Et, loin de remettre en cause les lois que vos prédécesseurs, Pasqua, Debré, Chevènement, Sarkozy, ont mis en place pour « protéger » la France des étrangers qui y viennent pour fuir les difficultés politiques ou économiques qu’ils rencontrent dans leur pays, des étrangers qui voient souvent la France comme un pays qui leur permettra enfin de vivre, le pays des Droits de l’Homme comme certains le croient encore, vous continuez les mêmes pratiques xénophobes.

Mais il paraît que c’est le devoir d’un ministre de la police de rappeler à ces étrangers qu’ils ont tort de croire que la France est un pays accueillant et vous le rappelez avec force. Pourtant ces étrangers que vous considérez comme des ennemis ne demandent qu’à vivre paisiblement dans notre pays, comme l’ont fait, il y a quelques années, vos parents.

Vous devez savoir que certains de ces étrangers font parfois, pour rappeler leur existence, des grèves de la faim qui mettent en danger leur santé, voire leur vie. Votre ancêtre préféré, Chevènement, a déjà rencontré ce genre de problème et la lutte n’a jamais été facile, même si les grévistes ont souvent réussi à obtenir le droit de rester en France, mais à quel prix !

Lorsque la droite, je veux dire la vraie droite, celle qui n’a pas besoin de se déguiser en gauche, est revenue au pouvoir, elle a su durcir les mesures que Chevènement avait mises en place. C’est alors que les sans-papiers ont obtenu le soutien de la gauche, laquelle espérait ainsi se donner une belle image humaniste, ce qui peut toujours servir dans les élections. Ainsi, alors que la Mairie de Lille envoyait la police pour réprimer les grévistes de la faim lorsque ses amis gouvernaient la France, elle a su apporter, lorsque la droite est revenue au pouvoir, son soutien aux sans-papiers. Mais le rêve a peu duré, la gauche est enfin revenue au pouvoir et, par la grâce de son ministre de l’intérieur, a su retrouver les plaisirs de la chasse aux métèques.

Il y eut une époque où le Comité des Sans-Papiers de Lille (CSP 59) pouvait rencontrer la Préfecture pour défendre les dossiers des demandeurs de régularisation et a ainsi pu obtenir des régularisations.

Un préfet a décidé que cela était fini. Le préfet actuel continue ce refus et lors d’une rencontre avec le Comité des Sans-Papiers, n’a su que renvoyer à votre circulaire qui ne pourra résoudre que quelques cas. Il ignore la grève de la faim et ne connaît que la répression. Il est vrai qu’une certaine tradition oppose, depuis un demi-siècle, Jean Moulin, préfet qui sut choisir la Résistance pour défendre la liberté et l’égalité contre les autorités de l’époque, et Maurice Papon qui, en bon fonctionnaire, obéit aux ordres et participa d’abord à la déportation des Juifs de Bordeaux à Drancy et quelque années plus tard à un massacre d’Algériens à Paris.

Officiellement, c’est Jean Moulin qu’on célèbre, mais ce que demandent les ministres de l’Intérieur aux préfets, c’est d’être des Papon, et malheureusement ils le sont. Même lorsqu’ils font semblant de faire quelques concessions, ils savent les remettre en cause comme ce préfet de Lille qui, en bon séide, a su expulser deux grévistes de la faim alors qu’il avait déclaré qu’il n’y aurait pas d’expulsions de grévistes avant l’examen de leurs dossiers.

Si vous étiez un homme de gauche, membre d’un gouvernement de gauche, vous mettriez fin à cette zone de non droit en facilitant la régularisation des sans-papiers qui espèrent recouvrer une vie normale dans notre pays et vous demanderiez aux préfets de faire le nécessaire pour résoudre ce problème. Et vous pourriez commencer par remettre au goût du jour les rencontres entre la Préfecture de Lille et le Comité des Sans Papiers de Lille, rencontres qui ont permis nombre de régularisations

Mais on peut douter du fait que vous êtes un homme de gauche. Votre place au ministère de l’Intérieur, c’est de faire respecter l’ordre, c’est à dire votre ordre, aux dépens des hommes.

Tout cela est bien triste. Et votre métèquerie rend vos agissements encore plus intolérables.

Je vous prie de recevoir, monsieur le ministre et cher métèque, l’expression de mon dégoût le plus profond.

Rudolf Bkouche, professeur émérite, université de Lille,
ancien membre de la commission juridique du Comité des Sans-Papiers 59



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