La santé n’est pas une marchandise, c’est un droit un pour tous

mardi 22 janvier 2013
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A partir d’un exemple dans la région lyonnaise, réflexion qui peut s’étendre bien au-delà.

Depuis une vingtaine d’années, les politiques d’austérité imposées par les conceptions libérales qui prévalent dans le pays, imposent à la santé une pression en matière de gestion et d’organisation qui devient proprement insupportable pour les personnels et pour les usagers.

Ces derniers transformés en clients ne sont plus considérés que du point de vu de ce qu’ils coûtent ou de ce qu’ils rapportent. La sécurité sociale, instrument de la solidarité à sa création est, elle aussi contaminée par cette conception. Elle est le plus souvent utilisée pour permettre aux intérêts privés de venir faire leurs marchés à bon compte, délaissant toujours plus ceux à qui elle devait venir en aide.

Selon cette logique, les diverses instances chargées d’organiser les offres de soin ont été soumises à une restructuration drastique des équipements de santé au profit d’une vision strictement économique. C’est ainsi que la mutualité du Rhône a été amenée il y a six ans à regrouper sur l’est Lyonnais ses établissements avec un projet de 401 lits. Dans le langage d’aujourd’hui cela s’appelle un pôle et il s’agit d’un mot qui se conjugue avec optimisation ou encore rationalisation des moyens, c’est-à-dire baisse des coûts, et donc réduction de personnel.

Pourtant cette proposition a été jugée insuffisante par l’ARS qui a exigé une réduction supplémentaire de lits et a obligé à étendre ce regroupement à un autre partenaire. Problème : ce partenaire est une clinique privée appartenant au groupe international Capio, dont les motivations et l’organisation sont d’une toute autre nature. Qu’à cela ne tienne, l’exigence faite ne permet aucun compromis, le financement des projets en dépend . Du coup l’on peut être aussi fondé à comprendre que cette fausse alternative est la véritable motivation de la décision prise : à savoir qu’il s’agit de construire comme cela a été fait avec GDF à qui était imposé Suez, les futures unités de l’industrie du soin, pour les soumettre aux appétits du capital.

L’ARS et le groupe CAPIO

Car enfin qui sont l’A.R.S et le groupe Capio ?
_ L’ARS, l’Agence régionale de santé, regroupe depuis 2010 grâce à la loi « hpst », dite loi Bacheloy, les différentes structures régionales qui existaient auparavant dans le domaine (dass, drass, cram, grsp, urcam). Son champ d’intervention concerne l’ensemble des politiques de santé et l’organisation du soin sur son territoire de compétence. Puissance à caractère politique, elle est au service direct du gouvernement. Les pouvoirs de son directeur sont équivalents à ceux d’un préfet. Elle a la main sur tout, et notamment sur les ressources financières qu’elle peut mettre au service du secteur privé, comme l’illustrent, sur la région Rhône Alpes, ses dernières initiatives.

Le groupe Capio quant à lui a été créé en Suède en 1994. Il s’est développé pour le compte du public dans le secteur des prestations de soin avant de prendre une dimension européenne.
Présent en France depuis 2002, il emploie 5000 salariés répartis dans 26 cliniques. Il gère dans la région lyonnaise la clinique de la Sauvegarde, célèbre pour sa surfacturation, la clinique saint Louis, et la clinique du Tonkin, celle de l’affaire qui nous concerne. Ses services de communication donnent à entendre une ambition qui se passe de commentaire : « nous proposons à nos patients une prise en charge moderne pour récupérer plus vite et rentrer à leur domicile le plus tôt possible en toute sécurité ».

En effet Capio, comme ses principaux concurrents, Générale de santé et Vitalia, compte des fonds d’investissement dans son actionnariat. Or, ainsi que l’explique un article de The Economist, « les fonds d’investissements ont d’abord été attirés par le fait qu’en France, la santé est un secteur dont les recettes sont solvabilisées par l’assurance maladie » (en gros, il y a du fric à se faire en toute tranquillité) ; or de ce point de vue, nous apprend-il, « les années 2004 et 2005 ont été assez fastes car la mise en place de la tarification à l’activité (la t2a) a été l’occasion d’un rattrapage sur le prix des actes. Les fonds d’investissements ont alors misé sur ce secteur et les valeurs d’acquisition ont alors atteint 10 à 12 fois les résultats d’exploitation. Les 26 cliniques de Capio réalisent 800 000 actes médicaux par an, les honoraires de ses 1200 praticiens se font à l’acte, comme le relève l’article de Vaulx-mag ,et sont réglés directement par l’assurance maladie. Qui plus est, ces praticiens sont liés aux établissements dans lesquels ils travaillent par des contrats d’exercice libéral » (contrairement à ceux des établissements mutualistes qui sont salariés).

S’ils choisissent de fixer leurs honoraires au-delà du taux de remboursement, la clinique n’a aucun droit de regard, les frais supplémentaires seront pour les patients. De tels dispositifs poussent à l’industrialisation des actes et l’on comprend mieux la signification du slogan publicitaire rapporté plus haut.

Par exemple, le taux d’utilisation des blocs d’opération est de 70% dans le groupe et la durée moyenne d’hospitalisation ne dépasse pas les 4,3 jours ; ainsi le patient reste dans sa chambre moins longtemps, prend moins de repas, alors que la rémunération versée par l’assurance maladie reste la même.

Tout cela n’est pas acceptable, la réduction des unités de soin pour raison comptable désertifie encore davantage les zones d’habitation populaire, et est contraire aux politiques de soins de proximité qu’un pays comme le nôtre a le pouvoir et les moyens de mettre en œuvre pour l’équité et la justice sociale. Elle ne peut en aucun cas être compatible avec les objectifs d’une médecine libérale orientée vers le lucratif qui se tourne de plus en plus vers une activité de type industriel.

Notre pays a besoin d’un grand ministère chargé de la santé et des affaires sociales doté de moyens suffisants capables de faire face aux enjeux sociaux et de santé qui se multiplient . Pour cela il faut commencer par abolir la loi Bachelot et supprimer les ARS qu’elle a créées, réintégrer toutes les missions de service public dans le giron des services déconcentrés de l’Etat, ouvrir des hôpitaux publics pour des soins de qualité et de proximité qui répondent aux besoins de la population.

Gilbert Rémond



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