Colonialisme, dire les choses de façon claire !

dimanche 24 février 2013
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« Pour l’universitaire (Olivier Le Cour Grandmaison), qui s’exprimait lors de la 8e semaine anticoloniale et antiraciste organisée par le Collectif Sortir du colonialisme, la reconnaissance officielle en 2012 des massacres du 17 octobre 1961 à Paris est la reconnaissance d’un "crime qui n’a pas été nommé, qui n’a pas d’adresse parce que l’Etat n’est pas identifié comme responsable de cette affaire, et qui n’est pas signifié pour être rapporté à un responsable".

Jusqu’à quand sera-t-il possible de continuer à dire, à juste raison, que « la France continue d’accuser un « très grand retard » dans la reconnaissance de ses crimes coloniaux ?

Reconnaissance des crimes coloniaux : le France accuse un « très grand retard »

La France continue d’accuser un « très grand retard » dans la reconnaissance de ses crimes coloniaux et l’enseignement de ce passé douloureux dans les écoles fait toujours face à des obstacles politiques, a estimé samedi l’historien Olivier Le Cour Grandmaison.
« Relativement à la reconnaissance des crimes coloniaux et comparativement à d’autres Etats qui, dans des circonstances diverses, ont un passé colonial, impérial, de massacres et de déportations de populations civiles, la France républicaine est extrêmement en retard », a-t-il indiqué lors d’une rencontre à Paris sur les relations algéro-françaises, 50 ans après l’indépendance.

Pour l’universitaire, qui s’exprimait lors de la 8e semaine anticoloniale et antiraciste organisée par le Collectif Sortir du colonialisme, la reconnaissance officielle en 2012 des massacres du 17 octobre 1961 à Paris est la reconnaissance d’un « crime qui n’a pas été nommé, qui n’a pas d’adresse parce que l’Etat n’est pas identifié comme responsable de cette affaire, et qui n’est pas signifié pour être rapporté à un responsable ».
Le président français François Hollande avait affirmé le 17 octobre dernier que la « République reconnait avec lucidité » les massacres d’Algériens le 17 octobre 1961, rendant hommage à la mémoire des victimes de la sanglante répression policière.

Selon l’historien Le Cour Grandmaison, cette reconnaissance est un « petit pas en avant ». « J’ose espérer que le président Hollande n’est pas unijambiste et qu’il pourra éventuellement, à l’avenir, déplacer l’autre jambe pour faire en sorte que ce pas soit suivi d’un autre… », a-t-il opiné, relevant que dans la « profusion » des plaques commémoratives apposées en hommage à ces victimes à Paris, une « seule (à Bagnolet) nomme le crime du 17 octobre 1961 comme crime d’Etat et désigne le principal auteur, le préfet Maurice Papon », selon lui.

Citant les crimes de génocide commis sous Vichy avec la déportation de populations, notamment d’enfants scolarisés juifs, il a relevé que dans ce cas-là les choses sont « dites de façon claire » et le crime a un « nom et une adresse ».

« Relativement aux crimes coloniaux, hélas nous ne sommes toujours pas là, même si, pour lever tout équivoque, je ne mets pas sur le même plan les génocides et les crimes contre l’humanité comme lors de la période coloniale », a toutefois noté l’historien.

Citant d’autres exemples hors de l’Hexagone, il fera remarquer que, contrairement à la France, qui est « prétendument présentée comme le phare de la liberté, l’égalité, fraternité », l’Australie, par le biais de son Premier ministre, a reconnu, il y a 15 ans, que la conquête du pays s’était traduite par la destruction, la déportation et le meurtre des peuples autochtones.

L’auteur de Douce France [1] citera aussi l’exemple d’un musée des peuples opprimés à Washington dont l’inauguration, il y a une vingtaine d’années, a été mise à profit par son directeur pour déclarer que l’expansion américaine vers l’Ouest a donné lieu à des déplacements forcés des populations, à des massacres et aux meurtres d’Indiens.

Il a regretté enfin que la non reconnaissance par la France de son passé colonial que certains enseignants en France sont « à tort ou à raison, hésitant à traiter de la question coloniale », relevant que si ceux-ci pouvaient s’appuyer sur une déclaration politique d’un chef de l’Etat sur le fait colonial, leur apport sur les plans à la fois politique et pédagogique serait indéniable.

La semaine anticoloniale a pour but de décrypter les traumatismes encore à vif liés au colonialisme, de travailler sur la transmission de la mémoire et d’analyser les discriminations post-coloniales qui stigmatisent et excluent, à la lumière des méfaits du passé.

En 2012, le cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie a été au cœur de la 7e Semaine Anticoloniale et Antiraciste, organisée à l’initiative du collectif Sortir du colonialisme, né dans le sillage de la contestation de la loi du 25 février 2005 sur « l’apport positif de la colonisation ».

Le Temps d’Algérie 17-02-2013
Transmis par Michel Peyret


[1" Douce France. Rafles. Rétention. Expulsions, sous la dir. de O. Le Cour Grandmaison, Paris, Seuil, 2009.



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