L’Antarctique sans défense face au tourisme

jeudi 2 mai 2013
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De nouveau très fréquenté, le continent blanc n’est toujours pas protégé par une législation internationale.

Ailleurs dans le monde, un site touristique qui attirerait 35 000 visiteurs par an serait considéré comme mollasson. Pas en Antarctique, où chaque trace de pas compte. Ici, cinq ans après la crise financière, le tourisme repart à toute vitesse : en l’espace d’un an, le nombre de croisiéristes a doublé.

Le Traité sur l’Antarctique place le continent sous l’autorité de cinquante pays. Ceux-ci auraient pu profiter du recul du tourisme causé par la récession pour élaborer des règles et encadrer le secteur. Mais ils n’en ont (presque) rien fait. Depuis 1966, les vingt-huit pays qui composent le comité consultatif du Traité sur l’Antarctique ont émis vingt-sept recommandations sur le tourisme et seulement deux textes à caractère contraignant – dont aucun n’est encore entré en vigueur.

Le premier, l’accord de 2004 imposant aux opérateurs touristiques de s’assurer pour couvrir les frais d’éventuelles opérations de sauvetage ou évacuations médicales, n’a été ratifié que par onze des vingt-huit pays. Le second, l’accord de 2009 interdisant aux bateaux transportant plus de 500 passagers de débarquer des touristes – pour éviter que certains sites soient piétinés –, n’a reçu le soutien que de deux pays, le Japon et l’Uruguay. A noter que les Etats-Unis, pays qui fournit de loin le plus grand nombre de visiteurs, n’ont signé aucun des deux textes.

L’Organisation maritime internationale (OMI), une agence des Nations unies, souhaite faire adopter le Code polaire, qui définit des normes de sécurité pour les bateaux naviguant en Arctique et en Antarctique. Il devait entrer en vigueur en 2013, mais l’OMI vient d’annoncer qu’il ne serait pas adopté avant 2014 et qu’il faudrait ensuite dix-huit mois pour qu’il entre en application. Pour Alan Hemmings, consultant en environnement spécialisé dans les régions polaires, l’absence de normes est problématique. En effet, de plus en plus de bateaux de croisière dépourvus de coque résistante à la glace naviguent dans ces mers mal connues et sujettes aux tempêtes, alors que des tours du monde et des croisières qui passent par le sud de l’Amérique et du Pacifique comportent de plus en plus souvent des étapes en Antarctique.

Ici, le nombre de touristes est passé de moins de 2 000 par an dans les années 1980 à plus de 46 000 pendant l’hiver 2007-2008. Puis il a dégringolé, pour redescendre à moins de 27 000 en 2011-2012. L’Association internationale des tour-opérateurs de l’Antarctique, installée dans le Rhode Island, aux Etats-Unis, ne dispose pas encore de chiffres définitifs pour la saison 2012-2013, qui va de novembre à fin mars, mais elle estime à 35 000 le nombre de visiteurs. Et elle prévoit une légère augmentation pour l’année prochaine.

Ski nautique.

Non seulement le nombre de touristes augmente, mais leurs activités évoluent également, souligne Alan Hemmings, qui fait partie d’une délégation représentant la Nouvelle-Zélande dans certaines réunions du Traité sur l’Antarctique. “A la fin des années 1980 et dans les années 1990, les visiteurs étaient généralement d’âge moyen, voire d’âge mûr, explique-t-il. Ils observaient la nature, ils visitaient des sites historiques et éventuellement une station scientifique. Aujourd’hui, les gens veulent faire du parapente, du ski nautique, de la plongée et tout un tas d’autres choses.”

Pour Neil Gilbert, responsable de l’environnement pour l’organisation néo-zélandaise Antarctica New Zealand, il est nécessaire d’étudier plus sérieusement l’impact du tourisme. “La péninsule antarctique est l’une des zones de la planète qui se réchauffent le plus rapidement. Nous ne connaissons absolument pas les répercussions de cette fréquentation touristique sur cet environnement qui enregistre déjà des changements significatifs.”

Les touristes risquent de piétiner des habitats, d’introduire des espèces exotiques ou des microbes ou de transporter des espèces végétales et animales dans des zones du continent où elles n’existaient pas. Et si un grand navire de croisière avec des milliers de passagers à son bord se trouvait en difficulté dans ces eaux mal connues, où les blocs de glace et les tempêtes sont légion, et provoquait une marée noire, ce serait un désastre.

Pour réduire les risques de marée noire, l’Organisation maritime internationale a interdit en 2011 l’utilisation de fioul lourd au-dessous de 60° de latitude sud. Ce fut un coup dur pour les grands bateaux de croisière. Dans un premier temps, explique Steve Wellmeier, directeur administratif de l’Association internationale des tour-opérateurs de l’Antarctique, le nombre de passagers a été réduit de deux tiers. Mais l’interdiction n’a freiné que provisoirement la croissance du secteur. Car il est très facile pour les gros navires d’utiliser des fiouls plus légers.

Rod McGuirk The Independent le 29/04/2013

Transmis par Linsay



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