Toujours prompte à trouver des coupables ,la presse , ces jours –ci ,en tient un nouveau à qui coller la responsabilité de l’image de plus en plus désastreuse de ‘ François Hollande ‘. Puisque l’homme ,débarqué à l’Elysée en janvier avec le titre de « conseiller » était censé améliorer la com’ présidentielle ,il est sans doute pour quelque chose dans les interventions télé ratées ,les couvertures de plus en plus acides d’hebdos et la dégringolade dans les sondages. Et voila comment un ex-présentateur de 20 heures se retrouve dans le collimateur alors qu’il n’a reçu aucun implant capillaire de Jérôme Cahuzac, ce qui n’est pas le cas de tous ses ex-confrères.

Et pourtant dans cette époque si souriante, Sérillon s’impose. L’homme est connu pour ses mises au placard ‘trois en trente ans, dont une sous Jospin et pour ses fous rires ‘ Très particuliers, ils le voient alterner une mâchoire décrochée pendant une vingtaine de secondes et une série de petits jappements aigus pendant une dizaine d’ autres .Les fous rires de Sérillon sont passés à la télé et Michel Drucker, le premier , à compris tout l’intérêt qu’il avait à les héberger dans ses émissions. Un fou rire de l’ex du 20 heures sur le plateau de ‘vivement dimanche ‘c’ est l’assurance de garder un public âgé éveillé. Au prétexte d’une chronique littéraire, Drucker l’a donc assis à ses cotés pendant des années pour être sur d’avoir sur son plateau quelqu’un qui se marre, même quand l’invité est Bernadette Chirac. Sérillon donc un peu personne n’y résiste .

Sauf Jean-Pierre Elkabbach, qui n’a pas ri quand le nantais a parlé des diamants de Giscard dans une revue de presse sur Antenne 2 en 1979, Il l’a viré illico. Mais attention, rectifie-t-il aujourd’hui, il n’a pas supprimé la revue de presse. Ni même interdit les journaux, qui ont continué à être vendus en kiosque. Elkabbach, aussi censeur qu’encenseur, est un comique dans son genre. Un communicant qui ne communique pas …

Sérillon donc a le fou rire facile et communicatif c’est un grand atout. Hollande, qui avait prédit que les années le plus dures de son quinquennat seraient les cinq premières, a choisi de s’attacher ses services pour tenter de mettre de la bonne humeur dans la rigueur. Dés la primaire socialiste face a Aubry, il avait tenu ce qu’il lui donne la réplique. Les deux hommes se connaissent de longue date et s’apprécient. Hollande juge qu’un homme qui rit à ses blagues et qui s’est fait virer par Jospin n’est pas foncièrement mauvais. Et des blagues il en a à revendre. Après le « gouverner c’est pleuvoir » servi au Maroc, il devrait bientôt essayer à propos de l’affaire Cahuzac :« gouverner ce n’est pas voir. »

Sérillon, lui aussi déclenche l’hilarité. A peine arrivé à l’Elysée, il a invité a déjeuner Franck Louvrier, l’ancien communiquant de Nicolas Sarkozy, qu’il avait croisé lors d’un débat d’entre les deux tours de la présidentielle .Faire revenir à l’Elysée le conseiller de son ex et possible futur adversaire pour lui demander des …conseils, c’était d’un drôle. Les conseillers déjà en place ont ri jaune, oubliant que le grand Jacques Pilhan ,vieille connaissance de Sérillon, avait lui aussi l’engagement réversible, travaillant pour Mitterrand puis Chirac. Ils ont décrit leur nouveau collègue errant sans bureau. Il est aujourd’hui installé à l’entresol, ce qui ne le change pas des placards qu’il a connu à France 2.

Autre motif de rigolade, le communicant Sérillon a choisi de ne pas communiquer. Et de ne parler à aucun journaliste. Un communicant qui ne communique pas, c’est une théorie tout à fait intéressante en matière de communication. Elle convient d’ailleurs tout à fait à un président qui ne préside pas. Mais est- ce bien là l’image que Hollande veut donner ? Les spécialistes s’interrogent ‘’il est essentiel, dans ce métier, d’avoir le contact avec la presse ‘’assure Louvrier. ‘’ Il a l’air tout autant enfermé dans le château que le châtelain ‘’, ose un proche du Président.

Encore une méchanceté. Car, s’il ne se presse pas auprès de la presse, Sérillon à ses informateurs .Une fois par mois son ami Philippe Martin, député socialiste du Gers, lui organise un déjeuner avec cinq ou six parlementaires à l’hôtel Marigny ‘’il note ce qu’ils disent sur son carnet, un peu à la façon d’un interviewer. Ce qui l’en fait, je ne le sais pas ‘’ explique le député.

Sérillon à son arrivée a aussi visité quelques ministres. Et il s’entend bien avec Ayrault, nantais comme lui. Dommage qu’il n’ait pas rencontré Cahuzac pour lui régler son compte ( en banque ). Viré du 20 heures par Jospin, il tient cette fois à garder sa place. Est –ce pour ça qu’il ne l’ouvre pas ? ’’Il pourrait perdre l’écoute du Président s’il donnait l’impression que c’est lui le sujet ‘’ répond Martin. Pour se faire bien voir, l’homme de télé ne doit pas apparaître, c’est logique.

Mais un présentateur qui n’a jamais su faire remonter l’audience de ses 20 heures peut-il faire remonter celle du Président ? La dernière intervention de Hollande sur France 2 à été un bide. La sortie à Dijon, un calvaire. Et à Tulle, Valérie Trierweiler a tiré la capuche d’un cameraman. Mais que fait Sérillon ? Aux yeux de la première dame, il a l’inconvénient d’avoir bien connu Royal : il venait déjeuner à l’Elysée avec Ségolène quand elle était conseillère de Mitterrand. Un vrai handicap. L’ex –frondeur va devoir s’adapter aux usages de la cour. Martin, son ami de trente ans, s’inquiète : « ce n’est pas un mec docile, il n’est pas d’une souplesse extrême. Il a choisi la voie la plus dure. »
La voie de son maitre ?

Jean–Michel Thénard
le Canard enchaîné du 17 avril 2013