Une lutte historique en Colombie…

lundi 9 septembre 2013
par  Charles Hoareau
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…et un appel à soutien à signer et relayer

Dans le pays recordman du monde pour la répression syndicale (plus de 4000 morts depuis 1986, 30% des syndicalistes assassinés dans le monde) et où se succèdent depuis des décennies des présidents/dictateurs inféodés aux Etats-Unis, se déroule depuis le 19 mois d’août une révolte sociale sans précédent. Elle dépasse de loin la grève historique de 1928 qui avait mobilisé plus de 20 000 travailleurs et s’était achevée par le massacre des bananeraies, les grandes grèves des années 1970 ou plus près de nous la marche patriotique d’avril 2012 qui a réuni à Bogota plus de 90 000 manifestants,

Parti des paysans le mouvement frappe par sa mobilisation qui ne se dément pas et son contenu hautement politique puisque les grévistes demandent rien de moins que l’annulation de l’accord de libre-échange entre la Colombie et les États-Unis (TLC) dont ils dénoncent ses conséquences sur leur niveau de vie. Ils demandent aussi que la Résolution 970 soit reconnue non conforme. Cette résolution, approuvée en 2010 par l’Institut Colombien de l’Agriculture, limite le droit des paysans à cultiver leurs propres semences pour les réutiliser et, au contraire, les incite à utiliser les semences « légales » et génétiquement contrôlées par des multinationales comme Monsanto, Dupont ou Syngenta. Autrement dit, outre la question des OGM, il faudrait en finir avec les graines gratuites…en Colombie comme ailleurs dans le monde, chez nous compris.

Le « libre échange » la dernière trouvaille du capitalisme mondial

Le TLC est un accord qui est dans la droite ligne des accords internationaux de libre échange que pousse depuis quelques années le capitalisme mondial : TCE à l’intérieur de l’UE (le traité de mise en place du fameux concept de concurrence libre et non faussée), TTIP ou accord transatlantique (entre USA et UE),TPP ou accord transpacifique (entre USA et une partie des pays de l’Asie/Océanie).

Comme l’écrit Gaël De Santis dans l’Huma du 2 juillet 2013 « C’est le principe d’une zone de libre-échange qui devrait être mis en cause.(…) Du point de vue des droits sociaux, un accord transatlantique constituerait une véritable attaque contre les citoyens européens. Les services publics pourraient être soumis à une concurrence plus dure encore qu’elle ne l’est aujourd’hui. C’est la capacité des parlements à déterminer les politiques publiques qui se verrait rognée. Le mandat de négociation réclame la création d’un « mécanisme de règlement des différends entre État et investisseurs ». En pratique, si une firme attaque en justice un État parce qu’il a fait évoluer sa législation, rendant moins rentable un investissement, l’affaire ne se réglerait pas devant les tribunaux, mais devant une instance arbitrale privée. Plusieurs États ont déjà été condamnés sur cette base pour avoir entrepris de mener une politique de santé publique. (…) Plus généralement, toutes les productions européennes seraient ouvertes à la concurrence, par un abaissement des droits de douanes pour les firmes états-uniennes. »

Sortir de cette logique suppose comme l’écrit Bernard Cassen que la« gauche de gauche » sorte enfin du conformisme , admette que ni l’UE, ni la zone euro ne sont des horizons indépassables, bien au contraire mais des dispositifs à combattre et appelle, comme en Colombie, à l’annulation des accords existants. Mais cela est une autre histoire…

Les agriculteurs colombiens qui ne veulent pas être les dindons de cette nouvelle farce réclament l’établissement de prix planchers ainsi que la baisse des prix des intrants agricoles (machines agricoles, engrais…). Dans cette lutte qui ne cesse de s’élargir ils sont rejoints par les mineurs, les chauffeurs routiers, les employés des secteurs de la santé et de l’éducation, du pétrole, les étudiants…Souvent les manifestants, les jeunes en particulier, revêtent le poncho traditionnel des paysans et brandissent des pancartes contre l’impérialisme. Type de slogan entendu : « Ne reste pas indifférent, rejoins le défilé, ton grand-père est paysan, et tu es ouvrier », « (...) et oui nous la réclamons, et oui nous la revendiquons, une Colombie libre et souveraine »,

Face à cette révolte inédite, (la FSM - fédération syndicale mondiale - parle de plusieurs centaines de milliers de grévistes), le gouvernement a d’abord tenté tour à tour propagande mensongère et répression. Accusant les FARC d’être derrière les grévistes (la vieille rengaine tenace employée à chaque conflit d’envergure dans tous les pays du monde : « les grévistes sont manipulés ») et agitant ainsi le spectre de la guerre civile, il a déployé 50 000 soldats face aux manifestants ou pour dégager les axes routiers et carrefours occupés. Résultat ? Des centaines de blessés et deux morts.
Et dire qu’il y en a encore pour continuer à qualifier un gouvernement de ce type de « démocratie libérale ».

Cela n’a pas suffi pour arrêter le mouvement, alors tout en maniant le bâton il a fini par admettre que les grévistes posaient des questions réelles, faire une réunion interministérielle de crise et entamer de timides négociations. Le 1er septembre le président Santos a annoncé « qu’il allait lever les droits de douane pesant sur 23 produits, dont certains engrais et pesticides, afin de faire baisser les coûts de production agricole. » De plus le gouvernement a entamé des négociations secteur par secteur. Ainsi, "En promettant de leur acheter 40 000 litres de lait par jour et de veiller à leurs besoins dans les domaines de l’éducation, de la santé et des infrastructures, le gouvernement a obtenu que les Indiens du département du Nariño [sud-ouest] cessent leur blocus", [1]

Arrestation de dirigeants syndicaux

C’est dans ce contexte que le pouvoir a arrêté Huber Ballesteros, dirigeant de la Fédération Unitaire Nationale Agraire (FENSUAGRO) ce qui a évidemment provoqué l’indignation chez les syndicalistes et dans la population et les appels à soutien ci-dessous.

Celui du secrétariat de la FSM pour l’Amérique latine et les Caraïbes

(...) Nous exigeons sa libération immédiate et celle des autres leaders des protestations agraires et populaires détenus. En même temps nous exigeons du gouvernement colombien de mettre un terme à la persécution et à la répression contre le mouvement syndical et populaire et à sa place de résoudre une fois pour toutes les justes exigences présentées en faveur des Colombiens marginalisés et exclus.

(...) Nous appelons à manifester notre solidarité à travers la Coordination FSM dans la Région Andine (fsmandina@colombia.com) et de l’Equipe FSM Colombie comunicaequipofsm@gmail.com

Secrétariat Fédération Syndicale Mondiale Région Amérique latine et Caraïbes

Et celui de la FSM de Colombie

LE REACTIONNAIRE GOUVERNEMENT COLOMBIEN DETIENT LE NEGOCIATEUR DE LA GREVE PAYSANNE ET POPULAIRE

C’est avec indignation que nous recevons la nouvelle, ce dimanche 25 août de la détention arbitraire à Bogota de notre camarade Huber Ballesteros Gomez, membre de l’équipe Colombie de la Fédération Syndicale Mondiale (FSM), récemment élu membre du Comité Exécutif National de la Centrale Unitaire des Travailleurs CUT , qui fait aussi partie de la Junte Patriotique Nationale du Mouvement Social et Politique Marche Patriotique.

Le camarade Ballesteros s’est distingué dans la lutte syndicale et populaire comme un authentique représentant du secteur agraire et qui a agi dans le cadre de la table Nationale Agricole et Populaire d’Interlocution et d’Accord-MIA Nationale- et fait partie du comité négociateur du mouvement de grève, face au Gouvernement National.

La détention injuste et arbitraire de ce remarquable dirigeant agraire et populaire, fait partie des politiques réactionnaires de l’Etat et du gouvernement de Juan Manuel Santos qui obéissant aux ordres de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, se refuse de résoudre les justes réclamations paysannes des petits et moyens producteurs agricoles, des travailleurs de la santé, des camionneurs et en général du mouvement populaire.

Nous condamnons la détention arbitraire de notre camarade Huber Ballesteros et exigeons sa liberté immédiate et celle des autres leaders des protestations agraires et populaires détenus, de même que nous exigeons du gouvernement national la fin de la persécution et répression contre le mouvement populaire et la résolution une fois pour toutes des exigences présentées en faveur des Colombiens marginalisés et exclus et en général du mouvement populaire. Nous nous adressons au mouvement syndical, populaire et aux organisations politiques progressistes nationales et mondiales pour exiger du gouvernement national que soient mis en liberté tous les détenus sociaux et populaires détenus, pour avoir exigé le respect de la souveraineté nationale, la souveraineté alimentaire et une solution aux plus graves et élémentaires problèmes qui nous frappent, aiguisés par les politiques d’accumulation économique capitaliste et impérialiste, dénommé néolibéralisme.

Fraternellement,

EQUIPE COLOMBIE-FEDERATION SYNDICALE Mondiale-FSM-.


[1El Espectador



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lundi 9 septembre 2013 à 17h18

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