HISTOIRE : Quand Winston Churchill approuvait les gaz de combat

dimanche 22 septembre 2013
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Ce n’est évidemment pas d’aujourd’hui que datent les promoteurs des armes chimiques, malgré l’horreur qu’elles avaient produite en 14/18.

Winston Churchill, dont certains ne voudraient retenir que sa lutte contre Hitler, a d’abord été un fervent défenseur de l’Empire britannique et un antibolchevique convaincu. Au point de préconiser le recours aux gaz qui avaient été la terreur des tranchées.

Le secret doit être préservé à tout prix. L’état-major général de l’Empire britannique sait que le monde serait outré si l’on apprenait que Londres a l’intention d’utiliser son arsenal d’armes chimiques. Mais Winston Churchill, alors secrétaire d’Etat à la Guerre, balaie leurs scrupules d’un revers de main. Depuis longtemps partisan de la guerre chimique, il est décidé à s’en servir contre les bolcheviques en Russie. Durant l’été 1919, quatre-vingt-quatorze ans avant l’attaque dévastatrice en Syrie, Churchill prépare et fait lancer une attaque chimique d’envergure.

Ce n’est pas la première fois que les Britanniques ont recours aux gaz de combat. Au cours de la troisième bataille de Gaza [contre les Ottomans] en 1917, le général Edmund Allenby a fait tirer 10 000 obus à gaz asphyxiants sur les positions ennemies, avec des effets limités. Mais dans les derniers mois de la Première Guerre mondiale, les scientifiques des laboratoires gouvernementaux de Porton, dans le Wiltshire, ont développé une arme beaucoup plus meurtrière : l’« engin M », un projectile ultrasecret contenant un gaz extrêmement toxique, le diphénylaminechloroarsine. Le général Charles Foulkes, responsable de son développement, le décrit comme « l’arme chimique la plus efficace jamais conçue ».

A en juger par des tests effectués à Porton, c’est en effet une nouvelle arme terrifiante. Les victimes, brutalement saisies d’une sensation insurmontable d’épuisement, se mettent le plus souvent à vomir sans pouvoir se contrôler et à cracher du sang. Sir Keith Price, chargé de l’ensemble de la guerre chimique, est convaincu que son déploiement va entraîner un effondrement rapide du régime bolchevique. « Avec ce gaz, il suffirait de mettre dans le mille une fois pour qu’il n’y ait plus aucun bolcho de ce côté-ci de Vologda. »

Mais le recours à de telles armes suscite l’hostilité du gouvernement, au grand dam de Churchill, qui comptait également employer des engins M contre les tribus rebelles du nord de l’Inde. « Je suis fermement en faveur de l’utilisation de gaz toxiques contre les tribus non civilisées », déclare-t-il dans un mémorandum secret. Reprochant à ses collègues leur « sensiblerie », il ajoute que « les objections du ministère de l’Inde face à l’emploi des gaz contre les indigènes sont déraisonnables. Le gaz est une arme plus miséricordieuse que les explosifs de forte puissance, et contraint l’ennemi à accepter une décision en causant moins de pertes que tout autre agent de la guerre. » Il conclut son mémorandum par un trait d’humour noir particulièrement malséant : « En quoi serait-il injuste qu’un artilleur britannique tire un obus qui fera éternuer ledit indigène ? Vraiment, c’est trop bête. »

Quelque 50 000 engins M, une quantité astronomique, sont expédiés en Russie. Des avions britanniques en sont équipés et passent à l’attaque le 27 août 1919, prenant pour cible le village d’Emtsa, à environ 200 kilomètres au sud d’Arkhangelsk [ville portuaire de la mer Blanche]. Des soldats bolcheviques auraient été pris de panique et se seraient enfuis alors que le gaz verdâtre s’approchait d’eux. Ceux qui se retrouvent pris dans le nuage se mettent à vomir du sang avant de s’écrouler, inconscients.

Les attaques se poursuivent tout au long du mois de septembre contre plusieurs villages tenus par les bolcheviques : Tchounova, Vikhtova, Potcha, Tchorga, Tavoygor et Zapolki. Mais ces armes s’avèrent moins efficaces que ne l’espérait Churchill, entre autres à cause de l’humidité automnale. A la fin du mois, les attaques cessent. Deux semaines plus tard, les engins M restants sont jetés dans la mer Blanche. Ils y gisent encore, par près de 80 mètres de fond.

Source Editorial The Guardian le 13/09/2013

Une brève histoire de la guerre chimique

Les gaz, le poison, les microbes : depuis toujours, l’homme s’efforce de les utiliser pour éliminer ses adversaires. On empoisonne les puits et les cours d’eau avec des charognes depuis la plus haute antiquité. Il semblerait même que les Hittites, du début du XVIe à la fin du XIIIe siècle avant notre ère, aient eu l’idée d’abandonner des moutons atteints de tularémie, une maladie infectieuse, sur le passage d’envahisseurs, qui furent alors contaminés.

En 429 av. J.-C., pendant le siège de Platées, les Spartiates auraient eu recours à des fumées de soufre contre leurs ennemis. Comme le rapporte le National Geographic, la plus ancienne preuve archéologique de l’utilisation d’armes chimiques ou bactériologiques a été retrouvée en Syrie, justement. Elle remonte au IIIe siècle de notre ère. A l’époque, un feu de goudron et de soufre aurait émis des fumées toxiques qui auraient tué une vingtaine de soldats romains, dont les corps ont été retrouvés, toujours agrippés à leurs armes, entassés dans un tunnel dans les ruines de la ville de Dara-Europos [dans l’extrême sud-est de la Syrie].

Au Moyen-Age, il est courant de bombarder les cités assiégées à coups de cadavres de pestiférés, voire de fumier ou d’animaux en décomposition. C’est le cas à Caffa, en Crimée, en 1346, mais aussi en France pendant la guerre de Cent Ans. Au XVIIIe siècle, les Britanniques, assiégés par les Indiens en 1763, ont l’idée d’offrir à leurs adversaires des couvertures porteuses de la variole, dans le but avoué de « communiquer la maladie aux Indiens ». Au siècle suivant, pendant la guerre de Sécession (1861-1865), il semble que les Nordistes aient eu l’intention de bombarder les positions sudistes à coups d’acide sulfurique, sans jamais passer à l’acte.

C’est évidemment pendant la Première Guerre mondiale que les gaz de combat sont utilisés à grande échelle. Après des essais à l’aide de gaz lacrymogènes en 1914, les Allemands en tirent contre les troupes russes déployées le long de la Ravka en janvier 1915. Puis, le 22 avril de la même année, à Ypres (d’où le nom d’ypérite donné au gaz moutarde), ils utilisent plusieurs tonnes de chlore contre des troupes coloniales françaises. A partir de cette date, tous les belligérants auront régulièrement recours aux gaz de combat, qui feront en tout plus de 90 000 morts et un million de blessés. Mais jamais ils ne permettront à leurs utilisateurs d’emporter la décision.

On retrouve ces armes terribles durant les diverses « opérations de police » menées par la Grande-Bretagne, la France ou encore l’Espagne dans leurs colonies. Les Italiens s’en servent contre les Ethiopiens en 1936, et les Japonais contre les Chinois, mais à une échelle plus modeste au cours de la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 1960, les Américains emploient l’agent orange au Vietnam, un puissant défoliant qui aura des conséquences désastreuses sur la population. Et en mars 1988, Saddam Hussein fait tirer des gaz innervants sur la ville kurde d’Halabja, causant la mort de 5 000 personnes.

Les gaz et autres agents bactériologiques ont un impact médiatique souvent hors de proportion par rapport à leur efficacité réelle. Ils suscitent en effet toujours une peur psychologique nettement supérieure aux résultats plutôt douteux qu’ils permettent en réalité d’obtenir sur le plan tactique et stratégique

Transmis par Linsay




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