Des centaines d’hommes et de femmes dispersés par la police devant le Congrès de Brasilia ; plusieurs dizaines d’axes routiers bloqués et édifices occupés par différentes tribus sur tout le territoire. La semaine de mobilisation des Indiens du Brésil pour la préservation de leurs droits s’est soldée par des échauffourées et quelques blessés avant même le point d’orgue de la manifestation du samedi 5 octobre où, pour la première fois réunis dans un mouvement unitaire, des défilés devaient avoir lieu dans la capitale fédérale, à São Paulo, Belém ou encore Rio Branco.

La date a été choisie pour la célébration symbolique du 25^e anniversaire de la Constitution. Un texte considéré comme l’un des plus généreux en termes d’allocations de terres aux populations indigènes, mis à mal, selon les organisateurs, par les offensives du secteur agroalimentaire et des industries minières, soutenues par la classe politique.

« Nous sommes ici pour dialoguer avec le gouvernement. Au sein du Congrès, nous souffrons des menaces qui pèsent sur nos terres », a affirmé, devant le siège du Parlement, le cacique Kayapo Raoni, connu pour son combat contre la construction du barrage de Belo Monte, en Amazonie. « Nous avons perdu beaucoup de terres et ils veulent nous enlever celles qui nous restent », a renchéri Mayalu Txucarramae, un jeune chef de la réserve de Xingu, dans l’Etat du Mato Grosso.

PRÈS DE 70 PROJETS DE LOI CIBLANT LE DROIT À LA TERRE

Les Indiens du Brésil sont confrontés à une intensification des procédures visant à réduire ou à affaiblir leurs droits constitutionnels. Sur le terrain, les conflits fonciers et les expulsions de terres « réoccupées » par les Indiens, comme dans le Mato Grosso do Sul, s’enveniment.

Des centaines de procès sur la délimitation des territoires sont en cours et paralysent le processus de démarcation de 90 % des terres indigènes. Près de 70 projets de loi ciblant le droit à la terre et l’utilisation exclusive des ressources naturelles par les populations autochtones sont en discussion à Brasilia. Parmi les plus décriés, les propositions d’amendement constitutionnel (PEC 215 et 38) qui retirent au pouvoir exécutif la responsabilité de démarquer et définir les territoires indigènes pour la transférer au Congrès. Ce changement soumettrait les processus de démarcation aux intérêts politiques les plus présents dans les deux Chambres.

« CROISSANCE ÉCONOMIQUE À TOUT PRIX »

D’autres textes restreignent les droits des autochtones sur leurs terres et ouvrent la possibilité d’introduire des entreprises en territoires indigènes – proposition soutenue en juin par le ministre de la justice, Gilberto Carvalho, et Gleisi Hoffman, le chef du cabinet présidentiel, deux proches de Dilma Rousseff. La présidente affiche le plus faible taux de démarcation de terres indigènes depuis la présidence de José Sarney (1985-1990).

« Le gouvernement est devenu l’otage d’une croissance économique à tout prix, avec une base parlementaire corrompue et conservatrice, estime Marcio Santilli, porte-parole de l’ONG Instituto Socioambiental (ISA). Tous les gouvernements ont des difficultés avec les Indiens, mais celui-ci est le premier avec un ordre du jour à ce point négatif. Après l’affaiblissement du Code forestier en 2012, on voit bien comment les représentants politiques des propriétaires fonciers s’attaquent aux terres indigènes. »

La mobilisation est-elle en train de payer ? Vendredi, le ministère de la justice a fait parvenir à la Chambre des députés une note juridique déclarant « inconstitutionnel » l’amendement PEC 215. Quatre jours plus tôt, la présidente avait annoncé sur Twitter qu’elle s’opposait au projet et qu’elle allait « orienter la base gouvernementale » afin de voter contre.

En cas de revers, les responsables des mouvements indigènes ont prévenu qu’il y aurait des répercussions dès la Coupe du monde de football en juin 2014, avant même l’élection présidentielle d’octobre.

Trouvé sur Yanass.org du 5 octobre par Michel Peyret