« Les guerres sont des phénomènes barbares » (Rosa Luxemburg)

lundi 4 novembre 2013
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« Nous ne devons compter que sur nous, affirme Rosa Luxemburg. Qui « nous » ? « Nous », ce sont les millions de prolétaires de Prusse et d’Allemagne. Oui, nous sommes plus qu’un simple chiffre, nous sommes les millions de ceux grâce au travail desquels vit la société. Et il suffit que ce simple fait s’enracine dans la conscience des larges masses du prolétariat allemand pour que le moment vienne où on montrera en Prusse à la réaction dominante que le monde peut vivre sans junkers poméraniens et sans comtes catholiques, sans conseillers secrets et même sans procureurs, mais qu’il ne pourrait pas vivre vingt-quatre heures si les ouvriers se croisaient les bras. »
Rosa Luxemburg s’adresse ainsi au procureur qui la juge !
Espère-t-elle sa clémence ? Ou, par-dessus lui, vise-t-elle, un autre auditoire ?
Ecoutons-la !

En février 1914, Rosa Luxemburg fut traduite devant le tribunal de Francfort sous l’inculpation « d’excitation de militaires à la désobéissance » [1]. Elle y prononça le discours que l’on va lire. Le tribunal la condamna à un an de prison [2].

« Dans le réquisitoire prononcé aujourd’hui par M. le procureur comme dans l’acte d’accusation, ce qui joue le rôle principal, ce n’est pas tant les déclarations qui me sont reprochées que la façon dont on les interprète et le sens qu’on leur attribue. A plusieurs reprises et avec la plus grande insistance, M. le procureur a souligné quelles étaient selon lui mes intentions véritables au moment où je faisais les déclarations en question. Eh bien, pour ce qui est de ce côté psychologique de mon discours, pour ce qui est de ma conscience même, personne n’est mieux à même que moi d’apporter tous les renseignements utiles.

Et je veux vous le dire tout de suite : je suis tout à fait disposée à donner à M. le procureur tous les renseignements qu’il désire, ainsi qu’à vous, Messieurs les jurés. Pour en venir tout de suite à la chose principale, je tiens à déclarer que ce que M. le procureur, s’appuyant sur les dépositions de ses témoins à charge, a présenté comme étant mes idées, mes intentions et mes sentiments, n’est qu’une caricature tout à fait plate, tant de mes discours que des idées de la social-démocratie [3]. En écoutant tout à l’heure le procureur, je ne pouvais m’empêcher de rire intérieurement et de penser : voici de nouveau un exemple classique qui montre à quel point la culture purement formelle est insuffisante pour comprendre les idées social-démocrates dans toute leur complexité, leur finesse scientifique et leur profondeur historique, lorsque les intérêts de la classe à laquelle on appartient s’y opposent. Si vous aviez interrogé, Messieurs les juges, l’ouvrier le plus simple, le plus inculte, parmi les milliers de ceux qui ont assisté à mes réunions, il vous aurait donné une tout autre idée de mes déclarations. Oui, les hommes et les femmes les plus simples du peuple travailleur sont capables de s’assimiler nos idées, lesquelles, dans le cerveau d’un procureur prussien, prennent un aspect tout à fait caricatural, comme reflétées par un miroir déformateur. C’est ce que je vais prouver maintenant à l’aide de quelques exemples.

M. le procureur a répété à différentes reprises qu’avant de faire la déclaration incriminée, qui constituait, paraît-il, le point culminant de mon discours, je me suis livrée à des « excitations inouïes ». A cela, je réponds : M. le procureur, nous, social-démocrates, nous ne nous livrons à aucune espèce d’excitation ! Que signifie, en effet, se livrer à des excitations ? Ai-je dis à ceux qui m’écoutaient : si vous allez faire la guerre à l’étranger, en Chine par exemple, frappez de telle sorte qu’aucun Chinois n’osera plus, un siècle après, regarder un Allemand de travers [4] ? Si j’avais dit cela, alors certainement c’eût été une excitation de ma part. Où me suis-je efforcée d’inculquer aux masses les préjugés nationaux, de leur insuffler le chauvinisme, le mépris et la haine des autres races et des autres peuples ? Cela, assurément, c’eût été une excitation de ma part.

Mais ce n’est pas ainsi que j’ai parlé et que parle un social-démocrate conscient. Ce que j’ai fait dans ces réunions à Francfort, et que nous autres social-démocrates faisons toujours par la parole et par l’écrit, ç’a été uniquement de développer l’éducation des masses, de leur faire comprendre leurs intérêts de classe et leurs tâches historiques, de leur montrer les grandes lignes du développement, les tendances des transformations économiques, politiques et sociales, qui se poursuivent au sein de la société actuelle, et qui mènent avec une nécessité de fer à ce résultat qu’à un certain niveau du développement l’ordre social existant doit être renversé et remplacé par une société socialiste supérieure. C’est ainsi que nous menons notre agitation, que, grâce à l’effet anoblissant des perspectives historiques sur le terrain desquelles nous nous plaçons, nous élevons peu à peu le niveau moral des masses. C’est de ces mêmes grands points de vue – parce que chez nous, social-démocrates, tout se subordonne à une conception du monde harmonique, systématique, appuyée sur une base scientifique solide – nous menons également notre agitation contre la guerre et le militarisme. Et si M. le procureur, avec ses malheureux témoins à charge, considère tout cela comme un simple travail d’excitation, le caractère simpliste de cette conception est dû uniquement à son incapacité totale de s’assimiler les idées social-démocrates.

Ensuite, M. le procureur a fait allusion, à différentes reprises, à mes soi-disant excitations au « meurtre des supérieurs ». Les allusions masquées, mais compréhensibles pour chacun, à mes appels au meurtre des officiers doivent révéler tout particulièrement la noirceur de mon âme et le caractère extrêmement dangereux de mes intentions. Eh bien, je vous demande de croire, pour un instant à l’exactitude des propos qui me sont attribués. A la réflexion cependant, vous serez obligés de vous dire qu’ici – dans l’effort louable de me peindre sous les couleurs les plus noires – le procureur a fait complètement fausse route, car quand et contre quels « supérieurs » ai-je appelé au meurtre ? L’acte d’accusation même prétend que j’ai préconisé l’introduction du système des milices en Allemagne, que j’ai déclaré que la chose essentielle dans ce système était l’obligation de laisser aux hommes – comme cela se fait en Suisse – leur fusil à la maison.

Et c’est à cela – remarquez-le bien : à cela – que j’aurai lié l’indication que le fusil pourrait très bien partir dans une direction tout autre que ne le souhaitent les dirigeants. C’est donc clair : M. le procureur m’accuse d’avoir excité au meurtre, non contre les supérieurs du système militaire allemand actuel, mais… contre ceux des futures armées de milices allemandes ! On nous reproche violemment notre propagande en faveur du système des milices et l’acte d’accusation me l’impute même à crime.

Et en même temps le procureur se sent tenu de protéger la vie, menacée par moi, des officiers de ce système de milices qu’il combat. Un pas de plus, et M. le procureur, dans l’ardeur de la lutte, m’accusera d’avoir excité à des attentats contre le président de la future république allemande.

Mais qu’ai-je dit en réalité à propos du « meurtre des supérieurs » ? Quelque chose de tout à fait autre ! J’avais montré dans mon discours que les protagonistes officiels défendent le militarisme actuel en s’appuyant sur la soi-disant nécessité de la défense nationale. Si ce souci de la défense nationale, disais-je, était vraiment sincère, les classes dirigeantes ne devraient rien avoir de plus pressé que de réaliser la vieille revendication du programme social-démocrate, concernant l’introduction du système des milices. Car, seul ce système permet d’assurer vraiment la défense du pays, étant donné que seul le peuple libre, qui marche, de sa propre initiative, à la bataille contre l’ennemi, constitue un rempart sûr et suffisant pour la liberté et l’indépendance de la patrie. Ce n’est qu’alors qu’on pourrait dire : Chère patrie, tu peux être tranquille ! Pourquoi donc, demandais-je, nos patriotes officiels ne veulent-ils pas entendre parler de ce seul système vraiment efficace ? Pour cette raison bien simple qu’en réalité, il ne s’agit pas pour eux de défendre la patrie, mais de faire des guerres de conquêtes impérialistes, pour lesquelles, en effet, les armées de milice ne valent rien. Et ensuite, si les classes dirigeantes ont peur de laisser les armes entre les mains des travailleurs, c’est qu’elles craignent qu’elles ne partent dans une direction tout autre qu’elles ne le désirent.

Ainsi, ce que j’avais déclaré comme étant l’effet de la peur qu’éprouvent les classes dominantes, est interprété par le procureur, se basant sur les dépositions de ses témoins, comme un appel au meurtre auquel je me serai livré. Vous avez de nouveau ici une preuve qui montre quelle confusion crée dans son cerveau son incapacité absolue de suivre les idées de la social-démocratie.

Tout aussi fausse est l’affirmation, selon laquelle j’aurais recommandé l’exemple de l’armée coloniale hollandaise, où chaque soldat a le droit d’abattre le supérieur qui le maltraite. En réalité, j’ai parlé, à propos du militarisme et des mauvais traitements qu’on fait subir aux soldats, de notre chef inoubliable, Bebel [5], et montré que l’un des principaux chapitres de son activité a été sa lutte au Reichstag contre les brimades infligées aux soldats, à propos de quoi je citais comme exemple, d’après le compte-rendu sténographique des séances du Reichstag – et ce dernier n’est pas, que je sache, interdit par la loi – plusieurs discours de Bebel, entre autres, ses déclarations de 1893 au sujet de l’usage en question dans l’armée coloniale hollandaise. Vous voyez, Messieurs, qu’ici aussi M. le procureur s’est trompé, dans son zèle. Ce n’est pas contre moi, mais contre un autre, qu’il aurait dû dresser son accusation.

Mais j’en arrive au point principal de l’accusation. M. le procureur tire son affirmation selon laquelle j’aurais dans la déclaration incriminée, conseillé aux soldats, en cas de guerre, contrairement aux ordres, de ne pas tirer sur l’ennemi, d’une déduction qui lui paraît d’une force démonstrative absolument convaincante et d’une logique irréfutable. Il raisonne de la manière suivante : étant donné que j’ai fait de l’agitation contre le militarisme, étant donné que je voulais empêcher la guerre, je ne pouvais manifestement avoir en vue d’autre moyen plus efficace que de dire aux soldats : si l’on vous ordonne de tirer, ne tirez pas ! N’est-ce pas, Messieurs les juges, quelle conclusion convaincante, quelle logique irréfutable ! Et pourtant je me permets de vous dire : cette logique et cette conclusion découlent de la conception de M. le procureur, non pas de la mienne, non pas de celle de la social-démocratie. Ici, je vous demande de bien vouloir me prêter une attention particulière. La conclusion selon laquelle le seul moyen efficace d’empêcher la guerre est de s’adresser directement aux soldats et de leur demander de ne pas tirer, cette conclusion n’est que l’autre aspect de cette conception d’après laquelle, aussi longtemps que le soldat obéit aux ordres de ses supérieurs, tout ira à merveille dans l’Etat, d’après laquelle, pour m’exprimer brièvement, la base du pouvoir d’Etat et du militarisme est l’obéissance passive du soldat. Cette conception de M. le procureur trouve également son complément harmonique, notamment, dans cette déclaration officielle du chef suprême des armées, à l’occasion de la réception du roi de Grèce, à Potsdam, le 6 novembre de l’année dernière, selon laquelle le succès des armées grecques prouve « que les principes défendus par notre état-major et nos troupes, appliqués d’une façon juste, garantissent toujours la victoire« . L’état-major, avec ses « principes », et le soldat, avec son obéissance passive, telles sont les bases de la conduite de la guerre et la garantie de la victoire. Eh bien, nous, social-démocrates, nous pensons autrement. Nous pensons que ce n’est pas l’armée, les « ordres » d’en haut et « l’obéissance » aveugle d’en bas qui décident de l’issue heureuse des guerres, mais bien la grande masse du peuple travailleur. Nous pensons que les guerres ne peuvent être menées qu’autant que la masse des travailleurs, ou bien y participe avec enthousiasme, parce qu’elle la considère comme juste et nécessaire, ou tout au moins la supporte avec patience. Si par contre la grande majorité du peuple travailleur arrive à la conviction – et éveiller cette conviction, cette conscience, est précisément la tâche que nous autres social-démocrates nous nous posons – si, dis-je, la majorité du peuple arrive à la conviction que les guerres sont des phénomènes barbares, d’une immoralité profonde, réactionnaires et contraires aux intérêts du peuple, alors elles deviendront impossibles, même si le soldat obéit encore aux ordres de ses supérieurs. D’après la conception du procureur, c’est l’armée qui fait la guerre, d’après la nôtre, c’est le peuple tout entier. C’est lui qui décide si les guerres ont lieu ou non. C’est la masse des travailleurs, hommes et femmes, vieux et jeunes, qui décide de l’existence du militarisme actuel, et non pas la petite partie de ce peuple, qui porte l’uniforme du roi.
Et j’ai, en même temps, en disant cela, une preuve classique que c’est en effet ma conception, la conception de mon parti.

Je suis par hasard en mesure de répondre à la question posée par le procureur de Francfort, à savoir à qui j’ai fait allusion lorsque j’ai déclaré : « nous ne ferons pas cela », par un discours prononcé par moi à Francfort. Le 17 avril 1910, j’ai parlé ici, au cirque Schumann, devant environ 6.000 personnes, sur la lutte électorale en Prusse – à cette époque, comme vous le savez, notre lutte avait atteint son point culminant – et je trouve dans le rapport sténographique de ce discours, page 10, le passage suivant :
« Chers auditeurs. Dans la lutte électorale actuelle, comme dans toutes les questions politiques importantes du progrès en Allemagne, nous ne devons compter que sur nous. Qui « nous » ? « Nous », ce sont les millions de prolétaires de Prusse et d’Allemagne. Oui, nous sommes plus qu’un simple chiffre, nous sommes les millions de ceux grâce au travail desquels vit la société. Et il suffit que ce simple fait s’enracine dans la conscience des larges masses du prolétariat allemand pour que le moment vienne où on montrera en Prusse à la réaction dominante que le monde peut vivre sans junkers poméraniens et sans comtes catholiques, sans conseillers secrets et même sans procureurs, mais qu’il ne pourrait pas vivre vingt-quatre heures si les ouvriers se croisaient les bras. »

Vous voyez, j’explique ici nettement où nous voyons le pivot de la vie politique et du sort de la nation : dans la conscience, la volonté clairement formulée, dans la résolution de la grande masse travailleuse. Et c’est exactement de la même façon que nous considérons la question du militarisme. Si la classe ouvrière en arrive à cette décision de ne pas tolérer des guerres, alors les guerres deviendront impossibles.

Dans aucune décision de nos congrès, vous ne trouverez aucun appel aux soldats leur demandant de ne pas tirer. Et pourquoi ? Parce que nous avons peur des conséquences d’une telle agitation, des paragraphes du code pénal ? Nous serions en vérité de bien tristes figures si nous négligions, par peur des conséquences, quoi que ce soit de ce que nous considérons comme utile et nécessaire. Non ! Si nous ne le faisons pas, c’est parce que nous nous disons : ceux qui portent « l’uniforme du roi » ne sont qu’une partie du peuple travailleur, et si dernier arrive à la compréhension nécessaire concernant le caractère néfaste et criminel des guerres, alors les soldats aussi comprendront d’eux-mêmes, sans aucun appel spécial de notre part, ce qu’ils auront à faire dans le cas donné.

Vous voyez, Messieurs, que notre agitation contre le militarisme n’est pas si pauvre et si simpliste que se l’imagine M. le procureur. Nous avons tant de moyens d’action et si variés : éducation de la jeunesse – et nous la poursuivons avec zèle et un succès constant, malgré toutes les difficultés qu’on nous oppose – propagande en faveur du système des milices, meetings de masse, démonstrations de rues… Regardez du côté de l’Italie. Comment les ouvriers conscients y ont-ils répondu à l’aventure guerrière en Tripolitaine [6] ? Au moyen d’une grève en masse de démonstration qui a été réalisée d’une façon remarquable. Et comment a réagi la social-démocratie allemande ? Le 12 novembre, la classe ouvrière de Berlin a adopté dans 12 réunions une résolution félicitant les camarades italiens pour leur grève de masse.

Oui, la grève de masse ! dit le procureur. C’est précisément ici qu’il croit m’avoir attrapée de nouveau à mon idée la plus dangereuse, la plus subversive. Le procureur a appuyé aujourd’hui tout particulièrement son accusation sur le fait de mon agitation en faveur de la grève de masse, à laquelle il liait les perspectives les plus effroyables d’une révolution violente, telles qu’elles ne peuvent exister que dans l’imagination d’un procureur prussien. M. le procureur, si je pouvais supposer chez vous la moindre capacité de comprendre les idées de la social-démocratie, une noble conception historique, je vous expliquerai ce que j’explique à mes auditeurs dans chaque meeting populaire, à savoir que les grèves de masse, en tant que représentant une certaine période du développement des conditions actuelles, ne sont pas plus « faites » qu’on ne « fait » les révolutions. Les grèves de masse sont une étape de la lutte de classes, à laquelle mène, avec la force d’une nécessité naturelle, notre développement actuel. Tout notre rôle, celui de la social-démocratie, en face d’elles, consiste à faire entrer dans la conscience de la classe ouvrière, la compréhension de cette tendance du développement, afin que les ouvriers soient à la hauteur de leurs tâches, en tant que masse populaire éduquée, disciplinée, mûre, résolue et vigoureuse.

Ici aussi, vous voyez, lorsque le procureur introduit dans l’accusation le spectre de la grève de masse, telle qu’il la comprend, c’est pour ses idées, et non pas pour les miennes, qu’il veut me frapper.

J’en terminerai ici. Je voudrais encore faire une remarque. M. le procureur a, dans son réquisitoire, accordé une grande attention à ma modeste personne. Il m’a présentée comme un grand danger pour la sécurité de l’ordre public, il n’a pas même craint de s’abaisser au niveau des feuilles boulevardières en m’appelant la « Rosa rouge ». Il a même été jusqu’à attaquer mon honneur personnel en exprimant le soupçon que je prendrai la fuite au cas où la peine proposée par lui serait acceptée par le tribunal. M. le procureur, je dédaigne pour ma part de répondre à vos attaques. Mais je veux vous dire une seule chose : vous ne connaissez pas la social-démocratie.

(Le Président, interrompant : « Nous ne pouvons pas écouter ici de discours politiques ! »)

Rien que pendant l’année 1913, un grand nombre de vos collègues ont travaillé à la sueur de leur front à faire prononcer contre les rédacteurs de notre presse 60 mois de prison en tout. Avez-vous entendu dire qu’aucun des coupables ait pris la fuite par peur de la punition ? Croyez-vous que ces condamnations aient amené un seul social-démocrate à osciller ou l’ont ébranlé dans l’accomplissement de son devoir ? Non, notre œuvre se moque de toutes les subtilités de vos paragraphes, elle croît et prospère en dépit de tous les procureurs !

Encore un mot pour terminer au sujet de cette attaque inqualifiable, qui retombe tout entière sur son auteur. Le procureur a dit textuellement – je l’ai noté – qu’il demandait mon arrestation immédiate, car « il serait incompréhensible que l’accusée ne prenne pas la fuite ». Cela signifie, en d’autres termes : si moi, procureur, j’avais à faire un an de prison, je prendrais la fuite. M. le procureur, je vous crois, vous prendriez la fuite. Mais un social-démocrate ne prend pas la fuite. Il accepte la responsabilité de ses actes et se rit de vos punitions.

Et maintenant, condamnez-moi ! »



[1Le 26 septembre 1913, lors d’un meeting socialiste près de Francfort, Rosa Luxemburg s’était exclamée : « Si on attend de nous que nous brandissions les armes contre nos frères de France et d’ailleurs, alors nous nous écrions : « Nous ne le ferons pas  ».

[2Première publication par la revue Spartacus (« pour la culture révolutionnaire et l’action de masse »), n° 5-6, 18 janvier 1935, p. 4-5. Traduit de l’allemand par Marcel Ollivier. Critique sociale a également republié ce texte en brochure.

[3Le mot désignait à l’époque le mouvement socialiste qui disait baser son action sur la lutte de classe, pour abolir le mode de production capitaliste.

[4Rosa Luxemburg cite ici des propos tenus en juillet 1900 par le Kaiser Guillaume II à des troupes allemandes qui partaient combattre en Chine.

[5August Bebel (1840-1913) avait été militant de l’Association Internationale des Travailleurs, puis fut pendant de nombreuses années le principal leader socialiste en Allemagne. Il était mort quelques mois avant ce discours.

[6Région constituant le nord de la Libye.



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mardi 5 novembre 2013 à 11h02 - par  Marie
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