La nouvelle situation libanaise : ou comment faire face aux difficultés futures

mardi 18 février 2014
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Au lendemain de l’échec des négociations de Genève sur la situation en Syrie, il est opportun de lire ce texte de Marie Nassif Debs sur les conséquences au Liban et dans la région de la politique impérialiste dont le Qatar et l’Arabie Saoudite se font les vecteurs...

Le Liban traverse une période qui, sans exagération, peut être considérée comme la période la plus dangereuse des dernières années.
Et, si nous essayons de préciser cette dangerosité, nous devrons dire ce qui suit : un chaos politique retransmis par les médias locaux et dont les échos se font entendre partout dans le pays et qui se résume dans une démission totale des institutions de l’État concernant ce qui se passe à l’intérieur du territoire libanais, sur les frontières en particulier.

A ce chaos meurtrier, qui a engendré une insécurité totale fauchant tout sur son passage, nous ne pouvons qu’ajouter une situation économique précaire qui envenime la vie des citoyens et dont les effets remontent aux années quatre-vingt-dix du siècle précédent.

Cependant, les failles ne s’arrêtent pas là, parce que si nous regardons la situation d’un peu plus près, nous serons obligés de dire que la période de turbulences que nous traversons ne manquera pas de nous mener, une nouvelle fois, vers le précipice, en attendant la deuxième Conférence de Genève sur la Syrie, si conférence il y a. C’est que les combats ne sont pas restés sur le seul sol syrien ; et leur virulence ne manquera pas de nous atteindre, vu l’immixtion de certaines forces politiques libanaises dans les affaires intérieures syriennes. Surtout que les deux parties syriennes en présence (en particulier ce qu’on appelle « l’opposition salafiste ») tentent, depuis un certain temps, de mettre la main sur les régions frontalières libanaise, profitant pour ce faire de l’absence du gouvernement libanais et, par suite, d’une décision sérieuse de protéger le pays des milices armées syriennes, arabes ou internationales, qui déferlent en permanence sur notre terre.

A travers cet angle de vision, nous regardons ce qui se passe dans la ville de Tripoli, au nord du pays, nous arrêtant sur les nouvelles données, telles : le retour des encagoulés dans les rues, mais aussi le bombardement des écoles, les tirs sur les voitures civiles, les conférences de presse tenues par des chefs de guerre non libanais. Et, tandis que des responsables politiques de certains pays arabes et moyen orientaux lancent des menaces contre le Liban et son peuple, mettant des conditions draconiennes afin de mettre fin au bain de sang qu’ils ont commandité, les responsables libanais, ne savent pas où donner de la tête, à commencer par le chef du gouvernement démissionnaire, Najib Mikati, qui ne cesse de prendre des positions contradictoires dans sa recherche de "ménager la chèvre et le chou".

Entretemps, la mobilisation confessionnelle bat son plein et beaucoup de tripolitains (et de libanais, en général) craignent que l’armée libanaise ne puisse pas accomplir la mission qui lui est échue de préserver la sécurité dans la deuxième ville du pays, à cause de l’équilibre des forces, tant sur le plan intérieur que régional et ses répercussion sur une situation déjà en crise.

Voilà pourquoi, on craint que l’insécurité, vécue par Tripoli, ne se transforme en contagion, vu les développements futurs sur les fronts militaires en Syrie. D’aucuns vont même jusqu’à parler de la présence « d’un nouveau plan pour la réorganisation de la région, à la lumière de l’accord USA-Russie et tout ce qui s’en est suivi, tant sur le plan du nucléaire iranien que sur les changements intervenus dans les alliances politiques ».

Les questions qui définissent les développements futurs

L’analyse, rapide il est vrai, de la situation actuelle et du futur proche au Liban nous incite à répondre à certaines questions qui détermineront les développements ultérieurs dans notre pays.
La première de ces questions concerne ce qui se passe en Palestine, vu que l’évolution de la situation dans les territoires occupés et dans les camps de réfugiés occupe une place particulière dans le conflit régional sur le Liban et a son impact sur le rôle qui doit échoir au peuple de la gauche palestinienne (mais aussi libanaise) afin d’imposer les justes solutions à ce problème crucial. En effet, la situation en Palestine occupée peut éclater, au moins pour deux raisons : d’abord, les répercussions de la poursuite des négociations directes avec Israël qui refuse de mettre fin à sa politique colonialiste en Cisjordanie, dans la région d’Al Khalil notamment, et qui prévoit le transfert de 40.000 Palestiniens du Naqab (dans les territoires occupés en 1948) ; ce qui ne manquera pas de faire revenir sur le terrain la question du "droit au retour" que certains dirigeants palestiniens continuent à éluder.

Ensuite, la poursuite du bras de fer inter-palestinien entre ceux qui gouvernent la Cisjordanie et ceux qui contrôlent Gaza, tous deux présents en force dans les camps libanais qui subissent, actuellement, des changements dangereux de par le fait de la présence des groupes salafistes et autres terroristes, mais aussi à cause des cellules d’espions implantés par Israël et certains pays arabes dans le but de contrôler les réfugiés.

La seconde question est liée à la situation qui pourrait prévaloir sur les frontières entre le Liban et la Syrie, frontières qui vont de la Méditerranée, au nord, jusqu’aux fermes de Chebaa toujours occupées par Israël, au sud. Il faut dire que ces frontières connaissent déjà des aléas à cause des combats en Syrie et des milliers de civils syriens qui les traversent vers le Liban. Parmi ces civils, des centaines de terroristes syriens et autres dont le rôle futur est de s’implanter dans notre pays. Voilà pourquoi on parle aujourd’hui d’un possible retour à l’arme confessionnelle, à partir d’assassinats ciblés, de voitures piégées et de nouveaux combats armés dans le centre de la Békaa, région convoitée par des groupes de l’opposition syrienne. A cela s’ajoutent les visées israéliennes qu’une étude, publiée le 19 novembre dernier par "Le Centre d’études stratégiques Begin-Sadate", vient de dévoiler en présentant le « nouveau plan préparé par l’armée israélienne pour investir le Sud Liban » ; étude corroborée par les manœuvres fréquentes, exécutées depuis le mois d’avril, le long de nos frontières, quelquefois avec la participation de troupes étasuniennes et d’autres pays de l’OTAN et souvent en utilisant les bases militaires impérialistes de la Méditerranée.

Il faut dire que cette seconde question nous impose de réfléchir à une autre. Comment faire face à ces dangers et quel plan d’action adopter afin de s’opposer aux problèmes du terrorisme tout en reconstituant la résistance patriotique, compte tenu des divisions confessionnelles (entre sunnites et chiites) qui rendent la tâche encore plus difficile aux forces populaires et aux mouvements démocratiques.

Entre la paralysie des institutions et la situation socio-économique
Reste la dernière question, concernant la paralysie des institutions étatiques, tant le gouvernement, démissionnaire depuis sept mois, que le parlement, qui a voté le prolongement de son propre mandat, que la présidence de la République, qui sera vacante dans six mois exactement…

Tout a été dit concernant le lien entre cette paralysie et la situation dans la région, en Syrie notamment. Ce qui veut dire clairement qu’une entente tacite entre les représentants de la bourgeoisie libanaise, ou les deux groupes du 8 et du 14 mars, fait que le gouvernement démissionnaire continuera à fonctionner en attendant la deuxième conférence de Genève. Cependant, cette conférence n’est pas près de se tenir, comme nous l’avons déjà précisé, tant à cause de l’équilibre des forces sur le terrain que parce qu’il y toujours une mésentente sur les groupes de l’opposition et les pays qui y siègeraient. Ce qui signifie, si on n’y prend garde, que le Liban est au bord du gouffre. Et, non seulement sur les plans de la sécurité et de la politique, mais aussi économiquement et socialement.

Parce que sans gouvernement et sans parlement, il n’y a pas de budget. Et, sans budget, rien ne marche, y compris les salaires des fonctionnaires et, surtout, les services essentiels, l’électricité en premier lieu… Sans oublier la sécurité sociale et médicale.

La conclusion qui s’impose naturellement est que les mouvements sporadiques sur les deux plans politique ou syndical, les quelques voix féminines qui s’élèvent de temps en temps ne sont plus suffisantes pour faire face au pourrissement.

Il est vrai que les problèmes sont nombreux ; mais il est vrai aussi que la priorité est une.
Elle réside dans la campagne contre cet état de division confessionnelle qui avait, à partir de la fin des années soixante-dix du siècle passé, facilité deux agressions israéliennes successives. Et, si nous considérons le rôle des États réactionnaires arabes, en particulier l’Arabie saoudite et le Qatar, ou même, les résultats de l’accord sur le nucléaire iranien, nous ne pouvons que dire à ceux qui continuent à croire au miracle : relisez bien l’histoire du monde arabe et de l’impérialisme.

Le proverbe dit à ce propos « seul ton ongle sait gratter ta peau ».

lundi 9 décembre 2013 Marie Nassif-Debs


D. Marie Nassif-Debs, Secrétaire Générale adjointe du PCL



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