100 grands patrons contre les chômeurs

lundi 27 janvier 2014
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Evidemment, Rouge midi reviendra sur les négociations en cours sur l’assurance chômage. dans l’attente cet article paru sur Marianne

Ne croyez pas qu’il s’agisse d’une caricature. Une centaine de patrons des plus grandes entreprises du pays ont signé un ensemble de recommandations brutales pour résoudre le déficit de l’assurance chômage.
Un traitement de choc, et irresponsable, au moment même où François Hollande propose un pacte de responsabilité, baisse des cotisations contre embauches.

Du chômage partiel...

Il y a deux ans, presque jour pour jour, le ministre du travail de Nicolas Sarkozy devait encore commenter une nouvelle hausse du nombre de demandeurs d’emploi en décembre dernier. Le bilan de l’année 2011 était exécrable. On comptait 2,874 millions de sans-emplois à fin décembre 2011, soit +5,6% en un an, et un total de 4,9 millions d’enregistrés à Pôle emploi. En réponse à la crise, Nicolas Sarkozy avait favorisé le recours au chômage partiel via l’augmentation de la durée légale du chômage partiel (décembre 2008) ; le relèvement modeste de l’indemnisation du chômage partiel (janvier 2009), puis la mise en place de l’activité partielle de longue durée (mai 2009). En un an, le volume d’heures de chômage partiel passe de 1,6 millions au 3e trimestre 2008 à 31 millions au 3e trimestre 2009. Mais en 2010, l’évolution est inverse, le recours au chômage partiel s’effondre, pour retrouver un niveau très proche d’avant 2008 - 3,6 millions d’heures déclarées fin 2010. Sarkozy coupe dans les crédits de la politique du travail, réduit le volume d’emplois aidés. Pour 2012, il avait remis ça, avec une nouvelle réduction de 10% des crédits.

Deux ans plus tard, dans quelques jours, le bilan de l’année 2013 sera connu. Le cap des 3 millions de sans-activité inscrits à Pôle emploi est dépassé depuis l’été 2012. Celui de 5 millions inscrits également.

En juin 2013, la loi de flexi-sécurité instaure une durée minimale hebdomadaire de travail de vingt-quatre heures, et une rémunération majorée de toutes les heures complémentaires (10% minimum dès la première heure). Et Hollande a lancé tous les dispositifs d’emplois aidés qu’il avait promis - contrats de génération et emplois d’avenir. En cette fin d’année 2013, alors que « l’inversion de la hausse de la courbe du chômage » n’était pas au rendez-vous, l’actuel président change son fusil d’épaule et propose un dispositif qu’il espère « gagnant/gagnant », un « pacte de responsabilité » qui fait hurler à gauche.

Mais voici que ce dernier, qui s’ouvre par une généreuse réduction de cotisations familiales, ne suffit pas à certains au MEDEF.

... au chômage tout court

Les partenaires sociaux ont débuté vendredi dernier la négociation UNEDIC qui vise à réduire le déficit de l’assurance chômage. MEDEF d’un côté, syndicats de salariés de l’autre, aucune des parties en présence n’a annoncé de révolution en la matière. On semblait frôler le compromis facile, la discussion aisée, l’atmosphère plus détendue que par le passé.

Lors de sa conférence du 14 janvier, Hollande avait donné sa position sur cette négociation : « ce n’est pas à un moment où il y a un taux de chômage élevé qu’il faut réduire les droits des chômeurs » ; mais, avait-il ajouté : « tout ce qu’on peut faire pour que des chômeurs puissent être formés, qualifiés, accompagnés nous devons le faire. Tout ce que nous pouvons faire pour qu’un certain nombre de demandeurs d’emploi soient incités à reprendre un emploi sans encourir un certain nombre de difficultés ou de charges supplémentaires nous devons le faire. » On pouvait accuser Hollande de tous les maux, mais pour l’heure, il n’avait rien fait ni recommander autre chose qu’un maintien des indemnisations et un meilleur effort en faveur de la formation des chômeurs.Ces ministres ont tous répété depuis le même message.

La crise, qui maintient un chômage massif, a évidemment déséquilibré les comptes de l’UNEDIC : l’endettement a atteint 17,8 milliards d’euros l’an passé, et plus de 22 milliards d’euros attendus cette année. Le solde net entre encaissements de cotisations et reversements est moins dramatiques, quelques milliards par an ; mais il est structurel.

Pourtant, moins d’un chômeur sur deux inscrits à Pôle Emploi touche une indemnisation - 48% pour être exact. A fin novembre dernier, dernière statistique connue, le nombre de demandeurs d’emploi indemnisés par le régime d’assurance chômage s’affichait en baisse de 1,2 % en un mois, tandis que le nombre de ceux indemnisés par le régime de solidarité nationale augmente de 1,6 %.

Pour 2014, l’Unédic prévoit encore 63.200 chômeurs de plus.

|Les 100 patrons

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L’Association française des entreprises privées (AFEP) a livré ses recommandations, dans le secret.

1. Elle récuse toute hausse, même minime, des cotisations chômage : « Au ­contraire, leur niveau déjà élevé pose la question à terme d’une baisse »

2. Elle souhaite durcir les sanctions, c’est-à-dire l’exclusion des chômeurs, quand ces derniers refusent une « offre raisonnable ». On se souvient du dispositif installé par Sarkozy au plus fort de la crise, au printemps 2009, désactivé depuis le changement de majorité.

Il y a quelques jours, la DARES a publié une étude des sortants de Pôle Emploi en juin 2013 : sur les quelque 470.000 personnes sorties des statistiques, à peine 47% avaient effectivement décroché un boulot. Si l’on ajoute les 11% partis en formation, on comprend que 42% des sortants sont évacués de Pôle emploi... sans emploi ni activité. Mais c’est donc insuffisant pour l’AFEP...

3. L’AFEP propose de réduire la durée d’indemnisation maximale, de 24 à 18 mois (de 36 à 30 pour les seniors). Bruno Coquet, un économiste auteur d’un bouquin sur le sujet, commente : « La seule étude empirique existante conclut qu’elle aurait ralenti le retour à l’emploi. Il me semble très risqué de faire baisser les allocations de tous les chômeurs pour un bénéfice aussi aléatoire et concentré sur une extrême minorité de chômeurs »

4. Elle suggère enfin d’augmenter la durée de cotisations à 12 mois au lieu de 4 (sur les 28 derniers mois) pour pouvoir prétendre à une indemnisation.

Dans cette négociation, les belles comparaisons avec nos homologues européens sur la générosité du système français ont évidemment reprises.|

Nos grands patrons connaissaient-ils la situation des chômeurs ? Nul ne sait. Sans doute avaient-ils lu quelque rapport et statistiques. Sans doute ignoraient-ils que Pôle emploi ne récupère que 250.000 offres d’embauches par mois. Sans ignoraient-ils aussi combien touche un allocataire quand il a la chance d’être indemnisé. En avril 2013, l’UNEDIC a livré une évaluation des chômeurs indemnisés.

L’allocation moyenne est de 1.055 euros par mois, et représentait 69% de l’ancien salaire net.

1.055 euros par mois, c’est 78 euros à peine de plus que le seuil de pauvreté.

Juan S. le 20/01/ 2014

Transmis par Linsay




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