La prostitution un métier comme un autre ?

dimanche 9 février 2014
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Les passions et les vacarmes qu’avaient fait naître le projet de loi visant à abolir la prostitution sont retombés. Reste la loi qui, en pénalisant les clients, vise à permettre que le statut de femme objet ne soit plus une norme et que la prostitution ne soit plus considérée comme « le plus vieux métier du monde ». Frédérique Pollet Rouyer, à l’appui de la campagne pour arriver à ce résultat, a réalisé une vidéo qui a suscité applaudissements chez les unes et les uns et rejet et violentes attaques chez les autres.
Rouge Midi a rencontré la réalisatrice

1/ Frédérique tu as réalisé une vidéo choc sur la question de l’abolition de la prostitution peux-tu nous dire pourquoi tu as choisi cette forme ?

En fait ce n’est pas tant le film qui est choc que la situation qu’il décrit.
Pourtant l’action du film ne fait que tirer les conséquences du discours ambiant qui banalise la prostitution.

On nous dit que « la prostitution est un métier comme un autre » qu’à cela ne tienne !
Prévoyons des formations pour, envisageons ses débouchés, ses perspectives d’évolution, ses régimes d’assurance maladie et de retraite.

Je suis donc partie d’une situation des plus banales, celle d’une jeune fille qui se rend avec ses parents au rendez-vous d’une conseillère d’orientation, à ceci près que la conseillère propose une réorientation en filière prostitution.

Cela devrait être un détail si l’on s’en tenait au vieil adage, sauf que ça ne marche pas.

Le module multi-pénétration, l’entrainement à 20 passes par jour en conditions réelles, la prise en charge des coups et blessures, la reconversion dans le secteur handicapé… De la proposition de la conseillère découle naturellement la violence de la réalité prostitutionnelle et l’immense hypocrisie déguisée en libération sexuelle qui l’entoure.

C’est la violence de la prostitution qui devrait choquer et non pas le film.
C’est le cynisme des chantres de la prostitution qui ne sert que le droit des hommes à prostituer et à acheter des prostituées.

ET il suffit d’un petit pas de côté, comme le tente ce film, pour déciller l’évidence, rompre ce marché de dupe qui nous vend l’exploitation de millions d’être humains pour de la liberté.

« Le plus vieux métier du monde », « leur corps leur appartient, c’est leur choix », « il faut bien que les hommes satisfassent leurs pulsions », « c’est un facteur de paix sociale », sont autant de phrases ressassées, verrous de la bonne conscience collective, dans lesquelles pas un centimètre, pas une seconde, pas un mot n’est accordé au calvaire des femmes, à leurs blessures, à leurs vies foudroyées. Aux milliers de petites filles africaines livrées aux hommes du Nord, à ses jeunes femmes d’Europe de l’Est prisonnières des bordels d’Allemagne, d’Espagne ou d’Australie, à ses mères chinoises bradées sur les trottoirs de Belleville, à nos « bonnes vieilles putes françaises », soit-disant de tradition et libres, qui toutes à chaque passe meurent un peu.

Ce film a voulu pousser l’évidence dans ses retranchements, lever le rideau pour regarder ce qu’elle masque, ce qu’elle fait accepter et reproduire sans même plus réfléchir. La banalité du mal, dont Annah Arendt a identifié la source dans le renoncement à penser notre humanité.

2) La prostitution n’est jamais libre ?

Non !
Un des grands arguments des chantres de la réglementation et de la liberté prostitutionnelle, est de distinguer la prostitution issue de la traite de celle qui procéderait d’un choix.

Outre le fait que je doute que le moindre client ne s’assure préalablement de la liberté de la femme qu’il achète, je mets au défi quiconque de me présenter une femme prostituée qui ne soit ni dans la nécessité ni n’ait subi des violences sexuelles.

Définir la prostitution comme un acte sexuel tarifé entre deux personnes consentantes est doublement fallacieux.
D’abord parce que acheter quelqu’un est évidement nier son statut de personne.
Mais aussi parce que, dans cette histoire, il n’est de consentement libre et éclairé que celui du prostitueur qu’il soit client ou proxénète.

Qu’elles soient prostituées par un réseau mafieux ou de manière dite indépendante, la prostitution provoque chez les femmes victimes, des ravages physiologiques et psychologiques profonds qui menacent leur vie. Elles sont sans cesse exposées aux pires violences, à la peur, aux humiliations, à l’alcool et aux drogues… Réduites à des objets.
Dix, vingt fois par jour, elles sont pénétrées par des hommes qu’elles ne désirent pas et qui, recyclent par l’argent, leurs viols en toute impunité.

Qui subirait cela librement ?

3) Plutôt que de féminisme ne devrait-on pas aujourd’hui parler de lutte pour les droits humains ?

Une des revendications féministes est justement d’introduire plus largement cette notion de droits humains. Pour ne plus parler de la déclaration des droits de l’homme mais de celle des droits humains, ou bien graver une place aux femmes sur le fronton du Panthéon.

S’il est un humanisme, en l’état actuel des rapports femmes-hommes, le féminisme a besoin de son mot comme le racisme, le colonialisme, le capitalisme et les combats qu’ils désignent ont besoin des leurs. Tant qu’il le faudra.
Il y a quelques jours, la branche anglaise de l’ONG internationale des droits de l’homme, Amnesty International, déclarait dans une feuille politique, qu’en achetant des services de sexe ou en les vendant ,les hommes exerçaient leurs droits humains.

Le terme « féminisme » charrie la mémoire des luttes des femmes, leurs paroles si rares ailleurs, le récit de l’intérieur de leur vécu d’oppression, le premier à entendre. C’est pourquoi, Il faut parler de lutte pour les droits des femmes.

4) Plus généralement qu’est ce qui guide ta démarche de réalisatrice ?

Faire mon travail le plus honnêtement possible


La prostitution, un "métier" comme un autre... par osezlefeminisme



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