Quelle protection sociale pour les chômeurs et précaires (II)

mardi 25 mars 2014
par  Charles Hoareau
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Assurance chômage : enfumage pour cacher un recul social

Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire pour justifier les attaques qui se succèdent contre ce système, rien n’est plus simple que l’assurance chômage :
- Une seule ligne de recettes : les cotisations
- Une seule ligne de dépenses : le versement du salaire de remplacement. (A cette ligne on peut ajouter les frais de gestion dont le coût est tellement minime que personne, même au MEDEF, n’ose le mettre en accusation) [1]

Par essence, ce système ne peut pas être en déficit
Quand il y a davantage de chômeurs à indemniser il suffit d’augmenter les cotisations, c’est-à-dire le salaire (direct ou socialisé), et le tour est joué…sauf que.
Sauf que comme nous l’expliquions dans un précédent article, depuis la création de l’UNEDIC, le patronat qui a réussi à en faire une institution à sa botte, n’applique pas cette règle simple qu’il a pourtant lui-même fixée. [2] Négociation après négociation, le MEDEF n’a de cesse de baisser les cotisations, ce qui crée un déficit artificiel. Cela est tellement vrai que par le passé la justice a sanctionné l’UNEDIC pour cela [3].

C’était il y a 10 ans, mais cela ne s’est pas démenti depuis. Ainsi en 20 ans la cotisation assurance chômage est passée de 5,470 en 1994 à 4,00 en 2014 [4]

Quand on sait que 1% de cotisation c’est 5 milliards de recettes et que l’estimation du déficit prévu en 2017 varie de 1,3 milliard, à 4,8 milliards dans le cas le plus défavorable [5] on peut en conclure que si on était resté au même taux que 1994 on parlerait aujourd’hui d’un excédent de 7, 5 milliards d’euros par an… « limité » dans l’hypothèse la plus défavorable à + 2,7 milliards en 2017 [6]

Cela situe bien autrement la discussion sur les droits des chômeurs….

La tarte à la crème des droits rechargeables

_ .

Il fut un temps pas si lointain [7] où, malgré ses imperfections et ses aspects critiquables, le système assurait aux chômeurs une allocation égale à 90% du salaire brut en cas de licenciement économique et si le salarié faisait un CDD, sa rémunération s’interrompait et reprenait ensuite naturellement là où elle s’était arrêtée. Donc en gros un salarié licencié savait qu’il avait un capital/ jours de droits au chômage qu’il pouvait prolonger à chaque CDD ou stage de formation. De négociations en négociations c’est cette logique qui fut démontée. La notion de droit au salaire de remplacement, fut remplacée par celle d’aide au retour à l’emploi et donc d’assistance sous condition. De plus par une série de bricolages sur lesquels il serait trop long de revenir et qui ont évolué au cours des années, furent attaqués tout à la fois : la durée d’allocation, le fonds social, la formation, le montant mensuel des allocations. A cela se sont rajoutées des périodes de différé [8] de plus en plus longues (inexistantes au départ, elles furent ensuite limitées à 30 jours contre 180 dans la nouvelle convention signée !) et une multiplication des radiations administratives.

Premier résultat de toutes ces mesures : moins de 3 chômeurs sur 10 (soit 2,2 millions de chômeurs) sont indemnisés et donc concernés par la nouvelle convention. Pour les autres, direction l’aumône d’état [9], le RSA….ou rien du tout. Mais nous y reviendrons.De plus toutes ces attaques ont rendu la situation inextricable, le patronat et ceux qui le suivent, ayant mis en place au fil des années, un système de calcul des droits tellement complexe qu’il entraîne chaque année des milliers d’indus (réels ou supposés) [10] de radiations abusives et d’action des chômeurs contre ces mesures. En tout état de cause il s’agit d’un formidable recul par rapport à ce qui se faisait à l’origine [de 1958 à 1984].

Pour tenter de mettre un peu d’ordre dans tout ça MEDEF et CFDT loin de proposer de revenir au système initial, inventent, dans la droite ligne de l’ANI, la notion de droits rechargeables qui est une pâle copie du dispositif de départ (et ne s’applique pas aux salarié-e-s en formation qui continuent de perdre des droits chaque fois qu’ils partent en stage), les moyens financiers en moins le salaire (direct ou socialisé) n’étant pas revalorisé.

Autre avantage pour nos deux compères, ils évitent, grâce à l’individualisation accrue, toute mesure allant dans le sens du droit collectif pour toutes et tous au salaire de remplacement.


[1La gestion de Pôle emploi représente 10% des dépenses, pour 25 000 ex service de l’emploi et 15 000 ex ASSEDIC. Autrement dit les dépenses liées strictement au versement des allocations ne représentent pas 5%.

[2Si on avait à l’époque écouté la CGT qui voulait que la protection sociale des chômeurs soit la 5e branche de la sécurité sociale dirigée par des administrateurs élus par les salarié-e-s nous serions évidemment dans une toute autre situation

[3« il apparaît surabondamment que le résultat financier du régime de l’assurance chômage était particulièrement excédentaire (excédent de 1,3 milliard d’euros en 2000, estimation de 220 millions d’euros en 2001) lorsque cette convention a été signée. Ce n’est qu’à la suite d’une réduction volontaire des cotisations patronales et salariales constituant ses recettes, intervenue postérieurement, que le régime d’assurance chômage est devenu déficitaire et ce fait à l’origine du déficit du régime, en raison de son caractère volontaire, ne peut être qualifié d’événement imprévisible. » (Jugement TGI Marseille 22 avril 2004)

[6hors emprunt de 15 milliards contracté dans le passé pour justement compenser la baisse de cotisations

[7jusqu’en 1984 et les décisions « progressistes » de François Mitterrand

[8décalage entre le jour d’inscription au chômage et le jour de démarrage du paiement des allocations

[9ASS soumise à condition de revenu du conjoint et au maximum égale à environ 400€ par mois

[10Actuellement, pour calculer les nouveaux droits, l’Unedic compare les deux périodes ouvrant droit à l’indemnisation (les droits non consommés pendant la première période et les droits acquis au cours de la seconde période de travail), ainsi que le montant de l’indemnité journalière. Ces deux « droits » sont traduits en capital financier.
Exemple : un demandeur d’emploi est indemnisé pendant une période de six mois, sur la base d’une allocation journalière de 50 €. Après quatre mois d’indemnisation, il retrouve un emploi et cesse d’être indemnisé. Le reliquat des droits non épuisés est donc égal à deux mois à 50 €/jour [61 jours x 50 €], soit un capital de 3.050 €. Ce demandeur d’emploi se retrouve une nouvelle fois privé d’emploi, après un CDD de sept mois. Ce contrat lui a ouvert des droits à réadmission, soit sept mois sur la base d’une allocation journalière de 45 €. D’où un capital d’indemnisation de 9.585 € [3 mois à 31 jours (93 jours) + 4 mois à 30 jours (120 jours) à 45 € = 213 jours x 45 € = 9.585 €]. Mais il ne peut plus se prévaloir du reliquat de droits de la première période. Ils sont perdus.



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