« Les protestations au Venezuela sont un signal que les Etats Unis veulent notre pétrole »

Interview de Nicolas Maduro, président du Venezuela
dimanche 13 avril 2014
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Dans un entretien en exclusivité pour le Guardian, le président du Venezuela a accusé les États Unis d’utiliser une succession de protestations de rue pour orchestrer un coup « au ralenti » dans le style de l’Ukraine contre son gouvernement pour « mettre la main sur le pétrole vénézuélien ». C’est un système vieux comme le monde qui utilise la provocation pour obtenir la répression et permettre ainsi de se poser en victime.

Dans un entretien exclusif pour le Guardian, Nicolas Maduro, qui a été élu l’année dernière après la mort de Hugo Chavez, a déclaré que ce qu’il appelle une « révolte des riches » échouera étant donné que la « révolution bolivarienne » du Venezuela est plus profondément installée aujourd’hui que quand elle repoussa le coup d’état soutenu par les EU contre Chavez en 2002.

Le Venezuela, où aujourd’hui on estime que se trouvent les réserves de pétrole les plus importantes du monde, doit faire face à de continuelles protestations violentes depuis le début du mois de février qui se sont basées sur l’inflation, la rareté de produits de base et le crime et qui commencèrent quand les leaders de l’opposition lancèrent une campagne pour renverser Maduro et son régime socialiste sous le slogan de « La sortie ».

« Ils cherchent à vendre au monde l’idée qu’au Venezuela il y a des protestations, un espèce de printemps arabe », a-t-il déclaré. « Mais au Venezuela nous avons eu notre printemps : notre révolution qui a ouvert le chemin au Venezuela du XXIe siècle ».

Le conflit a coûté la vie à 39 personnes et a été un défi important pour le gouvernement de Maduro. Le lundi le président vénézuélien a donné son accord à une proposition de négociations de paix avec les leaders de l’opposition qui jusqu’à maintenant avaient refusé de faire partie d’un dialogue dirigé par le gouvernement et qui a été élaboré par l’Union des Nations Sudaméricaines, l’Unasur.

Les EU nient être impliqués et déclarent que le Venezuela se sert de l’excuse d’une menace de coup d’état pour agir avec force contre l’opposition. Human Rights Watch et d’importants représentants de l’Eglise Catholique du Venezuela ont condamné la gestion des protestations de la part du gouvernement pendant qu’Amnesty International a dénoncé des violations des droits humains par les deux parties.

Maduro a indiqué que le Venezuela est confronté à un type « de guerre non conventionnelle que les Etats-Unis ont perfectionné depuis des décennies » et a mentionné une série de coups d’état ou de tentatives de coup d’état soutenus par les EU depuis 1960 au Brésil jusqu’au Honduras en 2009.

L’ancien conducteur de bus et leader syndical, dans des déclarations depuis le palais présidentiel de Miraflores, a dit que l’opposition au Venezuela a « eu comme objectif de bloquer toutes les villes principales du pays en copiant de manière très mauvaise ce qui s’est passé à Kiev, où furent bloquées les avenues principales de la ville jusqu’à rendre ingouvernable Kiev, l’Ukraine et renversèrent le gouvernement démocratique ». L’opposition vénézuélienne a eu, selon Maduro, un « plan semblable ».

« Ils cherchent à accroître les problèmes économiques au travers d’une guerre économique pour désapprovisionner le marché de produits et déclencher une inflation fictive », a déclaré Maduro, « il créent des problèmes de caractère social, une gêne, de l’insatisfaction politique et de la violence et cherchent l’image d’incendies pour justifier un processus d’isolement international y inclus d’intervention ».

Parlant des améliorations substantielles de la protection sociale et de la réduction des inégalités durant la dernière décennie et demi, Maduro a déclaré « qu’à l’époque où j’étais syndicaliste il n’y avait aucun programme pour protéger l’éducation, la santé, le logement et les salaires des travailleurs. C’était le règne du capitalisme néolibéral. Aujourd’hui au Venezuela, c’est la classe ouvrière qui soutient la stabilité politique de la révolution : c’est le pays où les riches protestent et les pauvres fêtent leur bonheur social ».

Les protestations sociales au Venezuela ont eu pour origine l’inflation élevée, qui a atteint un maximum de 57% mais est descendue maintenant à un taux mensuel de 2,4% , ainsi que la rareté de biens de première nécessité subventionnés et qui dans certains cas sont introduits par la contrebande de Colombie et vendus à des prix élevés. Les leaders de l’opposition accusent le gouvernement de mauvaise gestion.

Le récent relâchement des contrôles sur la monnaie paraît avoir eu un effet positif et l’économie continue de croître alors que le taux de pauvreté continue de diminuer. Cependant, les indices de criminalité, qui ont été un des objectifs des protestations, continuent d’être parmi les plus élevés du monde.

Environ deux mille deux cent personnes ont été détenues (deux cent quatre vingt dix demeurent emprisonnées) durant les deux mois de révoltes dans lesquelles les leaders de l’opposition appelèrent à « enflammer les rues avec la lutte » et lors des élections municipales de décembre dernier les partisans de Maduro augmentèrent leur avance sur l’opposition de 10%.

Il y a un fort débat au sujet de la responsabilité des morts. Il a été confirmé que la police ou les forces de sécurité ont perdu huit hommes ; quatre activistes de l’opposition (et un manifestant pro-gouvernemental) ont perdu la vie du fait d’actions de la police. Plusieurs policiers ont été arrêtés pour ce motif. Six autres personnes sont mortes dans les mains d’activistes pro-gouvernementaux des « collectifs » et treize autres personnes ont perdu la vie en raison d’actions de sympathisants de l’opposition dans les barricades de rue.

A la question de combien de responsabilité pour les assassinats correspond au gouvernement, Maduro a répondu que 95% des morts sont le fait de « groupes d’extrême droite » dans les barricades et a pris comme exemple les trois motards qui sont morts en raison d’un câble tendu d’un côté à l’autre d’une rue par les manifestants. Maduro a déclaré qu’il a mis en place une commission pour éclairer chacun des cas.

Le président vénézuélien a déclaré que les médias de communication globale se sont accoutumés à promouvoir une « réalité virtuelle » d’un « mouvement d’étudiants qui est réprimé par un gouvernement autoritaire ». « Quel gouvernement n’a pas commis des erreurs politiques ou économiques ? Mais cela justifie t’il de brûler des universités ou de renverser un gouvernement élu démocratiquement ».

Les protestations qui ont été dirigées fréquemment par des étudiants et se sont produites majoritairement en zones aisées, ont inclus des incendies provoqués dans des immeubles du gouvernement, des universités et des stations de bus. Le nombre de participants dans les manifestations les plus récentes a diminué depuis qu’en février se produisirent des manifestations de plusieurs centaines de milliers de personnes et sont restreintes dernièrement à des réduits de l’opposition comme l’état de Tachira à la frontière avec la Colombie.

Un des plus importants leaders de l’opposition, Leopoldo Lopez, qui participa au coup de 2002 et deux maires de l’opposition ont été arrêtés et accusés d’incitation à la violence. Une autre partisane des protestations, Maria Corina Machado a été relevée de son poste au parlement.

Maduro a insisté sur le fait que cela n’est pas « criminaliser la dissension ».L’opposition a des garanties totales et des droits. Nous avons une démocratie ouverte. Mais si un politique commet un crime, appelle au renversement d’un gouvernement légitime et use de sa position pour bloquer des rues, brûler des universités et des transports publics, les tribunaux agissent ». Les critiques, néanmoins, considèrent que les tribunaux sont politisés.

Le mois dernier, le secrétaire d’Etat des EU, John Kerry, a déclaré que le Venezuela se livre à une « campagne de terreur » contre ses propres citoyens. Cependant, l’Organisation des Etats Américains (OEA), l’Unasur en Amérique du Sud et les Etats appartenant au Mercosur ont appuyé le gouvernement du Venezuela et ont appelé au dialogue politique.

Quand on a demandé au président du Venezuela quelle est l’évidence de l’implication nord-américaine dans les protestations, Maduro a répondu : « Cent ans d’intervention en Amérique latine ne suffit-il pas : contre Haïti, le Nicaragua, le Guatemala, le Chili, la Grenade, le Brésil ? N’est-elle pas suffisante la tentative de coup d’état de l’administration Bush contre le président Chavez ? Pourquoi les EU ont-ils 2000 bases militaires dans le monde ? Pour le dominer. Je l’ai dit au président Obama : nous ne sommes plus son arrière-cour ».

Maduro a indiqué que l’évidence de l’implication passée et présente des EU au Venezuela se trouve dans les communications récoltées par Wikileaks, les révélations d’Edward Snowden et dans les documents du Département d’Etat des EU. Ces documents incluent des communications de l’ambassadeur nord-américain dans lesquelles sont ébauchés les plans américains pour « diviser », « isoler  » et « pénétrer » le gouvernement de Chavez ainsi que les fonds importants que le gouvernement des EU a transféré à l’opposition vénézuélienne durant la dernière décennie (certains à travers d’agences comme USAID et l’Office for Transitional Initiatives), qui incluent 5 millions de dollars d’appui direct pour la présente année fiscale.

Les allégations du président Maduro se produisent une semaine après qu’a été révélé que USAID a financé en secret un site web consacré aux réseaux sociaux dans lesquels on encourage la protestation politique et on appuie des tumultes à Cuba, pays allié du Venezuela, sous le titre « assistance pour le développement ». Des représentants de la Maison Blanche ont reconnu que ces programmes ne sont pas « uniquement pour Cuba ».

Maduro a convoqué une conférence nationale de paix bien que les partis de l’opposition aient refusé d’y participer par crainte d’être manipulés et d’appuyer le gouvernement. Le président a déclaré qu’il accepterait une médiation du Vatican si l’opposition condamne la violence. Néanmoins, il repousse les accusations contre lui comme contre le mouvement chaviste qu’ils sont trop polarisés. « Je ne crois pas que dans une démocratie la polarisation soit une mauvaise chose. Une démocratie peut seulement fonctionner que si sa société est politisée ».

« La politique n’est pas pour quatre élites, d’un parti de centre gauche et d’un parti de centre droit où les élites se distribuent la richesse », dit Maduro. « Au Venezuela il y a une polarisation positive parce qu’il y a une politisation générale et les grandes majorités prennent parti pour les politiques publiques. Il faut accepter qu’il y ait une polarisation négative qui prétend méconnaître l’existence de l’autre, qui prétend en finir avec l’autre. Nous croyons que cette polarisation négative doit être dépassée par le dialogue national ».

Le Venezuela a joué un rôle protagoniste dans la transformation politique radicale qu’a expérimentée l’Amérique latine lors de la décennie écoulée et Maduro insiste sur le fait que le processus régional continuera. Quand Chavez a dit en 1992 « le XXIe siècle est nôtre », argumente Maduro, « c’était une idée romantique. Aujourd’hui c’est une réalité et personne ne va nous l’enlever ».

Quand on l’a interrogé sur le référendum qui s’est tenu au Venezuela en 2009, Maduro a répondu : « Au Royaume Uni, le premier ministre peut se présenter toutes les fois qu’il veut mais pas les rois. La reine est éternelle, qui l’a élue ?
Le peuple décidera jusqu’à quand je serai président ici. Mais j’ai la certitude que si ce n’est pas moi, ce sera un autre révolutionnaire. Ce qui va être indéfini ici est le pouvoir populaire."

Seumas Milne et Jonathan Watts

Traduit de l’espagnol par Gérard Jugant

Pour en savoir plus, lire :

Comment l’Occident fabrique les mouvements d’opposition

http://www.rougemidi.org/spip.php?a...




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