Etats-Unis : George W. Bush : de la tyrannie en Amérique.

samedi 7 octobre 2006
popularité : 3%

Le Congrès a finalement adopté, le 29 septembre, une loi sur la détention et le jugement des terroristes présumés. Un texte inique et indigne de la démocratie américaine, estime The New York Times.

Voilà ce qui se passe quand un Congrès américain irresponsable fait passer en force un projet de loi d’une importance capitale pour servir une stratégie politique inepte en vue des élections de mi-mandat : le gouvernement Bush a exploité la peur des républicains de perdre leur majorité au Sénat et à la Chambre des représentants pour leur faire accepter de terrifiantes idées sur l’antiterrorisme, lesquelles vont remettre en cause la sécurité de nos soldats et faire un tort durable à l’Etat de droit qu’est l’Amérique depuis deux cent dix-sept ans - et tout cela sans améliorer en rien la protection des Américains contre le terrorisme.

Si les républicains ont affirmé que le Congrès devait agir sans tarder pour créer des procédures de mise en accusation et de jugement des terroristes, c’est parce que les cerveaux présumés des attentats du 11 septembre 2001 sont sur le point d’être traduits en justice. C’est de la pure propagande. Ces hommes auraient pu être jugés et condamnés depuis bien longtemps, mais le président Bush a préféré ne pas le faire. Il a préféré les maintenir en détention illégale, les faire interroger de telle sorte qu’un procès en bonne et due forme est désormais difficilement envisageable et inventer un système clairement illégal de tribunaux irréguliers pour les condamner.

Ce n’est que depuis que la Cour suprême a déclaré inconstitutionnel le système pénal d’exception voulu par Bush que ce dernier a adopté le ton de l’urgence. Son objectif est cynique : si les stratèges républicains croient pouvoir remporter les élections cet automne, ce n’est pas en adoptant une bonne législation, mais en ayant forcé les démocrates à voter contre une mauvaise législation et, du même coup, à apparaître comme laxistes à l’égard du terrorisme.

Une semaine avant l’adoption de cette loi, la Maison-Blanche et trois sénateurs républicains avaient annoncé qu’ils étaient parvenus à un redoutable accord sur cette loi, accordant à Bush à peu près tout ce qu’il avait demandé, y compris une décharge complète pour les crimes commis par des Américains au service des politiques antiterroristes. Puis le vice-président Dick Cheney et ses législateurs zélés ont remanié le reste du texte de façon à habiliter Bush à emprisonner sans inculpation à peu près qui il veut aussi longtemps qu’il le veut, à réinterpréter de façon unilatérale les conventions de Genève, à autoriser des pratiques que d’aucuns qualifient de torture et à refuser de rendre justice à des centaines d’hommes emprisonnés par erreur.

Voici quelques-unes des pires dispositions contenues dans ce texte :

Ennemis combattants : En donnant une définition dangereusement large au terme “ennemi combattant illégal”, la nouvelle loi implique que des résidents vivant légalement aux Etats-Unis ainsi que des ressortissants étrangers vivant dans leur propre pays pourront être arrêtés et retenus indéfiniment sans aucun recours. Le président peut, de surcroît, décider de placer qui il veut dans cette catégorie.

Conventions de Genève : La nouvelle loi enterre des conventions internationales vieilles d’un demi-siècle en autorisant Bush à décider seul quelles sont les méthodes d’interrogatoire abusives qu’il juge tolérables. Ces décisions pourraient d’ailleurs rester secrètes : rien n’impose que la liste de ces méthodes d’interrogation jugées tolérables soit publiée.

Habeas corpus : Les détenus incarcérés dans des prisons militaires américaines n’auront désormais plus le droit de contester leur emprisonnement. Or les requêtes en habeas corpus n’encombrent pas les tribunaux, pas plus qu’elles ne sont une faveur faite aux terroristes. Elles donnent simplement à des personnes emprisonnées par erreur une chance de pouvoir prouver leur innocence.

Recours : Les tribunaux américains ne pourront réexaminer aucune des dispositions du nouveau système mis en place, exception faite des verdicts rendus par les tribunaux militaires. La loi restreint en effet les possibilités de recours et empêche toute action juridique fondée sur les conventions de Genève. Pour emprisonner quelqu’un à vie, Bush n’a donc qu’à le déclarer “ennemi combattant illégal” et lui refuser tout forme de procès.

Preuves obtenues par la force : Les preuves obtenues par la force sont déclarées exploitables dès lors qu’un juge les estimera fiables.

Preuves secrètes : Les normes judiciaires américaines interdisent la prise en compte de preuves et de témoignages n’ayant pas été portés à la connaissance de l’accusé. Or la nouvelle loi restreint de façon draconienne les protections existant contre l’utilisation de ce type de preuve.

Torture : Enfin, la nouvelle loi donne une définition de la torture d’une étroitesse intolérable, reprenant quasiment mot pour mot les mémos profondément cyniques produits par le gouvernement à la suite des attentats du 11 septembre. Le viol et l’agression sexuelle, par exemple, sont définis à minima, n’englobant que les rapports contraints ou forcés, et non les autres formes de sévices sexuels. La nouvelle loi élimine ainsi de facto l’idée que le viol est une forme de torture.

Les républicains ont clairement fait comprendre qu’ils n’hésiteraient pas à traiter de lâche et de laxiste quiconque voterait contre ce texte de loi. Mais, une chose est sûre, les Américains de demain ne se souviendront pas des circonstances préélectorales qui ont mené à une telle abdication face à la volonté du gouvernement. Tout ce dont ils se souviendront, c’est qu’en l’an 2006 le Congrès américain a adopté une loi tyrannique qui restera dans l’Histoire comme l’un des plus grands déshonneurs de la démocratie américaine.

Source : The New York Times

Transmis par : Linsay.

.



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur