La traversée des Dolomites (VII) : dernière étape

mardi 7 octobre 2014
par  Charles Hoareau
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Du Gardenazza à Val Gardena

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Pour notre dernier jour de traversée, après un déjeuner royal, nous commençons notre randonnée par une montée au col de Gherdenaccia situé 500 mètres plus haut, à 2545 mètres exactement.

Comme la veille, dans un univers de rocaille, nous longeons parfois des murs de verdure parsemés de fleurs jaunes. Les brumes et les brouillards du matin ne se sont pas dissipés et c’est tant mieux : ils nous protègent du soleil durant l’ascension.

Après une première montée jusqu’à un ressaut, nous traversons plusieurs cirques comme autant d’immenses bols de pierre, de verdure et de névés, qui seraient posés côte à côte sur une table en pente. C’est le royaume idéal des bouquetins mais si nous voyons bien leurs traces, nous n’aurons pas la chance d’en voir un.

Cela fait plus d’une heure que l’on marche et nous sommes passés au-dessus des nuages rassemblés en une mer cotonneuse grise qui nous masque les vallées environnantes. Cela donne envie de la croire réelle et de voguer dessus, entouré de berges en forme de sommets…
Nous approchons du col et à près de 2500 m, à cette heure-ci de la journée, le soleil n’est pas encore brûlant d’autant que souffle un vent frais, cette brise caractéristique de passage au-dessus des 2000, qui est la bienvenue.

Au col le soleil illumine les chaines de montagnes qui nous entourent et auxquelles s’accrochent encore par endroits, quelques cache-cols de brumes qui montent doucement vers les cieux.

Une toute petite halte, un dernier regard vers le désormais très lointain Forcla de Medesc et sa vallée qui va bientôt disparaître à notre vue, et nous voilà à entamer la descente de la vallée de Langental au fond de laquelle nous apercevons de toutes petites taches rouges rectangulaires.

De ce côté-ci de la montagne le sentier serpente paresseusement en pente douce entre les alpages d’herbe rase d’où émergent par endroits des masses brunes de rochers que tantôt nous contournons, tantôt nous gravissons afin de poursuivre notre descente. A plusieurs reprises une brebis et son agneau s’écartent du chemin à notre passage ce qui nous permet de conclure que, contrairement aux vaches, les moutons sont respectueux du code de la route de montagne.

Nous arrivons en vue du refuge de Puez. Il est posé sur le bord d’une immense demi-cuvette dont le fond se perd en bas dans la vallée.

Nous entrons dans le cirque par le côté gauche de la cuvette, le refuge est au centre. En face, de l’autre côté de la montagne, sur la droite de la cuvette, nous apercevons nos amis québécois qui viennent de quitter l’abri montagnard. C’est l’occasion de se lancer avec force au-dessus du vide nos derniers et retentissants « Tap’ dans la mite ». Nous savons que nous ne nous verrons plus sur la traversée et on met alors dans nos saluts tonitruants envoyés de part et d’autres de pentes attendries et amusées, toute notre amitié et nos souhaits de bon vent sur les routes qui attendent les uns et les autres. Nos apostrophes emplissent les montagnes qui leurs donnent un écho généreux que nous apprécions comme une approbation complice.

Nous poursuivons. La large terrasse du refuge et ses tables de bois sagement rangées face au vide sont si accueillantes que nous ne résistons pas au plaisir de nous y installer pour y boire le silence de la vallée en sirotant un café ou un jus de fruit.

Après avoir rempli nos gourdes à un filet d’eau chantant en permanence dans un tronc d’arbre, nous repartons. Au début, le chemin en balcon reprend doucement sa flânerie en nous faisant arpenter le bord de la cuvette puis, arrivé près de parois ocres et grises comme nous en avons tant vu ici, il plonge brusquement.
Plusieurs volées de marches de terre et de bois facilitent la descente. A plusieurs reprises nous voyons des édelweiss sur le bord du chemin : elles semblent donc épargnées ici, dans cette partie des Alpes…

La descente est longue et nous atteignons les premiers arbres vers midi.
Encore quelques pas et nous pouvons nous arrêter pour manger à l’ombre d’un grand sapin. L’occasion de vérifier que quelques boites de sardines et autres victuailles auront fait la traversée des Dolomites avec nous et rentreront en France avec plein de souvenirs de ballades en sac…

Nous sommes maintenant dans le fond de la vallée. C’est un immense ruban vert clair traversé en son milieu et sur toute sa longueur par une bande blanche sur laquelle les promeneurs désormais nombreux vont et viennent. Le long du ruban et sur ses bords, nombre de résineux, mélèzes, sapins, pins, épicéas… se sont donnés rendez-vous pour donner de l’ombre aux hommes et aux bêtes qui circulent au pied de leurs troncs accueillants.

Et puis encore en arrière de ce ruban arboré, des falaises d’ocre et de gris veillent sur tout ce qui vit, respire et souffle à l’unisson sur ce chemin paisible. De loin en loin on aperçoit sur les parois, des hommes et des femmes qui grimpent à l’aide des fameuses via ferrata.

Quelques gouttes de pluie nous forcent à sortir nos capes.
Nous finissons la ballade au parking de San Silvestro, lieu de notre dernier rendez-vous.
Opportunément un petit cabanon a déployé au-dessus de multiples tables en bois des parapluies et des bâches. Nous buvons une dernière bière du sud Tyrol.

Celle-ci à peine bue, réglé comme du papier à musique, le taxi affrété par le voyagiste arrive. Sans hésitation, parmi les dizaines de voitures et de voyageurs, nous nous reconnaissons. Les sacs chargés dans le coffre, nous voilà partis pour la gare de Ponte Gardena, une dizaine de km plus loin, où nous attend notre voiture.

Depuis notre premier refuge nous avons fait 5360 m de montée et presque autant de descente [1]. Nous avons recueillis autant d’images dont seules quelques petites centaines rendent très imparfaitement compte de ce que nous avons vu.

Puissent ces quelques mots vous avoir fait partager un peu de nos sensations et vous donner envie à vous aussi de prendre un jour votre tour sur les chemins du monde à la rencontre des paysages, des êtres vivants et des femmes et des hommes qui les peuplent dans leur diversité enrichissante.


[15125 m si nos calculs sont exacts…mais nous ne garantissons rien !



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