LINEA : quand le conseil général joue une réédition de Pagnol.

lundi 23 février 2015
par  Charles Hoareau
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Mercredi 18 février avait lieu à la salle du clocheton à Plan de Cuques une réunion d’information sur la LINEA (LIaison Nord Est de l’Agglomération marseillaise), ce projet controversé de route qui, partant de nulle part pour arriver n’importe où, doit traverser plusieurs villages au nord-est de Marseille, zone très verte où l’on dénombre outre des espaces boisées, plusieurs hectares de terres fertiles.

Cette réunion avait lieu dans la période où se déroule l’enquête publique destinée à recueillir l’avis de la population. Cette voie, improprement appelée boulevard urbain est en fait un serpent de mer qui agite les esprits de ceux qui nous gouvernent et réapparaît par intervalles depuis plus de 40 ans.

En guise de boulevard urbain c’est un projet, quoiqu’en disent nos élus, de voie rapide entre deux des autoroutes qui desservent Marseille : l’autoroute Nord et l’autoroute Est. Ce projet, appelé naguère CD4 dévié qui avait fait hurler les populations proches, est rebaptisé aujourd’hui boulevard urbain, ça passe mieux…sauf qu’un boulevard de 31 mètres de large ça ressemble plus à une autoroute qu’à une charmante départementale traversant des zones rurales…

Ce qui se discute aujourd’hui c’est la partie centrale de cette liaison…avant de faire passer la pilule des deux autres tronçons.

Donc ce mercredi 18 février, une escouade de techniciens mandatés par le conseil général (les élus pas fous n’étaient pas là) sont venus expliquer à une salle bondée qu’il ne fallait pas s’inquiéter, que la LINEA était en fait une charmante petite route verdoyante, silencieuse, écologique… et un remède à tous leurs problèmes de déplacements.
Il y avait là un responsable de l’étude qui a expliqué que tout avait été étudié, un autre de la concertation qui a expliqué tout avait été concerté, un défenseur des animaux qui a expliqué que le temps des travaux les chauves-souris présentes sur le parcours seraient capturées pour les remettre ensuite au même endroit en leur disant de ne pas s’éloigner, un acousticien qui nous a expliqué que la route ne ferait pas de bruit ou du moins un niveau de bruit acceptable dans un secteur où le niveau de décibels était déjà au-dessus des normes (sic !), un responsable des plans et contreplans, un responsable de l’incontournable vidéoprojecteur nous diffusant des images d’un chemin sous les arbres et sans voitures (à se demander s’il faut vraiment goudronner ce sentier pour promeneurs) et enfin deux ou trois autres personnes dont on n’a pas su de quoi elles étaient responsables vu qu’elles n’ont pas ouvert la bouche. Sans doute des techniciens du silence…

Une fois finie la projection du film qui devait s’intituler OUI-OUI et la LINEA à la campagne et après le discours enthousiaste du technicien qui veut notre bien, la parole fut donnée à la salle.

Et là ce fut un grand moment. Rapidement on se serait cru dans Manon des sources quand le technicien des eaux vient expliquer les études hydrographiques qui expliquent qu’on ne peut pas expliquer pourquoi il n’y a plus d’eau au village…

Se sont mises à fuser des questions et observations auxquelles notre brave escouade ne pouvait ou ne voulait pas répondre. Florilège :
- Pourquoi lancer une étude sur cette route alors que la L2, quelques kilomètres en avant, qui aura cette fonction n’est toujours pas finie bien que commencée en…1933 !
- Vous dites qu’il va y avoir au minimum 20000 voitures par jour et ça ne va ni polluer, ni gêner les riverains ?
- Et les camions il va y en avoir combien ? Dites-le ! (ils avanceront mollement le chiffre de 4% soit un millier de camions par jour)
- Et les expropriations il y en aura combien ? Pourquoi vous ne donnez pas le chiffre ?
- Et les terres agricoles qu’est-ce-que vous en faites ? Réponse : « mais ce sont des affectations provisoires, ceux qui utilisent ces terrains le savent bien » Donc il est normal que ces terres deviennent demain des aires goudronnées…Et pas un mot bien sûr au sujet de ces promoteurs qui font le forcing pour acquérir des terrains aujourd’hui souvent non constructibles en expliquant qu’une fois la route faite, ces terrains seront destinés à l’urbanisation.

Les interpellations pleuvent maintenant.
- Pourquoi ne pas prolonger le métro jusqu’à Plan-de-Cuques, alors que c’est cela qui décongestionnerait vraiment l’entrée dans Marseille ?
- 31 mètres de large ! Qu’est-ce que c’est qui vous empêche plus tard de la transformer en voie rapide deux fois deux voies ? (il y en a qui sont vraiment soupçonneux…ou bien avisés)
- Il y a deux voies réservées aux bus dites-vous, mais la séparation est uniquement marquée par de la peinture au sol, comment vous allez empêcher les voitures de prendre la voie des bus…surtout s’il y en a un toutes les 20mn ?
- Vous savez qu’il y aura 600 voitures à l’heure, mais il y aura combien de bus ?
Cette question pertinente reçut une réponse qui l’était tout autant : « ça on ne sait pas ce n’est pas nous »…Lumineux !
- Comment vous allez faire pour passer les Gours ? (zone humide interdite à la population pour sa dangerosité due à des trous et des zones d’effondrement). Réponse tout aussi lumineuse quand on connait les lieux : « on bouchera les trous ! »

La réunion se déroula dans cette ambiance de ping-pong entre une salle de plus en plus en colère et une tribune de plus en plus empêtrée dans des explications vaseuses. Cela va finir par donner des échanges cocasses. Ainsi suite à un argument pseudo-écologique avancé par l’un de la tribune
- Les chauves-souris, quand vous allez les remettre après la route, vous allez les attacher pour ne pas qu’elles s’en aillent ?

Pour prouver que cette route correspondait vraiment à un besoin, un des spécialistes présents lancera même à l’assemblée incrédule : « mais vous ne pensez pas aux personnes en fauteuil roulant, aux cyclistes ou aux parents avec une poussette qui aimeront promener le long de la route ! » Et emprunter les tunnels et viaducs prévus où d’ailleurs les pistes cyclables sont supprimées ?!

Bref au fur et à mesure, si le ton est resté courtois, les applaudissements des intervenants et protestations qui suivaient les interventions des gens de la tribune montraient bien que l’assemblée, n’était pas convaincue par les arguments des promoteurs de la LINEA.

Un autre élément prouvait aussi cela. A la sortie de la salle se tenaient les membres d’ELGAA [1] qui faisaient signer leur pétition contre la LINEA intitulée 600 véhicules à l’heure non merci ! Oui aux transports en commun gratuits.

Le bilan fut éclairant. Quasiment toutes celles et tous ceux qui sortaient signaient, s’ils ne l’avaient pas encore fait, la pétition. Pétition dont le succès ne se dément pas et qui reçoit le même accueil quasi unanime à chaque initiative parmi les populations.

En guise d’utilité publique, le conseil général peut revoir sa copie et serait bien avisé de tenir enfin compte non seulement de l’avis des populations directement concernées, mais aussi de l’avis de toutes celles et tous ceux qui veulent des choix qui rompent avec la politique du tout voiture et des balafres aux paysages qui l’accompagnent nécessairement.

En tout état de cause, les militants d’ELGAA (qui ont prévu d’interpeller les candidats aux départementales 2015) et les associations avec lesquelles elle travaille ne sont pas prêts « de lâcher l’affaire » comme on dit !


[1Enfin la gauche à Allauch, association allaudienne créée dans la campagne des municipales de 2008 en opposition au maire d’Allauch à la tête d’une liste PS/UMP, fier de faire de sa ville « le Neuilly de Marseille ». Dans ELGAA se retrouvent des militants progressistes et les organisations ENSEMBLE et Rouges Vifs 13



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