Saint Louis Sucre, halte à l’hypoglycémie !

mercredi 27 mai 2015
par  Romain
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De 1500 salariés dans les années soixante-dix à 130 aujourd’hui. Dont 77 emplois menacés. Saint Louis Sucre, au coeur du quartier éponyme du 15e arrondissement, souffre mais résiste aux coups de boutoir du libéralisme aveugle et intransigeant. La maison mère, l’allemand Südzucker, veut voir disparaître le raffinage au profit d’un simple conditionnement. Le site rapporte pourtant chaque années de juteux dividendes. Récit d’un des derniers symboles du tissu ouvrier des quartiers Nord de Marseille. Les Saint Louis Sucre seront présents à la fête de Rouge Midi pour partager leur combat.

« Au pic, ils étaient 3000 » raconte Fabien Trujillo, délégué CGT. S’il parle d’une époque révolue, c’est pour mieux marquer l’influence de l’usine sur le territoire : « L’usine faisait travailler tous les commerces alentours. A une époque, l’entreprise Saint Louis possédait une grande partie du quartier ». Le mastodonte industriel trône ici depuis 1857. La dernière raffinerie de sucre de canne de France métropolitaine, matière première remplacée en Europe par la betterave, plus économique. Qui dit sucre de canne dit importation des DOM-TOM et donc activité portuaire. Tout un cycle marchand serait irrémédiablement impacté par l’arrêt du raffinage.

Photo : Miguel Mariotti

Cette fermeture, les salariés avaient réussi à la repousser en 2007 :

Déclaration ud cgt 13 -ul cgt du port - cgt st louis sucre -us agroalimentaire cgt
UNE VICTOIRE CONTRE LA DESINDUSTRIALISATION DU PORT DE MARSEILLE ET DE NOTRE DEPARTEMENT
St Louis Sucre
mardi 18 septembre 2007

La direction de Saint Louis Sucre a confirmé au Comité Central du 13 septembre 2007 la suspension du projet de fermeture du raffinage en 2008, annoncée lors de la réunion du 7 septembre.

Ce recul n’est pas un sursis mais une véritable victoire pour les salariés de Saint Louis, mais aussi pour les salariés du Port Autonome de Marseille, ceux du transport, de la sous-traitance, et pour toute la population Marseillaise.

Une bataille vient d’être remporté contre le démantèlement industriel au service de la spéculation immobilière et du tourisme de luxe sur notre Port et dans nos quartiers.

Après NESTLE, FRALIB, cette nouvelle victoire contre la désindustrialisation est un véritable encouragement pour tous les salariés menacés dans leurs emplois.

Ne rien céder, faire converger les luttes, se rassembler, rassembler la population et manifester comme nous l’avons fait le 21 mai de la raffinerie Saint Louis au Port Autonome, fait qu’un espoir nouveau se dessine sur l’avenir industrialo portuaire de Marseille fondé sur des coopérations mutuellement avantageuses.

L’Union départementale CGT, le syndicat CGT de Saint Louis Sucre, l’Union locale CGT des syndicats portuaires et l’Union syndicale CGT des industries agroalimentaires appellent à la plus grande vigilance, à poursuivre et amplifier les convergences de lutte pour, à partir de nos proposition.

Aujourd’hui, la direction invoque la fin du règlement sucrier européen qui doit, à l’horizon 2017, élaguer les quotas et faire chuter le cours du sucre. Un rideau de fumée pour la CGT qui invoque 774 millions d’euros de dividendes remontés à Südzucker ces six dernières années, malgré un prix de l’or blanc qui n’a cessé de baisser.

Fabien Trujillo entre à l’usine en 1999 : « je suis entré en intérim. J’ai été embauché peu de temps après ». Ils étaient encore 300, les perspectives d’emploi étaient meilleures. Il poursuit « la dernière vague de recrutement remonte à 2006, depuis les effectifs se sont constamment effrités ». Le secteur agro-alimentaire reste pourtant très rentable, selon lui « un mauvais taux de rentabilité dans l’agro, c’est 10-11% » . Mais l’actionnaire allemand veut grappiller les centimes en délocalisant en Roumanie.

Photo : Geoffroy Mathieu

L’attrait du terrain sur lequel est implanté le site soulève également des questions. Dix hectares dont un tiers occupé par les installations, les promoteurs immobiliers se lèchent les babines. La proximité des extensions d’Euroméditerranée s’additionne aux soupçons. Et d’ajouter le désintérêt politique : « lors de la première annonce de fermeture, en 2007, Samia Ghali (la sénateur maire de secteur) nous avait dit qu’elle viendrait nous voir. On ne l’a jamais vue… ».

Pour démontrer leur bonne foi, les salariés en lutte s’appuient sur des conclusions de la FAO (Organisation des Nations Unis pour l’alimentation et l’agriculture) et de l’OCDE (Organisation de coopérations et de développement économiques). Ces structures avaient rendu un avis défavorable quant au départ du raffinage, remettant en cause l’intérêt économique. Si même eux l’affirment ! L’ogre allemand avait, lui, procédé à ses propres analyses, ben voyons...
Le délégué CGT invoque un simple principe de souveraineté alimentaire : « si Südzucker veut fermer du jour au lendemain son sucre en France, qui peut l’en empêcher ? ». Une compagnie qui, il faut le préciser, a été récemment condamnée en Allemagne pour entente illicite.

Ce mercredi 27 mai, un CCE extraordinaire se tenait à Paris. Les représentants syndicaux (CGT, FO, CFDT) avaient en face d’eux la direction générale de Saint Louis Sucre. Ils ont adhéré au plan de départ volontaire (PDV) renégocié, qui comprend quatre volets : les départs en retraite, en pré-retraite, les mutations internes et les départs pour création d’entreprise (ils bénéficieraient de primes de soutien). Le PDV doit être enclenché le 1er juillet.
Les syndicats ont transmis leur projet à la direction. A un mélange betterave/canne, ils préfèrent tout miser sur la canne à sucre, une denrée française, et ainsi perpétuer les échanges avec les DOM-TOM. Ils évaluent la 280 000 tonnes jusqu’en 2018. Fabien Trujillo y croit « on ne peut pas empêcher les gens qui veulent partir de le faire, mais on ne veut pas abandonner notre outil de production. Le dernier bateau doit arriver en juillet, pour une fin du raffinage en novembre. ».
La bataille pour la sauvegarde de la production est loin d’être gagnée, et se poursuivra l’année prochaine.
Malgré un horizon voilé, les Saint Louis Sucre ont en tête des exemples de résistances vertueuses, les Fralibs en tête. Pour perpétuer une histoire de plus de 150 ans, Fabien l’assure, « aucun boulon ne sortira de l’usine »

Romain Truchet

Venez nombreux soutenir les camarades au stand Saint Louis Sucre et participer à la convergence des luttes lors de la fête pour les dix ans de Rouge Midi :



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