« Boues rouges » en Provence : et si on demandait l’avis des salariés ?

mardi 9 février 2016
par  narosinfo
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Dans les couloirs du congrès de l’UD CGT 13 rencontre avec les délégués d’ALTEO dont l’intervention au congrès a été remarquée, surtout dans le contexte actuel, par nombre de délégués et bien sûr par les camarades de Rouge Midi...

Nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer les différences d’approche entre Rouge Midi [1] et nombre de promoteurs de la campagne sur les boues rouges : désinformation, négation de l’enjeu industriel, sensible mépris des question de l’emploi et puis surtout à cause du fait que les « solutions » proposées engageaient de fait dans une seule voie : la fermeture de l’usine comme si emploi et écologie étaient définitivement incompatibles…

Il y a un autre argument et de taille : et si on demandait l’avis des travailleurs ? Comment prétendre vouloir un débat public sur ces questions et ne pas associer les plus de 800 salariés qui travaillent sur le site ? Un simple coup d’œil sur les moteurs de recherche sur Internet [2] montre qu’il y a là une anomalie que Rouge Midi a décidé de réparer. Pour mémoire l’usine rejette des déchets depuis 1966 sans que cela émeuve grand monde et on dirait que peu se rappelle les propos de la CGT ALTEO (alors Rio Tinto Alcan) remontant à 4 ans en arrière au sujet de l’obligation de l’arrêt des rejets au 31 décembre 2015 « Rio Tinto Alcan avait l’intention de se débarrasser de Gardanne dès qu’ils sont arrivés. Depuis le début ils avaient connaissance de cette échéance, mais ils ont attendu le dernier moment pour faire les investissements nécessaires. » [3]

La parole est donc à Harold Périllous élu au CE CGT d’ALTEO et Alain Gourmelon délégué syndical CGT de l’usine et tous deux présents au congrès de l’UD CGT 13

Rouge Midi : le week-end dernier a eu lieu à Marseille une manifestation contre les boues rouges et leur rejet en Méditerranée : qu’est-ce que cela vous inspire ?

Harold : Il y a une opposition de principe comme si tout ce qui est industrie signifie automatiquement pollution. J’ai envie de dire à tous ceux qui manifestaient : « renoncez tous à vos smartphones et écrans plats et alors on pourra fermer l’usine ». Il faut savoir ce que l’on veut et ne pas faire de désinformation.

Rouge Midi : mais alors qu’en est-il des rejets ?

Harold et Alain : Dans ce domaine il faut être précis car il y a beaucoup de désinformation sur le sujet. Il n’y a plus de rejet de boues rouges (elles sont désormais compactées et utilisées entre autres dans les travaux publics pour réhabilier des sols atteints de pollution acide ou en faire des matériaux de construction etc..)) mais des rejets liquides. Il est vrai que les liquides rejetés contiennent des métaux lourds à des taux de concentration encore supérieurs à ceux préconisés par la convention de Barcelone de 1992 sur la protection de la mer et des milieux maritimes. Pour autant les analyses scientifiques ont démontré que les rejets étaient bien moindres que ce que l’on pouvait redouter. La DREAL sur son site donne tous les détails de son enquête sur le sujet.

RM : mais alors face à cette pollution qui demeure quelle est votre position ?

Harold et Alain : évidemment on ne va pas la nier ni s’en moquer. Le syndicat a toujours eu le souci de la pollution et la volonté que la direction investisse ans la recherche et le développement pour éliminer tout rejet nocif. Les premiers à souffrir des émanations c’est nous et ce sont nos familles qui se baignent dans les calanques ou mangent le poisson de la Méditerranée. De 1966 à 1995 personne ne s’en est inquiété. Que l’on sache, il n’y a jamais eu de problème de santé, dû à la consommation de poissons péchés autour de Cassis. Depuis 1996 et en particulier l’intervention de Corinne Lepage alors ministre de l’environnement un ultimatum a été fixé à notre employeur qui était alors Péchiney. Aujourd’hui c’est 99,95% de la pollution qui a été éliminée. Reste 0,05%

RM : Et pour cela on ne peut rien faire ?

Harold et Alain : la DREAL indique que la technique utilisée, celle des filtre-presse est la meilleure. Dans l’état actuel des connaissances on ne sait pas faire mieux pour les métaux qui restent dans l’eau. Pour donner une idée on rejette aujourd’hui environ 170m 3 d’eau par heure alors qu’on rejetait avant 300 m3 de boues. Curieusement on parle plus de ces eaux que des rejets d’égouts autrement plus polluants. Pour éliminer toute pollution il faut imaginer d’autres solutions pour cette industrie qui est structurante en matière d’emplois pour notre région puisse poursuivre son activité. Il faut comprendre que la production d’alumine se divise en deux catégories : l’alumine de métallurgie et l’alumine de spécialité. Notre production est essentiellement celle d’alumine de spécialité e que donc elle est non seulement capitale pour les près de 900 salariés qui travaillent sur le site mas aussi pour nombre d’industries environnantes. Ainsi elle représente 20% de l’activité de Kem One. Nous estimons que l’activité de notre entreprise représente entre 3000 et 4000 emplois. Cela ne mérite-t-il pas que tout le monde se penche sur la questions des moyens à mettre en œuvre, au-delà de la rentabilité immédiate ?

RM : Justement dans votre intervention au congrès vous abordez des questions qui relèvent d’une vision à long terme. A Rouge Vif 13, on pense que pour investir afin de protéger l’emploi et l’environnement, il faut nationaliser l’entreprise (pas étatiser et remplacer la multinationale par un état patron) pour que les choix de gestion soient faits par les premiers concernés : à la fois pour que les salariés et la population soient maitres de la production, des conditions de sa mise en œuvre, de l’affectation du produit des richesses créées et à la fois pour que s’il y a lieu, il soit fait appel à la nation pour la mise en oeuvre des investissements nécessaires : qu’en pensez-vous ?

Harold et Alain : A titre personnel on est d’accord avec cette idée. Après tout du temps de Péchiney [4] l’Etat était actionnaire à 21%. Nos patrons raisonnent à court terme mais ce n’est pas une raison pour condamner toute activité. Que veut-on ? Fermer Gardanne et laisser le marché de l’alumine à l’Inde ou d’autres pays en voix de développement où les normes environnementales sont catastrophiques sans même parler des conditions sociales ? La question de l’indépendance industrielle du pays n’est-elle pas aussi importante que l’indépendance énergétique ? Veut-on faire de la Provence le bronze-cul de l’Europe ? Comme le disait un délégué du congrès le tourisme ne peut pas être l’activité principale d’une région ou d’u pays. Il ne peut être qu’une activité de complément. On a besoin d’alumine, il faut en produire et se donner les moyens que cela pour le bien de tous.


En médaillon Harold (à gauche) et Alain (à droite)


[1voir articles précédents

[2en cliquant sur GOOGLE boues rouges puis CGT ALTEO on passe de plus de 278 000 réponses à 27 000 et très difficile parmi ces dernières de trouver l’expression directe des salariés

[3Harold Perillous cité sur le site de la ville de Gardanne 7 août 2012

[4ancien propriétaire de l’entreprise NDLR



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