RSA : pourquoi les clichés entretenus par le camp Le Maire sont faux

mardi 10 mai 2016
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Ces dernières semaines, Bruno Le Maire et ses fidèles enchaînent les coups de butoir contre le RSA, proposant notamment que les comptes bancaires de ses bénéficiaires soient fouillés ou affirmant carrément que certains sont de riches propriétaires immobiliers. Autant de caricatures qui ne résistent pas à l’épreuve des faits…

« Vous ne connaissez pas des gens, vous - moi j’en connais - qui touchent le RSA et qui sont propriétaires de maisons qui valent plus d’un million d’euros ? » Cette affirmation, lancée ce lundi 2 mai sur BFMTV et RMC, est la dernière pique en date lancée par le camp de Bruno Le Maire contre le RSA : elle a en effet été prononcée par Thierry Solère, l’organisateur de la primaire du parti Les Républicains qui ne cache pas son soutien au député de l’Eure.

Avant lui, Bruno Le Maire avait déjà proposé la semaine dernière que les départements aient « la possibilité d’avoir accès aux comptes bancaires des bénéficiaires du RSA pour s’assurer que chaque bénéficiaire touche bien le montant dont il a besoin et qu’il n’y ait ni gabegie ni fraude ». Et pour ceux qui n’auraient pas compris l’accusation sous-entendue, Sébastien Lecornu, président LR du conseil du même département, l’Eure, a enfoncé le clou dans Le Monde : « Le RSA est un minima social qui s’applique à une situation d’urgence. Or, quand on a 12.000 euros sur son compte en banque, on n’est pas dans l’urgence ». Suivez son regard…

Un tir nourri contre les bénéficiaires du RSA qui n’est pas sans rappeler le « cancer de l’assistanat » dénoncé en 2013 par un certain Laurent Wauquiez. Sous des airs plus doux, Bruno Le Maire va même plus loin : dans sa version, les « assistés » seraient en plus des profiteurs qui n’en auraient pas réellement besoin ! A vous rendre crédible ce titre du Gorafi - site satirique - en 2013 après la sortie de Wauquiez : « L’UMP veut rendre les allocataires du RSA imposables à l’ISF ». Décryptage des idées reçues véhiculées par le discours lemairiste…

L’épargne des bénéficiaires du RSA ne serait pas prise en compte

FAUX - Non seulement l’épargne des bénéficiaires du RSA est déclarée, mais elle intervient même dans le calcul de l’allocation versée. Une disposition largement méconnue du grand public, qui n’avait été découverte en 2009 que lors des premiers dépôts de dossiers. Pages 4 et 5 du formulaire de la Caf à remplir, il est ainsi écrit : « Déclarez le montant de l’argent placé ou de votre épargne disponible ». Ce qui inclut tous les comptes, livrets et plans d’épargne, même défiscalisés (contrairement au RMI, qui lui exemptait le Livret A et le Livret d’épargne populaire).

Concrètement, les revenus de ce type d’épargne sont calculés en appliquant un taux annuel de 3% au montant total. Exemple : un allocataire qui dispose de 12.000 euros sur son livret A se voit retirer 30 euros par mois de son RSA, soit tout de même 6% de l’allocation de base (524,68 euros) pour un célibataire. Et ce, alors que le RSA est déjà financé… par un prélèvement d’1,1% sur les intérêts tirés de ces placements d’épargne. Mais cela reste insuffisant pour Bruno Le Maire, qui voudrait encore qu’avant de toucher le RSA, on ait d’abord achevé de se retrouver sur la paille.

► Les bénéficiaires du RSA ne seraient pas contrôlés

FAUX - Tout comme l’impôt sur le revenu, le dossier de demande de RSA fait l’objet d’une déclaration sur l’honneur. « Attention, vos déclarations seront systématiquement vérifiées auprès du service des impôts », stipule par ailleurs le formulaire. Sans compter les contrôles mis en place par les départements, de leur propre initiative. Sébastien Lecornu concède ainsi au Monde avoir affecté deux salariés permanents à cette tâche, qui réclament notamment aux allocataires… des relevés de compte bancaire justifiant de leurs revenus.

Finalement, dans son dernier bilan réalisé pour l’année 2014, la Caf rapporte avoir détecté 144 millions d’euros de fraude aux minima sociaux. Une somme qui n’inclut pas seulement les fraudes au RSA mais aussi aux autres allocations (de veuvage, équivalent retraite, adulte handicapé…). La Caf, qui ne précise la part du RSA dans ce total, indique en revanche que « 90% des fraudes détectées au sein de la branche Famille de la Sécurité sociale ont correspondu à des fraudes dont certaines peuvent même être assimilées à des fraudes ’de survie’. Le montant moyen du préjudice est de 6.386 euros, ce qui est peu au regard d’autres types de fraudes aux finances publiques ». Enfin ce montant, même conséquent, doit être rapporté au coût total du RSA : 10,5 milliards d’euros.

► Les riches propriétaires immobiliers pourraient bénéficier du RSA

FAUX - En pointant du doigt des propriétaires de maisons valant plus d’un million d’euros, Thierry Solère entretient dans l’opinion publique les confusions. D’abord, entre domicile principal et revenus immobiliers. Les revenus tirés de la location d’éventuels biens immobiliers, ou de leur revente, sont bien pris en compte dans le calcul du RSA, de même que les revenus des capitaux ou ceux tirés d’actions ou d’obligations. Seul le domicile principal est exempté, pour la même raison qu’il n’est pas pris en compte par l’impôt sur le revenu : c’est un patrimoine, pas un revenu ! Mais quid des bénéficiaires qui habiteraient une maison de plus d’un million d’euros, demande l’élu LR ? Eh bien, il leur arrive la même chose qu’à tout contribuable : ils paient la taxe foncière, la taxe d’habitation et, si leur maison vaut plus d’1,69 million d’euros, l’impôt sur la fortune.

Reste que la déclaration de Thierry Solère soulève un paradoxe, qui revient régulièrement chez les pourfendeurs du RSA : on peut tout à fait, théoriquement, être assujetti à l’ISF et toucher un RSA. Sauf qu’on imagine mal les 300.000 redevables du premier faisant partie de 2,53 millions bénéficiaires du second ! Et que ce ne sont pas les riches que vise la rhétorique lemairiste… D’ailleurs, pour ces derniers, le candidat à la primaire a aussi une proposition dans son sac : supprimer purement et simplement l’ISF, qu’il juge « stupide ». C’est ballot : les 5 milliards d’euros qu’il rapporte, c’est déjà la moitié de ce que coûte le RSA. Mais si on supprime les deux, la boucle est bouclée, non ?

Thomas Vampouille le 02/05/2016

Transmis par Linsay



Le saviez-vous ?
Ironie de l’histoire, c’est dans l’Eure, le département de Bruno Le Maire, qu’a été menée en 2007 la première expérimentation du RSA. A l’époque le député applaudissait même la « décision courageuse » de Nicolas Sarkozy de le financer en taxant les revenus d’épargne.

Il semblerait aussi, à en croire la une du Huffington post reprise en médaillon, qu’en matière de fraude M. Le Maire soit un connaisseur...



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