AMANDLA !

vendredi 7 octobre 2016
par  Charles Hoareau
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Du 5 au 8 octobre, se tient à Durban le 17e congrès de la Fédération syndicale mondiale. La FSM, forte de 95 millions d’affiliés répartis dans 126 pays est en plein renouveau depuis le congrès de La Havane en 2005. Nous vous en parlons jour par jour.

Après les rapports applaudis comme il se doit par les chants et les danses, nous découvrons la technique qu’expérimente et améliore au fil des séances la tribune du congrès pour faire cesser les chorales polyphoniques zoulous dont on a l’impression que rien ne peut les arrêter et qui rythment leurs chants par des battements de mains et des claquements de pieds sur les gradins qui résonnent en cadence alors qu’une part de plus en plus grande des congressistes se lève pour se joindre aux membres de la COSATU en dansant et tapant dans leurs mains.

Quelqu’un lance au micro le cri de lutte des ouvriers sud-africains, cri issu des longues années de lutte contre l’apartheid :
AMANDLA (le pouvoir)
Et la foule des chanteurs-danseurs répond
AWETHU (A nous)
Et en principe ça marche !
Parfois il faut renouveler l’appel plusieurs fois mais il finit par produire son effet et les danseurs s’assoient sagement pour écouter les interventions...jusqu’à la prochaine fois, à la prochaine salve, au prochain enchantement et embrasement de 1500 congressistes entrainés par cette extraordinaire troupe de lutteurs-danseurs tout de rouge vêtu.

Une indienne finit son intervention en criant son refus de l’impérialisme et de la barbarie capitaliste au nom des 180 millions de manifestants qui ont récemment envahi les rues de l’Inde ?

Un camarade du Brésil crie sa colère et son refus du coup d’état ?

Un congressiste dépose à la tribune un présent symbolique pour remercier la FSM de son soutien ? Une gabonaise parle de la place des femmes dans le combat du monde ?

Les acclamations de la salle sont rapidement couvertes par les chants zoulous correspondant à la circonstance et dont la panoplie semble infinie.
C’est alors les représentants de 111 pays qui dansent la lutte à l’unisson !
Prolétaires de tous les pays rassemblons-nous et dansons ensemble !
Il y a tant de choses qui passent dans les mots que l’on ne se dit pas les uns aux autres dans ces moments-là mais qui transparaissent dans les chants et les danses qui font échos aux propos entendus à la tribune.

On est là rassemblés, comme le dit la vidéo du congrès, pour la dignité, pour lutter toutes et tous ensemble contre le système barbare qui menace l’humanité.
Le discours de George Mavrikos s’était terminé par un appel à la confiance en nous-mêmes un appel à la foi dans la victoire. Cette confiance, cet espoir, cette foi, elle s’exprime dans les chants et les danses de cette foule bigarrée, radieuse, unie et universelle.

Évidemment on ne peut ici donner un compte-rendu de toutes les interventions. Ce n’est d’ailleurs pas le but et cette série d’articles ne prétend avoir valeur de compte rendu officiel. La FSM le fera avec le sérieux et le temps qu’il faut pour le faire. On veut juste donner quelques aperçus et les grands traits communs qui se dégagent de celles-ci.

Dans chaque intervention revient un homme, Mandela. C’est tellement fort qu’on a le sentiment qu’il est là et participe au congrès. Chaque intervenant dit sa joie d’être là, que le congrès se tienne en Afrique et surtout en Afrique du Sud, le pays de la longue lutte contre l’apartheid.

La deuxième référence forte est la Palestine. Quasiment toutes les interventions dénoncent la situation faite aux palestiniens (un stand BDS est d’ailleurs présent au congrès) et appellent les participantes et participants à faire encore plus pour le peuple palestinien. Qu’il me soit permis ici de dire à mes camarades de France qui, depuis tant d’années, parfois avec le sentiment de découragement devant notre trop petit nombre, luttent pour que le peuple palestinien retrouve ses droits, qu’ici nous mesurons à quel point nous ne sommes pas seuls. Les écharpes de la Palestine sont au cou de nombre de camarades. La classe ouvrière du monde est partie prenante du combat et reviennent en mémoire les mots de Mandela : « on ne sera jamais totalement libre tant que la Palestine sera occupée », ici ils sont les mots de toutes et tous.

Au hit-parade des mots les plus employés il y a les mots capitalisme, impérialisme, syndicalisme de classe. Ici on n’est pas dans la formule passe-partout ou dans le slogan convenu ou dogmatique. Il n’y a guère d’effet de manche ou d’envolées oratoires mais des interventions que l’on devine préparées avec soin pour donner la réalité du pays. Si c’est mots sont employés avec force c’est simplement parce que, surtout pour un habitant des pays dominés, qui constituent d’ailleurs l’essentiel des affiliés à la FSM, l’impérialisme est quelque chose de concret que l’on vit tous les jours dans sa chair. Qu’il s’agisse des syndicalistes emprisonnés ou tués en Amérique du Sud par des mercenaires soutenus par les capitalistes des USA, des habitant-e-s d’Asie qui subissent la domination des États-Unis et du Japon ou des africains dont la terre est pillée sans vergogne et dont l’indépendance est encore un combat contre les valets d’une colonisation qui n’a guère cessé malgré les apparences. Ici le mot lutte pour la libération prend tout son sens…

Suite aux rapports la première intervention a été faite par un pays non adhérent de la FSM mais qui a tenu à dire ici son amitié avec elle. Il s’agit de la Chine et ce n’est pas rien pour qui connait la réalité syndicale mondiale. Si la CSI revendique 120 millions d’affiliés et la FSM 95 millions, la Chine à elle seule comptabilise 100 millions de syndiqué-e-s. Évidemment que si les chinois décidaient un jour de rejoindre la FSM cela changerait d’un seul coup totalement la donne. Pour l’heure ils sont simplement venus dire au congrès leur amitié avec la FSM et leur salut à l’opposition constante de la FSM aux guerres impérialistes au nom de syndicats chinois qui veulent « la paix, l’unité mais pas l’uniformité ».

Ensuite tout au long de cette première journée vont se succéder les interventions de pays et d’UIS [1]

La première, très applaudie (et donc chantée vous avez traduit…) est celle de la CTB, la centrale des travailleurs brésiliens qui dénonce le coup d’état et l’impérialisme des États-Unis. Elle est suivie par celle de la première UIS, celle de l’agroalimentaire faite par un français de la CGT, Julien Huck. Cette UIS regroupe 123 organisations de 86 pays. Il parle de la situation mondiale dans l’agriculture et des liens tissés par l’UIS avec les organisations paysannes du monde entier.

Puis vont se succéder à la tribune l’Afrique du Sud, le Viet Nam, l’UIS éducation, celle des retraités, celle des services publics (qui dans la conception de la FSM, et ce n’est pas une surprise, regroupe aussi les organismes de protection sociale), l’Iran, la Corée du Nord, l’OUSA [2], l’Inde, l’UIS du bâtiment, l’Egypte, le Paraguay…

Le défi que se donne la direction de la FSM c’est que chaque pays puisse parler au moins une fois (et parfois plus quand il y a dans un même pays comme l’Inde ou le Brésil plusieurs confédérations syndicales différentes affiliées à la FSM). Et ce n’est pas simple : 7mn par intervenant !

De ce défilé passionnant on retient pêle-mêle : la lutte des enseignants en Algérie et la proposition d’une conférence contre le terrorisme dont la source est l’impérialisme, la casse généralisée des services publics dans les pays dits démocratiques (sic !), le fait que la FSM seule organise les retraités catégorie de salarié-e-s qui ne semble pas intéresser la CSI, le cri de colère venu de cette femme indienne : « nous sommes des producteurs, des créateurs, nous n’avons pas besoin d’impérialisme…ce sont les USA qui créent les groupes terroristes puis font semblant de les combattre…Nous comprenons les manœuvres, nous ne permettrons pas une nouvelle colonisation avec l’aide de la banque mondiale et du FMI » (Chants et danses évidemment)

Un autre grand « présent » à ce congrès est Karl Marx, souvent cité pour ses propos qui apparaissent ici prémonitoires et les leçons que les travailleurs en tirent pour leur propre organisation.

Quand on parle de l’impérialisme ce n’est pas seulement les pays du sud qui y font référence et c’est heureux. Il y a aussi cette intervention remarquée du Danemark qui souligne en conclusion la nécessité de renforcer la FSM dans les pays riches, pays sources de ce fléau et évidemment il est très…dansé !

A suivre

Charles Hoareau

PS à cause des difficultés de connexion nous n’avons pas vous vous transmettre toutes les photos et vidéos mais nous le ferons dès que possible : Amandla !


[1Unions Syndicales Internationales, qui regroupent les travailleurs du monde par grandes professions. Les UIS ont un périmètre qui ne correspond pas forcément à celui de la FSM, bien qu’émanant d’elle. Soit parce qu’il n’y a pas de fédération professionnelle affiliée dans tous les pays où la FSM est implantée, soit parce que des fédérations adhèrent à l’UIS sans adhérer à la FSM.

[2organisation de l’unité syndicale africaine



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