Le Président Obama part, le blocus reste (Granma)

mardi 25 octobre 2016
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Cette année-ci, vraisemblablement à cause de la modification des relations entre les deux pays et surtout des tentatives visibles de l’administration Obama d’ « amadouer » la jeunesse cubaine, cible, avec les travailleurs à leur compte, de son intervention au Grand Théâtre de La Havane le 22 mars dernier, la Révolution cubaine a tenu à la conscientiser davantage sur les effets du blocus et sur le fait que celui-ci se maintient pour l’essentiel.

Le 17 octobre, donc, une journée a été organisée sur les réseaux sociaux (Tweeter, Facebook, etc.) autour d’une étiquette relative au blocus et permettant de « voter » contre les sanctions étasuniennes. Le clou de la journée a été celle organisée à l’Université de La Havane où un wifi public avait été installé, réunissant des milliers d’étudiants et de jeunes. Là, Josefina Vidal, directrice générale du département États-Unis au ministère cubain des Relations extérieures, s’est entretenu avec le public au sujet des relations avec le voisin du Nord et a répondu à ses questions. Je crois l’avoir dit à un autre moment : Josefina Vidal, qui a vraisemblablement participé – la logique le laisse supposer – aux négociations secrètes avec l’administration Obama qui ont abouti à la reprise des relations diplomatiques, est devenue depuis, compte tenu de son poste, la tête visible et pensante des différentes conversations soutenues avec les USA. Elle est devenue une figure publique et elle a forcé l’admiration et l’intérêt de la population par sa maîtrise des dossiers et par la sympathie qu’elle dégage. Son intervention devant les étudiants havanais est vraisemblablement, à ma connaissance, l’une des meilleures et des plus complètes sur le blocus, sur la Directive présidentielle d’Obama et ses nouvelles mesures, et sur l’état des relations avec les États-Unis. Sa lecture en vaut la peine, croyez-moi.

Jacques-François Bonaldi

Texte intégral de l’intervention de Josefina Vidal, directrice générale du département États-Unis au ministère cubain des Relations extérieures (MINREX) à l’Université de La Havane, durant la journée contre le blocus, le 17 octobre 2016

(Publié dans Granma, jeudi 20 octobre 2016)

Bonjour à tous.

Je vous remercie de m’avoir invitée à me joindre à tous les jeunes réunis ici, à l’ensemble du peuple cubain, pour voter à mon tour, comme je l’ai déjà fait à travers Internet et les réseaux sociaux, contre le blocus, parce qu’il fait du mal au peuple cubain, il fait du mal à Cuba dans son ensemble, il fait du mal au fonctionnement de notre économie, il fait du mal aux relations de Cuba avec des pays tiers et de pays tiers avec Cuba, et il fait même du mal aux relations que nous pourrions avoir avec les États-Unis eux-mêmes. Voilà pourquoi nous voterons contre le blocus, et ceux qui ne l’auraient pas encore fait peuvent encore le faire sur la page web « Cuba contre le blocus ».

Avant d’engager la conversation – parce que j’ai compris qu’il s’agit de ça avec vous et que vous allez me poser des questions, je ne veux pas que ce soit un monologue – je voudrais que vous me permettiez de faire quelques brèves réflexions en guise d’introduction – je ne vais pas m’étendre longuement – car, voilà trois jours, les États-Unis ont fait deux annonces : d’abord, une Directive de politique présidentielle, intitulée Normalisation des relations USA-Cuba ; ensuite, le cinquième train de mesures pour modifier certains aspects pratiques du blocus.

J’en ai parlé dès vendredi dernier au ministère, à travers la presse cubaine, et sur des sites numériques comme CubaDebate, mais j’estime important, puisque nous avons eu un peu plus de temps durant le week-end pour réfléchir sur ces mesures annoncées ce vendredi 14 octobre, de partager avec vous quelques réflexions et quelques conclusions préliminaires auxquelles nous avons abouti après avoir étudié et analysé ces deux annonces.

Je voudrais parler d’abord de la Directive de politique présidentielle sur Cuba. C’est la première sur Cuba qu’émet et qu’approuve le président Obama qui, comme vous le savez, est sur le point d’abandonner le gouvernement dans quelques mois, exactement le 20 janvier 2017, quand la nouvelle administration issue des élections qui auront lieu le 8 novembre, dont très bientôt, prendra la direction du pays.

Comme je l’ai dit avec certains médias que nous avons convoqués aussitôt au Minrex, vendredi dernier, pour faire connaître notre première réaction à cette Directive et comme je le réitère aujourd’hui, nous estimons qu’elle constitue un pas significatif en direction de la levée du blocus et de l’amélioration des relations avec Cuba.

C’est la deuxième fois qu’un président étasunien émet une Directive qui donne des indications aux différentes branches du gouvernement fédéral afin d’engager et de conduire un processus vers la normalisation des relations avec Cuba. Le premier à le faire avait été le président Carter en 1977, j’ai ici une copie du document original. C’était une directive indiquant les mesures exploratoires à prendre pour normaliser les relations avec Cuba, et elle est restée secrète jusqu’en 2002 quand il a demandé à sa bibliothèque de la déclassifier et qu’il l’a apportée avec lui pour nous la remettre dans le cadre d’une visite qu’il avait faite à Cuba à ce moment-là. C’était une directive simple, brève, d’à peine une page et demie. Comme vous le savez, les relations avec Cuba se sont dégradées et Carter n’a pas pu, durant sa présidence, avancer vers la normalisation des relations.

Maintenant, le président Obama vient d’émettre un document un peu plus long, une quinzaine de pages dans la traduction espagnole, et je veux vous dire ce que j’en pense.

Cette Directive constitue un guide pour conduire un processus qui devrait conduire à la normalisation des relations. Mais il faut tenir compte d’un facteur : c’est un document qui reflète le point de vue du gouvernement étasunien et qui, par conséquent, ne peut se débarrasser de ce qui a marqué historiquement la vision des États-Unis envers Cuba : l’ingérence.

Je voudrais faire une brève dissection de sa teneur. Et je commencerais par ce qu’il contient à mon avis de favorable. Tout d’abord, il s’agit d’un effort – il faut le reconnaître – pour tenter de garantir pour l’avenir la continuité de la politique actuelle, qui a démarré le 17 décembre 2014, mais uniquement à condition que le futur président décide de suivre sur cette voie. C’est une directive présidentielle, et les futurs présidents n’ont donc aucune obligation de s’y plier au pied de la lettre. Peut-être certains le feront-ils, et peut-être certains ne le feront-ils pas, l’abrogeront-ils tout simplement et émettront-ils une directive absolument différente. En tout cas, il faut reconnaître que c’est un pas en avant, un guide qui peut servir à un futur président étasunien à poursuivre cette politique.

Cette Directive reconnaît pour la première fois – car c’est bien la première fois que cela apparaît dans un document officiel du gouvernement étasunien – l’indépendance, la souveraineté et l’autodétermination de Cuba, autrement dit les principes essentiels sur lesquels doivent reposer nos liens futurs et sur lesquels nous n’avons pas cessé d’insister depuis que nous avons rétabli nos relations avec ce pays.

Cette Directive reconnaît aussi – et là encore, c’est la première fois – la légitimité du gouvernement cubain. Il faut savoir que durant plus de cinquante-cinq ans, la politique des États-Unis a consisté à ne jamais reconnaître le gouvernement cubain comme un interlocuteur légitime, et c’est ce sceau qui a marqué leur politique pendant tout ce temps-là.

Donc, cette Directive reconnaît le gouvernement cubain comme un interlocuteur valide, sérieux, légitime, l’égal du gouvernement étasunien. Mais elle reconnaît aussi les avantages que des relations de coexistence civilisée auraient pour les deux pays et pour les deux peuples, malgré les grandes différences qui existent entre nous et qui, bien entendu, continueront d’exister à l’avenir.

La Directive propose notamment de continuer de développer les liens avec le gouvernement cubain et la coopération dans des domaines présentant un intérêt mutuel. Et elle réitère quelque chose que le président Obama a dit à plusieurs reprises : que le blocus est périmé et doit être levé, et elle exhorte une fois de plus le Congrès des États-Unis à travailler dans ce sens.

Voilà les facteurs essentiels de la Directive que nous considérons favorables. Mais elle contient aussi une série de points où l’ingérence apparaît.

La Directive ne cache pas – et c’est visible dès les premiers paragraphes – que la politique étasunienne vise à favoriser les intérêts du pays à Cuba, à fomenter des changements dans l’ordre politique, économique et social de notre pays. Elle traduit aussi un intérêt très marqué pour le développement du secteur privé à Cuba – nous savons pourquoi ils insistent, eux, sur ce point – et conteste profondément le système politique que nous nous sommes donné, nous les Cubains.

Cette politique ne renonce pas – de fait elle reconnaît qu’elle le fera à l’avenir – à recourir à des vieux instruments de la politique passée, de la politique hostile envers Cuba, et la Directive mentionne en particulier que les transmissions de radio et de télévision illégales se poursuivront contre notre pays, que les programmes visant ce qu’ils appellent, eux, « la promotion de la démocratie » se poursuivront, alors que ce sont des programmes subversifs qui se proposent de provoquer des changements dans notre pays, et que les États-Unis ont bel et bien l’intention de toucher un vaste gamme de la société cubaine dans l’exécution de ces programmes.

Enfin, la Directive dit clairement quelque chose de très important – ce n’est pas le dernier point de la Directive, mais c’est la dernière réflexion que je ferai devant vous : que les États-Unis n’ont pas la moindre intention de modifier le traité qui a entraîné l’occupation d’une partie du territoire cubain, à savoir la base navale de Guantánamo.

Pour résumer, quelles sont les conclusions que nous avons tirées de notre analyse de cette Directive de politique présidentielle sur la normalisation des relations avec Cuba ? Elle établit une nouvelle politique, après avoir reconnu que la précédente avait fait fiasco. Mais en quoi a-t-elle fait fiasco ? En ce qu’elle n’est pas parvenue à imposer à Cuba les changements qui répondaient aux intérêts des États-Unis. Donc, la politique se modifie, mais pas dans son objectif stratégique qui est de continuer de provoquer des changements dans notre pays. Et pour ça, elle recourt à de vieilles méthodes, comme je l’ai dit, à des méthodes du passé : les programmes subversifs, les transmissions de radio et de télévision illégales, certaines restrictions du blocus que le président Obama pourrait assouplir par simple décision exécutive et qu’il ne fait pas autant que le lui permettraient ses prérogatives. Mais ces instruments du passé se combinent à des nouvelles méthodes en accord avec la nouvelle réalité bilatérale : les échanges de toutes sortes entre les deux pays, le commerce limité – limité parce que les modifications aux restrictions qui l’entravent ont été minimes à ce jour – le dialogue et la coopération avec le gouvernement cubain sur des questions d’intérêt mutuel.

La Directive réitère l’appel au Congrès pour qu’il lève le blocus, sous prétexte qu’il s’agit d’un fardeau périmé qui pèse sur le peuple cubain, mais elle affirme clairement que s’il est important de le lever, c’est parce qu’il constitue une entrave à la promotion des intérêts des États-Unis à Cuba.

La Directive, je l’ai déjà dit, reconnaît l’autodétermination et l’indépendance de Cuba, la légitimité du gouvernement cubain, elle va jusqu’à affirmer que les États-Unis ne prétendent pas imposer un nouveau modèle à notre pays et que c’est au peuple cubain qu’il correspond de prendre ses décisions, mais elle renonce pas pour autant aux visées habituelles de la part des États-Unis : s’immiscer dans les affaires intérieures de notre pays.

Bref, la Directive contient des conceptions et des visées qui contredisent l’objectif qu’elle affiche : normaliser les relations avec Cuba.

Je tiens à le répéter ici une fois de plus : le gouvernement cubain désire nouer des relations de respect et de coopération avec les États-Unis, mais uniquement sur des bases de pleine égalité et réciprocité, de respect absolu de notre indépendance et de notre souveraineté, et sans aucune ingérence de quelque genre qu’elle soit.

De même, le vendredi 14 octobre, et là nous nous rapprochons du thème du blocus qui nous réunit ici, les départements étasuniens du Trésor et du Commerce ont annoncé un nouveau train de mesures qui modifie certains aspects pratiques du blocus.

Ces mesures entrent en vigueur aujourd’hui. Comme je l’ai dit vendredi dernier dans une déclaration préliminaire à la presse, elles sont constructives, mais leur portée est très limitée. Il suffit d’en voir la teneur pour s’en rendre compte. La plupart visent à amplifier des transactions déjà approuvées antérieurement et qu’il a été très difficile en règle générale de mettre en œuvre, d’appliquer, tout simplement parce que toute une série de restrictions encore en vigueur empêche de le faire.

Je vais résumer les limitations fondamentales que nous avons constatées dans ces nouvelles réglementations.

Tout d’abord, elles ne permettent toujours pas d’investissements étasuniens à Cuba, alors que c’est quelque chose que le président Obama pourrait autoriser. Je rappelle qu’en janvier 2015 et dans les trains de mesures antérieurs, Obama a autorisé des investissements étasuniens à Cuba, mais uniquement dans les télécommunications, ce qui prouve, comme le dit le slogan électoral d’Obama, que « oui, c’est possible ». Pourtant, il n’a pas voulu utiliser ses prérogatives présidentielles pour permettre aux sociétés étasuniennes de faire des investissements à Cuba dans bien d’autres domaines de notre économie, et pas seulement dans les télécommunications.

Les exportations des États-Unis vers Cuba restent toujours bornées aux ventes très limitées approuvées dans les trains de mesures antérieures, ce qui exclut que ces produits étasuniens puissent être destinés aux branches essentielles de l’économie cubaine.

Pour vous faire une idée, sachez qu’aucune exportation étasunienne n’est permise vers le tourisme, vers la production énergétique, vers le forage et la prospection pétrolière, vers l’industrie minière, autrement dit certaines des branches les plus importantes de notre économie.

Par ailleurs, en règle générale, Cuba ne peut exporter aucun produit aux États-Unis. La seule exception vient de tomber dans le dernier train de mesures annoncé vendredi dernier, et sans doute à cause des nombreuses réclamations de certaines compagnies étasuniennes intéressées : désormais, Cuba pourra exporter des produits pharmaceutiques fabriqués par des entreprises publiques cubaines. Car celles-ci n’ont pas le droit d’exporter, et la seule exception maintenant, ce sont les produits pharmaceutiques. Tant mieux, c’est une bonne nouvelle ! Bien entendu, il faudra attendre que l’Agence des aliments et des médicaments des États-Unis autorisent et certifient ces produits cubains pour qu’ils puissent être vendus finalement là-bas, mais c’est en tout cas une mesure constructive.

Il y a quelque chose de très curieux. Quand ce train de mesures a été annoncé vendredi dernier, une nouvelle a fait le tour du monde : « Les Étatsuniens qui visitent Cuba pourront désormais acheter des cigares et du rhum sans limitation et les remporter aux États-Unis pour leur usage personnel ». Bienvenus donc les Étasuniens qui pourront maintenant acheter des cigares et du rhum à Cuba ! C’est la fin de ce qui me paraissait une prohibition ridicule : en effet, quand ils venaient ici, les Étatsuniens pouvaient acheter seulement un disque, un livre, une œuvre d’art, grâce à une exception adoptée à la fin des années 80 concernant les achats en rapport avec l’information et la culture ; mais, jusqu’à présent ils ne pouvaient pas acheter du rhum, des cigares, du café et bien d’autres produits cubains intéressants. Maintenant, donc, ils pourront le faire, l’interdiction a été levée. Oui mais, attention, ça ne veut pas dire que les entreprises cubaines de rhum et de cigares sont autorisées à vendre leurs produits aux États-Unis ! L’effet de cette mesure sera donc très limité quant aux bénéfices qu’elle peut apporter à l’économie cubaine.

Par ailleurs, l’administration Obama n’a annoncé aucune nouvelle mesure dans le domaine financier. Comme vous le savez, la marge de manœuvre de Cuba à cet égard reste très restreinte vis-à-vis des États-Unis et du reste du monde. Bien que Cuba ait été autorisée en mars dernier à utiliser le dollar dans ses transactions internationales, je vous répète qu’à ce jour, parce que je l’ai vérifié samedi avec les contreparties cubaines, Cuba n’a pas encore pu faire de dépôts en liquide ni payer des tiers dans cette monnaie. Il s’agit donc d’une mesure qui attend toujours sa mise en œuvre, et ça se doit en particulier au fait que les banques du monde restent terrifiées par le risque que signifient des opérations et des relations avec Cuba qui peuvent entraîner de très lourds amendes, comme c’est arrivé ces dernières années. De plus, Cuba ne peut toujours pas ouvrir des comptes correspondants dans des institutions bancaires étasuniennes.

Voilà pourquoi nous estimons, et je le redis ici en guise de conclusion, que les nouvelles mesures adoptées et qui entrent en vigueur aujourd’hui bénéficient plus aux États-Unis qu’à Cuba et au peuple cubain. Le blocus persiste. Le président Obama vient de réitérer dans la Directive qu’il a signée vendredi dernier que le blocus doit être levé, mais le fait est qu’il n’a pas encore utilisé toutes ses prérogatives exécutives pour contribuer décisivement à son démantèlement. Il va conclure son mandat dans trois mois, il part, mais le blocus reste. Tant que cette situation se maintiendra, Cuba continuera de présenter devant les Nations Unies sa résolution qui en demande la levée. Nous le ferons à nouveau dans neuf jours, mercredi 26 octobre. Nous vous invitons tous à suivre la couverture qu’en fera notre télévision depuis le siège de l’ONU à New York et nous espérons que, comme c’est arrivé ces dernières années, le monde, comme nous venons de le faire, votera contre le blocus.

Je vous remercie. (Applaudissements.)

Maintenant, je vous invite, parce que je vous avais promis, et je crois avoir tenu ma promesse, d’être assez brève sur un thème aussi complexe et très embrouillé, à me poser des questions,

Rachel (Institut supérieur des relations internationales). Vous avez parlé au début des nouvelles normes ou directives annoncées récemment. Nous sommes en pleine campagne électorale aux USA, avec des élections qui ressemblent plutôt à un cirque qu’autre chose, entre Hillary Clinton, qui dit vouloir maintenir ces avancées dans les relations entre les deux pays, et le Parti républicain représenté par Donald Trump qui veut plutôt ne pas suivre les mesures d’Obama. Ces nouvelles normes auraient donc un effet éphémère ? Ensuite, quelle serait la position dans ce cas du gouvernement étasunien à partir de ces nouvelles normes ? Quelle serait la position des républicains et des démocrates à ce sujet, et par rapport aux relations Cuba et les USA ? Ces avancées vont-elles se maintenir ? Ou alors il y aura un autre genre de relations ?

Josefina Vidal. Nous saurons tous le 8 novembre, plus tôt ou plus tard dans la nuit en fonction des résultats serrés ou non de ces élections, quel sera le prochain président des États-Unis qui entrera en fonctions le 20 janvier 2017.

Je vous le répète, la Directive présidentielle est d’Obama. Ce sont donc en principes des instructions adressées à son administration pour les relations avec Cuba. Le prochain président n’a aucune obligation de la continuer, il peut l’abroger totalement, émettre une nouvelle directive, ou l’amender pour y introduire des changements, il peut même la classer et ne faire absolument rien. Autrement dit, tout dépendra de la volonté de la prochaine administration par rapport à Cuba. La Directive concerne uniquement l’administration Obama pour le moment, mais au cas où un prochain président, maintenant ou plus tard, souhaiterait continuer de normaliser les relations avec Cuba, je crois qu’elle pourrait servir comme point de référence pour tirer profit des expériences qui pourraient être positives, ainsi que des choses qui ne fonctionnent pas pour avancer dans cette direction. Donc, c’est une directive de ce président-ci que le suivant n’est pas obligé de maintenir, mais qui peut servir de guide pour l’avenir.

Quand cette Directive a été annoncée, on a dit qu’elle dérogeait de nombreuses autres qui étaient en vigueur par le passé. Pour le moment, nous sommes en train de l’analyser et nous avons demandé l’aide de compagnons très experts en la matière, nous faisons une sorte d’étude historique pour parvenir à déterminer quelles sont ces autres directives du passé encore en vigueur et qu’aucun autre président n’a révoquées, mais qui n’étaient tout simplement pas appliquées, ce qui peut nous donner la mesure de ce qui peut se passer à l’avenir.

Je me rappelle qu’en 1985 le président Reagan avait émis une directive présidentielle instruisant le département d’État de ne délivrer de visa à aucun membre du Parti communiste de Cuba ni à aucun Cubain travaillant pour notre gouvernement. Cette directive était encore en vigueur, semble-t-il. C’est l’une de celles dont nous devons maintenant confirmer la dérogation ou non. Tout au long de ces années-ci, a-t-elle été appliquée ou non ? Reagan, lui, l’a appliquée rigoureusement et presque aucun Cubain qui voulait aller aux États-Unis pour des échanges culturels, scientifiques, éducationnels, ni aucun fonctionnaire de notre gouvernement n’a pu le faire. Ensuite, d’autres administrations ont assoupli cette interprétation et ne l’ont pas appliquée. Ça vous donne une idée de la façon dont on peut jouer avec ce genre d’instrument. En tout cas, je le redis, la directive est d’Obama, un autre président n’est pas obligé de la suivre, mais elle peut servir de référence au cas où il voudrait suivre une politique similaire.

Jorge Serpa (Faculté de géographie, Université de La Havane). Le vote aux Nations Unies est pour bientôt, le 26 octobre. J’aimerais savoir quel est le climat qui règne en ce moment à l’ONU et, en particulier, si on sait quelque chose de la position qu’Israël va adopter.

Josefina Vidal. La position des pays, surtout de celui au sujet duquel tu me demandes, nous la saurons le jour du vote. Ce que je peux vous dire, en tout cas, c’est que, même si c’est en septembre que notre ministre a présenté officiellement le rapport de Cuba sur le blocus ici, à La Havane, notre gouvernement l’avait déjà remis en juin au secrétaire général des Nations Unies. De très nombreuse nations du monde et des organismes de l’ONU ont aussi présenté leurs propres rapports pour expliquer comment l’application collatérale, extraterritoriale du blocus avaient des retombées négatives sur eux. Notre Mission à l’ONU a été très active, informant constamment toutes les représentations auprès de cette Organisation des dernières sanctions du blocus qui ont continué de se présenter encore tout récemment.

La semaine dernière, nous avons su qu’une institution bancaire a refusé de virer l’argent représentant la quote-part d’inscription de Cuba à l’Union interparlementaire. Voilà des mois que Cuba ne parvient pas à payer sa quote-part d’inscription à l’Association des États des Caraïbes, parce que des banques internationales ont refusé de faire le virement correspondant, alors qu’il s’agit pourtant d’organisations membres de l’ONU et dans des monnaies autres que le dollar. Ce qui prouve que le blocus reste en vigueur et continue de porter préjudice à Cuba. Nous espérons donc – sans anticiper sur le vote, attendons le 26 octobre – que la communauté internationale sera à nos côtés et demandera la levée du blocus.

Greisy (ISRI). Professeure, nous avons entendu dire très souvent que le président Obama ou n’importe quel autre disposait de prérogatives qui pouvaient transformer le blocus en une coquille vide, sans attendre que le Congrès le déroge. Alors j’aimerais que vous nous rappeliez une fois de plus quelles sont ces prérogatives que lui ou n’importe quel autre président n’a pas encore utilisées.

Josefina Vidal. Vous le savez certainement, parce que ça fait des années que nous en parlons, le blocus a démarré à l’époque du président Kennedy qui a émis une directive établissant au départ ce qu’il a appelé un « embargo sur le commerce avec Cuba ». Donc, au départ, ça concernait le commerce. Mais d’autres éléments se sont ajoutés graduellement, touchant les relations financières, les services, etc., pour finir par aboutir à ce qui est aujourd’hui un blocus, autrement dit un lacis inextricable de réglementations qui empêchent pratiquement la moindre relation économique, commerciale et financière normale entre Cuba et les États-Unis.

En 1996, dans le cadre d’une lutte entre les secteurs qui s’opposaient à la levée du blocus et ceux qui exerçaient des pressions pour que cette politique soit éliminée, et par suite de tensions dans les relations bilatérales et de la décision du gouvernement d’alors de durcir le blocus, le Congrès a adopté la Loi Helms-Burton et le président Clinton l’a entérinée en mars de cette année-là.

La loi Helms-Burton a introduit un changement important en ce qui concerne le blocus. Dans quel sens ? Eh bien, elle a retiré au président la prérogative de l’éliminer par une simple signature. Jusque-là, n’importe quel président étasunien pouvait mettre fin de lui-même au blocus ; à partir de 1996, le président a cessé d’avoir ce privilège qui est passé aux mains du Congrès.

Donc, pour que le blocus disparaisse un jour totalement, le Congrès doit en voter la levée. Mais vous pouvez imaginer la complexité d’un vote de ce genre au Congrès, qui compte 435 représentants à la Chambre et 100 sénateurs. Mais bien des gens travaillent désormais dans ce sens, et je pense que le mur du blocus va s’effondrer tôt ou tard.

Mais il y a quelque chose de très important. La Loi Helms-Burton, tout en ayant retiré au président sa prérogative d’éliminer définitivement le blocus d’un simple trait de plume, affirme aussi : « Ceci n’élimine pas les prérogatives du président d’autoriser des transactions données avec Cuba ». Le président conserve d0nc d’autres prérogatives qui lui permettent, pour parler en langage simple, de retirer des briques au mur du blocus. Clinton, d’ailleurs, l’avait fait. Deux ans après l’adoption de la Loi Helms-Burton, Clinton avait permis de nouveau de faciliter un peu les voyages d’Étatsuniens à Cuba, les visites familiales de Cubains vivant aux États-Unis, quelques envois de fonds, des échanges qualifiés d’ « interpersonnels », des échanges éducationnels. Il l’avait fait, et personne ne l’avait critiqué, car la loi le lui reconnaissait comme prérogative. Et Obama l’a fait à son tour, tout doucement, au début de son mandat, quand il a permis à nouveau les visites familiales à Cuba, l’envoi de fonds, et, depuis 2015, il a adopté cinq trains de mesures. Mais il peut faire plus, il n’est pas allé au bout de ses prérogatives.

Je vais vous résumer les choses qu’Obama ne peut pas changer parce qu’elles sont écrites sur la pierre dans les différentes lois du blocus. Rappelez-vous que le blocus, ce n’est pas une seule loi, c’est de nombreuses lois.

Premièrement, je l’ai dit, Obama ne peut mettre fin au blocus à lui tout seul, cela incombe au Congrès. Deuxièmement, aux termes de la Loi Helms-Burton, il ne peut autoriser aucune opération concernant des biens étasuniens nationalisés à Cuba. Je prends un exemple hypothétique : si demain les entreprises étasuniennes avaient le droit d’investir à Cuba, Obama ni aucun autre président ne pourrait, parce que la Loi Helms-Burton l’interdit, autoriser qu’une compagnie le fasse dans une usine qui aurait appartenu avant 1960 à une société étasunienne nationalisée ensuite. La loi le lui interdit.

Troisièmement, la loi Torricelli, qui a précédé la Loi Helms-Burton, de 1992, l’une des premières de cette dernière étape de recrudescence du blocus, interdit aux filiales de sociétés étasuniennes dans des pays tiers de faire du commerce avec Cuba. Et là non plus, le président ne peut rien y faire.

Par exemple, si demain une filiale de la compagnie General Electric au Mexique voulait vendre à Cuba des panneaux solaires – selon les réglementations d’Obama, il faudrait de toute façon qu’elle dispose d’un financement, ce qui reste une question en souffrance parce qu’à ce jour, même si c’est maintenant permis, aucune banque n’en offre – eh bien, elle ne le pourrait pas, et c’est la maison-mère aux États-Unis qui devrait s’en charger. C’est contradictoire, n’est-ce pas ? La maison-mère, si ; la filiale, non ! À cause de la Loi Torricelli qui l’interdit. Mais cette loi a sa raison d’être : jusqu’en 1992, Cuba achetait beaucoup de médicaments, d’aliment, d’équipements à des filiales de sociétés étasuniennes dans des pays tiers, et la Loi Torricelli a visé à interdire ce commerce comme un moyen de durcir le blocus.

Quatrièmement, une loi de l’an 2000, la Loi de Réforme aux sanctions et d’expansion du commerce, interdit aux Étatsuniens de faire du tourisme à Cuba tout en permettant des ventes limitées d’aliments à notre pays. Selon cette loi, donc, pour venir à Cuba, les Étasuniens doivent faire partie de douze catégories de voyageurs autorisées, à savoir des échanges universitaires ou culturels, des journalistes, des fonctionnaires de l’administration, des Cubains ayant une famille ici, etc. par conséquent, même si Obama voulait libéraliser totalement les voyages à Cuba, il ne le pourrait pas puisque la Loi Torricelli interdit le tourisme.

Cinquièmement, cette même loi de 2000, qui a autorisé pour la première fois les ventes d’aliments étasuniens à Cuba, a de toute façon établi de nombreuses conditions, entre autres l’interdiction d’octroyer à notre pays dans ce but des crédits publics ou privés et l’obligation pour la partie cubaine de payer cash et à l’avance, ce qui met le secteur agricole des États-Unis en désavantage par rapport à ceux d’autres pays qui pourraient nous octroyer des crédits privés pour faciliter ces importations d’aliments autorisées, à condition, bien entendu, qu’une banque quelconque soit disposée à nous en octroyer à cause des risques qu’implique le blocus.

Voilà donc les choses qu’Obama, ou n’importe quel président, ne pourrait pas faire, parce que la loi le lui interdit. Mais il reste un très grand espace dans lequel il pourrait exercer ses prérogatives, ce qu’il n’a pas fait à ce jour. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? L’administration Obama insiste sur le fait que le président a atteint les limites légales que lui permettent ses prérogatives. Pourtant, de nombreux avocats étasuniens, dont ceux qui conseillent le gouvernement cubain, disent que non, que ce n’est pas vrai, qu’il reste encore une large gamme de mesures qu’il pourrait adopter et qu’il n’a pas adoptées.

Nilexys (Faculté de droit, Université de La Havane). Je fais partie du Modèle de Nations Unies de La Havane. Je voudrais tout d’abord vous remercier, au nom de nous tous, d’être venue partager avec nous cet espace informel qui nous a éclairci des doutes au sujet du blocus. Mais je voudrais que vous nous parliez de la Loi du commerce avec l’ennemi, qu’Obama, malgré le rétablissement des relations, a pourtant prorogée en septembre 2015, ratifiant les sanctions qu’elle implique. Existe-il des possibilités qu’Obama, si c’était possible maintenant, ou le prochain président ne renouvelle pas les sanctions qu’entraîne la Loi du commerce avec l’ennemi, qui date de 1917 ?

Josefina Vidal. Comme c’est une étudiante de droit qui me pose la question, je vais en profiter, et que les autres m’excusent, pour vous expliquer un point qui est bien compliqué.

J’ai toujours affirmé que la mère de toutes les lois du blocus est la Loi du commerce avec l’ennemi, qui remonte à 1917 et qui interdisait de faire du commerce avec les ennemis des États-Unis durant la première guerre mondiale. Une loi très spécifique, comme vous le voyez, une loi qui part d’une situation d’urgence nationale mais qui a permis aux différents présidents étasuniens d’imposer des sanctions à différents pays. C’est cette loi qu’ils ont utilisée dans les années 50 pour imposer des sanctions à la Corée du Nord, et c’est elle qui leur a servi à en imposer à Cuba, ou au Viet Nam ensuite.

Après, le blocus contre nous, qui date officiellement de 1962, s’est appuyé sur d’autres lois : la Loi d’aide extérieure, de 1961 ; la Loi de gestion des exportations, de 1979 ; la Loi Torricelli, de 1992 ; la Loi Helms-Burton de 1996, et la Loi de réforme des sanctions, de 2000. Ce sont les plus importantes, car il existe de très nombreuses réglementations qui découlent de toutes ces lois.

Mais, et c’est pour que compreniez un peu combien toute cette histoire est compliquée, en 1973 le Congrès des États-Unis a commencé à contester le fait que les présidents du pays, à partir de cette Loi de commerce avec l’ennemi, sans même invoquer des situations d’urgence nationale, imposaient des sanctions à leur guise à n’importe quel pays, ce qui portait préjudice aux intérêts économiques des citoyens, et il a donc adopté cette année-là une nouvelle loi, dite des Pouvoirs économiques d’urgence, qui stipulait clairement que pour pouvoir annoncer et imposer des sanctions à de nouveaux pays, le président devait décréter, cas par cas, une situation d’urgence concrète et ne pouvait pas se fonder de façon générale sur une situation d’urgence du passé pour continuer d’imposer des sanctions.

Mais un dilemme s’est alors posé : que faire des sanctions déjà établies à cette date, 1973 ? Kennedy a institué le blocus à Cuba sans partir d’une situation d’urgence particulière avec notre pays, il a tout simplement utilisé comme point de départ la guerre contre la Corée du Nord dans les années 50. C’est tout à fait curieux, n’est-ce pas ? Et c’est à partir de cette « urgence » que les autres sanctions ont continué de tomber. Et c’est alors que le Congrès a dit : non, désormais, pour appliquer des sanctions, le président doit déclarer une situation d’urgence nationale.

C’est ce que les États-Unis ont fait contre le Venezuela, vous vous rappelez ? Avant d’imposer des sanctions à différents fonctionnaires vénézuéliens, le président Obama a dû décréter une situation d’urgence et affirmer que celle qui régnait au Venezuela menaçait les intérêts de son pays.

Donc, durant la discussion de 1973, le Congrès s’est demandé : que faire des systèmes de sanctions déjà adoptés contre Cuba, la Corée du Nord, le Viet Nam ? Et le Congrès a décidé de ne pas y toucher, de les laisser tels quels, qu’ils puissent continuer d’exister à partir de la Loi du commerce avec l’ennemi, mais il a aussi décidé que pour maintenir ces sanctions contre ces pays-là, le président devait chaque année affirmer que cela convenait aux intérêts des États-Unis. Ça a donc été le cas pour la Corée du Nord, jusqu’à ce que George W. Bush a décidé de supprimer les sanctions à ce moment-là, dans le contexte du conflit nucléaire avec ce pays. Ça a aussi été le cas pour le Viet Nam, jusqu’en 1995 où Clinton les a abrogées. Car, en 1995, Clinton pouvait le faire d’un trait de plume ! Rien ne l’en empêchait. Oui, mais depuis 1996, le président ne peut plus le faire, et c’est la raison pour laquelle, depuis cette loi de 1973, le président de service aux États-Unis doit continuer tous les ans, dans le cas de Cuba, de renouveler les sanctions aux termes de la Loi du commerce avec l’ennemi…

Mais il y a quelque chose d’encore plus intéressant, et je conclus là-dessus cette explication complexe : les avocats de l’administration étasunienne disent qu’il est utile de maintenir en vigueur les sanctions contre Cuba aux termes de la Loi de commerce avec l’ennemi, parce que cette loi est la source même des prérogatives exécutives qui, comme le reconnaît la Loi Helms-Burton de 1996, permettent au président d’autoriser des transactions interdites. Autrement dit, s’il ne la signe pas, il perd ces prérogatives…

Pardonnez-moi cette explication complexe, mais c’est une question qu’on nous pose à tout bout de champ, et je pense que la réponse pouvait vous intéresser.

D’ailleurs, il vaut la peine de signaler que si un jour un président décidait de faire autrement et ne prorogeait pas les sanctions imposées à Cuba en vertu de la Loi du commerce avec l’ennemi, le blocus n’en disparaîtrait pas pour autant car d’autres lois en vigueur le sous-tendent.

Lin María (ISRI). Alors, Obama a confirmé la loi toutes ces années-ci…

Josefina Vidal. Bien entendu. Et pas seulement lui. Depuis 1973, tous les présidents ont dû le faire chaque année. La différence, c’est qu’avec Obama, tout le monde y a fait plus attention. Mais voyez un peu quelle contradiction ! Le président Obama affirme que le blocus est périmé, que le blocus fait du tort à Cuba, que le blocus porte préjudice aux intérêts des États-Unis, qu’il faut le supprimer, et pourtant, année après année, il signe un document qui dit qu’il est utile aux intérêts des États-Unis de maintenir les sanctions contre Cuba imposée par la Loi du commerce avec l’ennemi ! Cela fait partie des grandes contradictions que nous constatons encore dans la politique des États-Unis et qui, comme je l’ai dit, se reflètent dans la Directive présidentielle qu’il vient d’émettre.

Lin María. Professeure, on parle toujours des contradictions entre le président et le Congrès. Mais au Congrès même, quelles sont les positions au sujet du blocus, quels sont les intérêts économiques qui interviennent, quels sont les intérêts qui font qu’au Congrès, une grande majorité vote pour maintenir le blocus ?

Josefina Vidal. Au Congrès, toujours plus de secteurs s’opposent visiblement au blocus, je dois le dire, et ça dans les deux partis. Avant, on pouvait dire en règle générale, parce que c’était vrai, que les démocrates étaient pour la levée du blocus, et les républicains étaient contre. Aujourd’hui, on ne peut plus dire ça.

Maintenant, on constate qu’il existe un groupe de démocrates et de républicains toujours plus opposé au blocus. Mais attention ! La plupart d’entre eux ne s’opposent pas au blocus parce qu’il fait du mal à Cuba ou à l’économie cubaine, non : ils s’y opposent parce qu’ils estiment qu’il porte préjudice aux intérêts économiques des États-Unis et à leurs intérêts stratégiques par rapport à Cuba. Mais, en tout cas, le débat s’amplifie, et de nouvelles forces se joignent à ce rejet du blocus.

Pour le moment, il existe plus d’une vingtaine de propositions de loi pour modifier certains aspects du blocus, et, curieusement, la plupart provient des républicains aussi bien à la Chambre des représentants qu’au Sénat. Mais les choses ne sont pas si simples. Pour qu’une loi soit débattue, il ne suffit pas qu’il existe une masse critique qui l’appuie, il faut que les dirigeants du parti qui contrôle le Sénat ou la Chambre des représentants permettent d’inscrire ce projet à l’ordre du jour. Et c’est ce qui se passe : malgré l’appui croissant, malgré l’existence de projets, les chefs de parti, surtout à la Chambre, s’opposent à la levée du blocus et n’ont rien fait pour faciliter la discussion et le vote de ces propositions législatives en séance plénière.

Car, et il faut le dire, il y a une série de propositions législatives qui visent à durcir le blocus ou qui prétendent annuler par la voie législative les décisions exécutives prises par Obama. Par conséquent, cette situation va se maintenir pendant un certain temps. Des élections vont avoir lieu au Congrès en novembre, et je crois que nous devrons attendre l’an prochain pour voir comment le débat tourne.

Je crois que la pluie va nous empêcher de poursuivre nos échanges… D’autres questions ?

. Professeure, le rapport sur les dommages que cause le blocus a été présenté à l’ONU. Nous aimerions savoir quels ont été les préjudices causés l’an dernier, l’augmentation ou la diminution des chiffres de pertes pour notre économie, pour le secteur de la santé, etc.

Josefina Vidal. Le Rapport de Cuba sur le blocus contient de très nombreux chiffres, et je ne peux pas te les citer de mémoire. Les préjudices rien qu’en un an se sont élevés à plus de 4 milliards de dollars (4,68 milliards), et le total accumulé depuis l’implantation du blocus dépasse les 125 milliards de dollars (125 873 000 000) ; si on tient compte de la dépréciation du dollar face à l’or sur le marché international, les dommages se montent à plus de 700 milliards de dollars (753 688 000 000). Le Rapport contient de très nombreux exemples de dommages pour la santé publique, pour l’alimentation, pour le transport, pour la biotechnologie… Lisez le Rapport, regardez les chiffres, et vous constaterez que le blocus fait du mal à l’ensemble de notre économie et à tous les secteurs de notre société.

Je crois que nous avons fini, je vous remercie tous et au revoir (applaudissements).

Josefina Vidal le 19/10/2016

Transmis par Linsay




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