Morts connus et inconnus

jeudi 7 décembre 2017
par  Charles Hoareau
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Mardi un pédant dandy, coqueluche de la "haute" bourgeoisie, grand nostalgique du temps béni des colonies est mort…Il est mort à un âge avancé que nombre des enfants du Vietnam ou d’Algérie n’ont même jamais rêvé d’atteindre…

Il est mort et la presse, les serviteurs zélés du pouvoir, l’aristocratie autoproclamée de l’argent roi, célèbrent « le prince des lettres », « le pape de l’académie française », « l’écrivain au-dessus de la politique » ou « l’idole du temps présent »….
Pour ma part, guère ému par les hommages, comme tant d’autres je repense à la chanson de Ferrat sur les guerres coloniales que le dandy avait tenté de faire interdire :

« Allongés sur les rails nous arrêtions les trains,
Pour vous et vos pareils nous étions la vermine,
Sur qui vos policiers pouvaient taper sans frein,
Mais les rues résonnaient de paix en Indochine !

Nous disions que la guerre était perdue d’avance,
Et cent mille Français allaient mourir en vain,
Contre un peuple luttant pour son indépendance,
Oui vous avez un peu de ce sang sur les mains !

(…) Les maitres ont encore une âme de valets »…

Hier un autre homme est mort. Il était chanteur, avait vendu des millions de disques et les mêmes adorateurs de la plume du Figaro célèbrent la « légende », « l’idole » et en font leurs gros titre et leur une. Jusqu’au président de la république qui explique qu’en ce jour de « deuil national » « nous avons tous quelque chose de [l’évadé fiscal] », et qu’il est un de ces « héros français » grâce à qui notre « pays est grand ».
Rien que ça.

La différence entre le chanteur et le dandy c’est que le premier était populaire alors que l’autre était juste l’amuseur « pétillant » (sic !) des précieuses ridicules de notre temps.

L’un et l’autre, qu’ils l’aient voulu ou pas, depuis avant même que leur corps ne soient froids, sont l’objet de toutes les attentions et de tous les commentaires flatteurs des faiseurs d’opinions, si souvent au service des hommes du pouvoir qui eux-mêmes ne craignent pas d’en rajouter.
Et notre président de sortir des communiqués plus flagorneurs l’un que l’autre et dont on peut douter de la sincérité et de l’absence de calcul…en tous cas pour le chanteur.
Pour le dandy il est logique qu’il le salue comme un de sa classe…

Ainsi va le monde où toute mort célèbre suscite, bien avant qu’elle intervienne, la parution de biographies, d’hagiographies pompeuses, d’articles rédigés à l’avance, de déclarations plus princières que républicaines…Et les journaux télévisés et les programmes en sont tous bouleversés au point que la mort de ces deux hommes éclipse tout…

Dans un « plan de carrière » politique, puisque pour ceux d’en face la bataille d’idées allant s’affaiblissant c’est à cela qu’ils veulent nous conduire, les carriéristes qui ont donc remplacé les hommes et les femmes au service du peuple, peuvent-ils nous servir autre chose que le discours officiel des médias ?

Et nous, peut-on dire que le dandy ne nous fait pas oublier le napalm et que si le chanteur avait une audience et un talent incontestables, nous ne partageons pas forcément l’admiration béate qu’il est de bon ton d’avoir ? Peut-on aujourd’hui dire qu’il faudrait aussi parler d’autre chose, que les médias ne devraient pas dégouliner de manière si disproportionnée, a-t-on le droit de le dire sans passer pour un goujat, un inconscient ou pire commettre un crime de lèse-majesté ?

A-t-on le droit de se dire que, comme dans la Rome antique, pour les hommes du pouvoir le pain et les jeux n’ont rien perdu de leur utilité ? Que toute cette agitation ressemble fort à des temps anciens où le peuple de Paris était sommé de pleurer au passage du cortège funèbre du roi ou de la reine et qu’importaient alors les crimes et les guerres qu’ils avaient commises du temps de leur vivant ?

Ce droit là nous le prenons.

Ce même jour, dans un tout petit recoin des écrans on apprend que l’ONU parle de génocide pour les rohingyas, que les yéménites sont condamnés à mort par dizaines de milliers par les partisans des deux camps guerriers qui se font face, que Trump veut donner un nouveau coup de lance flamme au moyen orient, sans parler de ce qu’on n’apprend pas de la catastrophe climatique qui sévit actuellement au Sri-Lanka et dans une grande partie de l’Inde faisant son cortège de ravages et de morts.

Il y a fort à parier que si Marx revenait, il en serait à constater que l’opium du peuple, a pris de multiples formes, qu’il s’est aujourd’hui multiplié de même que les religions et leurs idoles, les païennes n’étant pas les moins à craindre.


En médaillon la photo satellite de la tempête qui ravage depuis plusieurs jours le sud de l’Inde et le Sri Lanka et a déjà fait des dizaines de morts



Commentaires

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lundi 18 décembre 2017 à 21h31 - par  Méc-créant

Passons pour les médias et les politiciens, chacun ayant sa soupe à vendre, mais que tant de Français se déclarent profondément bouleversés (même si les médias les y poussent un peu) par la mort d’un chanteur ayant véhiculé des paroles affligeantes de banalité et de vide intellectuel en dit long sur l’état de conscience et de réflexion de nos concitoyens. On doit aussi admettre que le vide absolu —politique, philosophique, social,...— des dernières décennies offrait peu d’éléments de résistance. C’est face à ce vide que j’avais rédigés quelques textes, pas trop diffusés évidemment, et j’ai fini par en mettre quelques-uns dans un blog dont le titre est, me semble-t-il, assez « synthétique » : Immondialisation : peuples en solde !
Si certains vont y faire un tour, commentaires bienvenus.
Méc-créant.

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