Un jour à Lannemezan

lundi 28 octobre 2024
par  Charles Hoareau
popularité : 6%

C’est la 1re année que Suzanne, partie trop il y a à peine plus d’un mois, n’était pas là...Mais tellement présente dans les têtes, dans les mots, dans tous ces drapeaux rouges semblables au sien et dans l’émotion qui parcourait la foule. Car cette fois-ci, après avoir connu des rassemblements et manifs à bien trop peu, parfois sous un beau soleil, parfois sous la pluie et même quelquefois sous la neige, cette fois-ci oui, il y avait la foule. Cette foule nous l’attendions, nous l’espérions pour ce rendez-vous devenu annuel autour du 24 octobre, jour de son arrestation en 1984, devant la prison, lui qui est enfermé depuis 40 ans, simplement pour avoir défendu sa terre, la Palestine. [1]


Depuis tant d’années nous faisons tout pour qu’arrive enfin la vague de protestation capable de renverser une telle atteinte aux droits élémentaires. Bien sûr nous ne serons jamais trop, mais cette année il y a des milliers de personnes (les chiffres de la presse nationale, pour la 1re fois présente, annoncent autour de 2500 personnes, chiffre jamais atteint, auquel il faut rajouter celles de multiples rassemblements en France, ce qui est aussi une première). Les « anciens », ceux qui année après année, depuis 2004, se sont ajoutés à cette lutte s’embrassent émus de mesurer combien les efforts de chacun, les obstinations de chacune, permettent l’avancée de tout un combat.
L’émotion a toujours été forte ici, dans cette manif pas comme les autres...Cette année encore plus.
Forte de se retrouver devant des grilles desquelles on voudrait l’arracher et auxquelles on tape avec des pierres ramassées sur le chemin comme dans une intifada dérisoire marquant tout à la fois notre impuissance rageuse et notre message de soutien que l’on voudrait immense à cet homme enfermé pour avoir aimé son pays au point d’y donner toute une vie de combat.
Forte parce que Georges Ibrahim Abdallah, qui a fait à l’ANC l’honneur d’accepter d’être notre président, nous entend on le sait.
Les prisonniers aussi et certains à travers leurs barreaux reprennent nos slogans avec tant de force et si nombreux que nous les entendons malgré la distance.
Cris partagés, révolte commune, Palestine aux cœurs et larmes aux poings.

Il y a beaucoup de jeunes, mais qu’ils soient jeunes ou vieux, certains venant pour la 1re fois, ils sont nombreux à se presser contre les grilles et ils tapent. Dans ce moment-là, beaucoup ne disent plus rien, ne reprennent même plus les slogans, ils tapent.
Ils tapent les mâchoires serrées.
Ils tapent contre Macron, contre Netanyahu, contre la colonisation, contre l’enfermement, contre toutes les guerres du monde, contre tous les racismes...
Ils tapent comme pour dire à Georges dans un cri silencieux qui résonne si fort : « on est là ! on voudrait être encore plus près ! On voudrait te serrer dans nos bras et t’emporter loin d’ici, vers les collines et les arbres du Liban, vers la paix enfin retrouvée dans une région débarrassée du sionisme ».

Arrivés devant la prison il y aura les discours. D’abord le message que Georges chaque année, adresse aux manifestants venus de tant de villes de France et même cette année, de Belgique et d’Allemagne. C’était Suzanne qui le lisait...Cette année c’est Rita, libanaise comme Georges. Invariablement elle se termine par ses mots : « Ensemble, ce n’est qu’ensemble que nous vaincrons. La Palestine vivra et très certainement la Palestine vaincra »...C’est toujours lui qui le premier montre le chemin de l’optimisme et de la confiance.

Puis la déclaration unitaire. On aurait dû en rester là mais d’autres tiennent absolument à dire leur mot malgré l’indifférence grandissante que suscitent ces prises de parole à répétition.
L’essentiel n’est pas là.
Il est dans la détermination des regards qui se croisent, dans les gorges nouées des soeurs de combat d’urgence Palestine Marseille, dans les sourires complices, dans les embrassades et dans les poings levés.
L’essentiel il est dans tous ces cris qui entremêlent « Palestine libre » et « combat de Georges » tant les deux sont liés.
L’essentiel il est dans le combat qui continue et qui a franchi les frontières.
A Dakar la plateforme mondiale anti impérialiste qui réunit des forces progressistes de plusieurs dizaines de pays dans le monde et à laquelle participe l’ANC, applaudit à tout rompre à la vidéo que nous avons envoyée depuis Lannemezan. La conférence associe, dans une même exigence mondiale de libération, Mumia Abu Jamal et Georges Ibrahim Abdallah.

*****
Ce soir Georges m’a appelé. Toujours aussi incroyable. Il veut écrire aux Marseillais sans doute pour les saluer après leur mobilisation...Que voulez-vous que je lui réponde ? A part de répéter « Tu es de nos luttes, nous sommes de ton combat. Georges nous continuerons de toutes nos forces ». Si je lui dis ça il va me répondre « prends soin de toi, prenez soin de vous... ».


Photos Gilbert B


[1Sur les raisons de son emprisonnement, lire
Sur le site Libérons Georges https://liberonsgeorges.samizdat.net/qui-est-georges-abdallah/
Sur Rouge Midi, la rubrique Georges Abdallah
Le Film Fedayin, accès libre sur Youtube
le livre « L’affaire Georges Ibrahim Abdallah » de Saïd Bouamama aux éditions PMN



Documents joints

Adresse de Georges aux manifestants

Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur