Constitution européenne : on ne touche pas aux dogmes

mercredi 30 mai 2007
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Les 21 et 22 juin se tiendra à Bruxelles une réunion particulièrement importante du Conseil européen. Les Chefs d’Etat et de gouvernement auront à débattre de la poursuite de l’intégration européenne sur la base des propositions avancées par la présidence allemande. Il y a tout juste deux ans, le même Conseil, après avoir pris acte des résultats des référendum en France et aux Pays-Bas sur le traité constitutionnel européen, s’accordait pour déclarer : « Nous estimons que ces résultats ne remettent pas en cause l’attachement des citoyens à la construction européenne. Les citoyens ont toutefois exprimé des préoccupations et des inquiétudes dont il faut tenir compte. »

Or, tout se passe comme si ces « préoccupations » et ces « inquiétudes » étaient dérisoires et ne méritaient pas l’attention. Comme je l’ai indiqué dans une précédente chronique (JdM, 8 mai 2007), ce qu’on sait des propositions de la Chancelière allemande relève plus d’une adaptation de la forme et du vocabulaire du traité constitutionnel sans affecter l’essentiel de son contenu et certainement sans modifier ce qui est pourtant au coeur des « inquiétudes » et des « préoccupations » des citoyens.

Ce qui anime les décideurs politiques, c’est trouver le moyen de faire comme si on tenait compte des rejets français et néerlandais sans rien changer. Au motif avancé que l’approbation par les peuples qui ont dit « oui » ne peut être ignorée au profit des peuples qui ont dit « non ». Comme si l’approbation par la voie parlementaire, choisie par 16 des 18 pays qui ont ratifié le traité, impliquait une authentique adhésion populaire. On sait que préalablement consulté avant le référendum, le parlement français avait approuvé le traité constitutionnel à une majorité écrasante ...

Le souci est donc de trouver une formule pour continuer comme si de rien n’était. Et la méthode reste la même : les conciliabules dans l’opacité la plus totale. La seule certitude qu’on ait aujourd’hui, c’est que les citoyens sont tenus à l’écart de ce qui se trame. Les gouvernements sont d’une discrétion absolue. Certains même se réunissent en secret et refusent la présence d’autres. Une semaine après la rencontre entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, on ne sait toujours pas sur quelles bases les deux dirigeants s’entendent. S’ils s’entendent. Car, aujourd’hui, seules les gesticulations médiatiques tiennent lieu d’information.

Une fois de plus, la Commission européenne affiche sa partialité. Elle vient de tenir un séminaire dans un château proche de Bruxelles à l’issue duquel elle a fait savoir que « le traité constitutionnel doit être la base de toute discussion ». Un rêveur aurait pu espérer que la Commission, qui se présente si souvent comme la gardienne de l’intérêt général, aurait eu le souci de prendre en compte les « préoccupations » et les « inquiétudes » des citoyens. Il n’en est rien. M. Barroso et ses collègues sont d’abord les gardiens des intérêts d’un patronat qui a largement inspiré le traité constitutionnel comme tous ceux qui l’ont précédé. Il s’agit donc pour eux de veiller à ce qu’on ne touche pas aux nouvelles avancées obtenues par le patronat dans ce traité. C’est tout le sens des propos tenus par le porte-parole de M. Barroso à l’issue de ce séminaire : « la méthode communautaire et le marché unique sont des lignes rouges qui ne peuvent être franchies. »

Or, ce qui doit être préservé selon la Commission européenne concerne ce qui a fait l’objet des critiques les plus fortes de la part des partisans du rejet du traité constitutionnel. En effet, ce qu’on appelle dans l’eurojargon, la méthode communautaire, c’est précisément ce processus politique qui, par des procédures qui échappent au contrôle populaire, consiste à transférer des pouvoirs considérables des Etats où ils font l’objet d’un contrôle démocratique vers une une Union européenne dans laquelle les citoyens sont dépossédés de toute capacité d’influence. Le patronat européen est un chaud partisan de ces transferts qui permettent de revenir sur les concessions faites, au niveau national, au prix d’âpres luttes politiques et sociales.

Quant au marché unique, dont, dès 1957, le patronat refusait qu’il s’accompagne d’une harmonisation sociale de même ampleur, c’est le véritable cheval de Troie de la mondialisation voulue par ce même patronat. Au nom du marché unique, on dérégule, on met en concurrence les peuples, on démantèle les politiques industrielles et les protections sociales.

En déclarant intangibles la méthode communautaire et le marché unique, la Commission européenne rejette les principales préoccupations exprimées par les adversaires du traité constitutionnel européen. Ce faisant, elle conforte la perte grandissante de légitimité qui affecte l’Union Européenne auprès des peuples.




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