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Immigration, le pacte de trop ?

mercredi 9 juillet 2008

L’approbation par les ministres de la Justice et de l’Intérieur du texte voulu par Nicolas Sarkozy et désormais soutenu par le gouvernement espagnol irrite. Pour El Paà­s, l’image de l’Europe risque d’en prendre un sérieux coup.

Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile, que Nicolas Sarkozy espère voir approuver pendant la présidence française de l’Union européenne (UE), a reçu, le 7 juillet, le soutien des ministres de la Justice et de l’Intérieur. Outre le gouvernement français, Madrid et Bonn ont participé à l’élaboration de ce document, auquel les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement européens devront donner leur feu vert lors d’une réunion prévue le 15 octobre à Bruxelles. Le gouvernement Zapatero se targue d’avoir obtenu que le texte ne comprenne pas dans sa première mouture l’imposition d’un contrat d’intégration ni l’interdiction des régularisations de sans-papiers. Toutefois, le document adopté par les ministres de la Justice et de l’Intérieur devrait l’inciter à la prudence.

Le contrat d’intégration a certes été supprimé, mais il réapparaît sous une autre forme à différents endroits du texte. Le pacte invite les Etats membres à réguler le regroupement familial, en tenant compte notamment de la connaissance de la langue du pays d’accueil. Plus loin, parmi les "politiques ambitieuses visant à faciliter une intégration harmonieuse", il fait figurer l’obligation d’adopter "des initiatives spécifiques" pour "favoriser la connaissance de la langue". Celles-ci doivent "mettre l’accent sur le respect des identités des Etats membres" et de leur "valeurs fondamentales". Bien que l’expression "contrat d’intégration" ait disparu, ses exigences peuvent continuer à s’appliquer, selon le sens qu’on donnera à la formule "politiques ambitieuses".

En ce qui concerne les régularisations, le projet de pacte interdit les régularisations "générales" et établit qu’elles devront se faire au cas par cas. Le gouvernement espagnol s’estime satisfait, dans la mesure où la régularisation qu’il a effectuée lors de la dernière législature n’est pas remise en question. Toutefois, il semble renoncer aux motifs qu’il avait invoqués pour la mener à bien : il n’avait pas délivré de papiers à n’importe quel étranger se trouvant sur le territoire espagnol, mais à ceux qui avaient un emploi dans l’économie parallèle. Il s’était engagé par la suite à ne pas renforcer l’inspection du travail pour éviter que le cycle de l’illégalité ne se reproduise.

Le pacte présenté par Nicolas Sarkozy consacre des concepts qui mériteraient un vrai débat, comme celui d’"immigration choisie". Par ailleurs, il évite de s’étendre sur le droit d’asile, l’une des victimes des dernières initiatives européennes. Il est étonnant que les gouvernements de l’UE n’aient pas été conscients que leurs dernières initiatives en matière d’immigration ont non seulement une dimension intérieure, mais aussi internationale. Après l’adoption de la "directive retour", la réaction la plus irritée est venue d’Amérique latine, comme en témoignent avec éclat la dernière réunion du Mercosur et les déclarations des principaux leaders du continent. Mais c’est avant tout l’image de l’UE dans le monde qui est ternie. Et suivant la fortune que connaîtra ce pacte proposé par Sarkozy et soutenu par l’Espagne, cette image peut devenir plus mauvaise encore.

Editoria El Paà­s 08/07/2008

Transmis par Linsay

Si même eux le disent...

Messages

  • De l’immigration « tout terrain » à l’immigration choisie

    Par Chérif BOUDELAL

    En réaction, et pour compléter aussi l’article de l’éditorial d’« El País » du 08/07/2008 « Immigration, le pacte de trop ? » - publié par le site internet « Marseille solidaire ».

    La question qu’il convient de poser est la suivante : pourquoi des migrants du tiers-monde viennent chercher du travail Europe ? Avant que des ressortissants des pays du tiers-monde émigrent vers l’Europe, des Européens ont émigré par dizaine de millions vers continent américain pour chercher la richesse.

    Nous donnons l’exemple de la France (qui est valable à tous les autres pays industrialisés), qui est devenue un pays d’immigration, et cela remonte au début de la révolution industrielle du XIXe siècle, et cela continue jusqu’à ce jour.

    La société française serait constituée par la moitié de sa population (y compris les immigrés) de personnes ayant des origines étrangères.

    Pour disposer d’une main-d’œuvre dont elle avait besoin pour son industrie, à bon marché, la France signait des conventions avec les pays qui en exportaient. Quant aux pays occupés par la France, à l’époque des colonisations, c’est la France qui décidait d’importer les ouvriers quand elle en avait besoin, et de les renvoyer chez eux quand ces ils terminaient leurs missions.
    Voici quelques chiffres des flux migratoires que la France a accueillis sur son sol dès le début de la révolution industrielle. Nous mentionnons par ordre d’arrivée et d’importance les communautés qui ont marqué leur présence en France durant les deux siècles écoulés.

    Il y avait d’abord les Belges qui ont été les premiers migrants à avoir travaillé en masse dans le Nord de la France dès le premier quart du XIXe siècle (en 1920 les travailleurs belges étaient au nombre de 466.000). Ensuit les Italiens qui avait frôlé le demi million dans les années 1920.

    Entre les deux guerres sont arrivés en masse les Polonais (qui avaient atteint 5o5.000 en 1931) , les Arménien (70.000 environ à la même époque), puis les Espagnoles qui quittaient leur pays lors de la guerre civile de 1936 : ils auraient atteint près d’un million en 1939.

    Quant aux Portugais, ils sont arrivés dans les années des « trente glorieuses » et atteint le nombre de 700.000 au début des années 1970. Aux immigrés européens, il convient d’ajouter les Yougoslaves qui sont arrivés pendant cette période également.

    Le pillage du tiers-monde

    Les immigrés extra-européens sont arrivés des pays colonisés par la France, d’Afrique et d’Asie.
    Les premiers émigrés extra européens étaient algériens. Ils sont arrivés en France vers la fin XIXe siècle en petits nombres pour atteindre 380.000 environ en 1918. Après des fluctuations instables entre les deux guerres, ils ont atteint le nombre de 800.000 en 1974.

    Parmi les immigrés, il y a une catégorie qu’on appelle « la matière grise du tiers monde », apparue dans les années 1960-1970. Depuis cette période-là, ces immigrés « de luxe » se sont multipliés de façon exponentielle.

    Cette immigration est composée généralement d’universitaires hautement qualifiés, qui s’exilent pour diverses raisons. C’est cette immigration qui a pris le nom de l« immigration choisie » dans la politique française et européenne actuelle.

    Contrairement aux travailleurs manuels venant du tiers-monde, les intellectuels de ce même tiers-monde sont courtisés, accueillis à bras ouverts par les Occidentaux. Mais ces universitaires, que l’on trouve dans des domaines divers, sont aussi discriminés : ils sont souvent mal payés par rapport à leurs collègues du pays d’accueil à compétence égale.

    Pour la seule branche de la médecine, il y a plus de 6.000 médecins étrangers en France, ils sont payés 40% de moins que leurs collègues français ! Le prétexte donné est celui de leurs diplômes généralistes qui n’auraient pas d’équivalence avec les diplômes français, même lorsqu’ils ont fait leur spécialité en France !

    Qu’elle soit manuelle ou intellectuelle, l’immigration a toujours été, et demeure utile à la France. Pour certains historiens et sociologues qui ont écrit sur l’immigration, les immigrés ont été « les artisans de la croissance » ; pour d’autres elle a été « un ballon d’oxygène pour l’économie française » , Mais pour les héritiers de l’Action française - les royalistes de la cinquième République-, les immigrés ont terminé leur mission et doivent rentrer chez eux.

    Le pillage des matières grise

    Ceux qui s’indignent de voir déjà « la France africaine » n’expliquent pas – expliquent mal - à leurs lecteurs pourquoi ces migrants abandonnent leurs pays et leurs familles pour venir chercher du travail chez eux. Ils ne disent pas à leurs compatriotes pourquoi le « Nord » s’enrichit de plus en plus, alors que le « Sud » s’appauvrit dans le même temps.
    C’est bien l’ordre économique mondial fabriqué par les puissances occidentales, sous le patronage des USA, qui est responsable de cette situation : il s’est traduit par le pillage des richesses naturelles des pays du tiers-monde et l’appauvrissement de leurs peuples. Après leur avoir pillé les ressources naturelles, ils leur ont pillé les matières grises, les cadres, pour les achever.

    Ainsi, les régimes occidentaux pillent, à travers leurs sociétés, les richesses naturelles des pays du tiers-monde, à travers leurs systèmes bancaires d’« aides au développement » – qui sont en réalité des aides empoisonnées – plongeant ainsi ces pays dans des endettements sans fin. Par leur système de bourses, ils fixent les prix des matières premières de ces pays qu’ils paient à vils prix et, dans le même temps vendent à ces pays leur technologie et leurs produits à prix d’or.
    De plus ils leurs volent les cadres pour les laisser à jamais dans le sous-développement afin de les garder éternellement sous leur botte.

    La conférence de l’ONU sur les matières premières

    Dès le début des années 1970, certains dirigeants des pays non-alignés aspirèrent à leur émancipation, et commencèrent à nationaliser leurs richesses naturelles. Les pays producteurs des hydrocarbures s’organisèrent et imposèrent aux pays industrialisés de les payer à des prix raisonnables.

    A ce sujet, l’Algérie, ayant la présidence de l’assemblée générale de l’ONU, en 1974, avait organisé au siège de celle-ci une conférence sur les matières premières pour demander un nouvel ordre économique international (NOEI), qui mettrait fin à l’injustice des grandes puissances vis-à-vis des pays du tiers-monde.

    Lors de cette conférence, le Président algérien (Houari Boumediene), au nom des pays non-alignés, avait présenté le projet, dans lequel il exhortait les dirigeants des pays développés à traiter les affaires avec les pays du tiers-monde sur le même pied d’égalité en leur payant les matières premières qu’ils importent à leur juste valeur.

    Il les avait mis en garde, préconisant que s’ils continuaient à appauvrir les peuples du tiers-monde en accaparant leurs richesses, les populations affamées iront en masse chercher du travail dans les pays développés, et que ces derniers ne pourront pas les en empêcher. Mais les dirigeants occidentaux, arrogants qu’ils étaient, ne l’entendirent pas de cette oreille et continuaient leur pillage des richesses des pays en question.

    Plus de trente ans après le discours de Boumediene, la réalité ne cesse de nous prouver qu’il avait vu juste : il avait prévu les catastrophes humanitaires qui ont touché de plein fouet les peuples du tiers-monde, que ce soit sur le plan de la dégradation économique ou sur celui de la santé. Si les dirigeants hautains et égoïstes des pays occidentaux ont ignoré les mises en garde le représentant du tiers-monde, l’histoire lui a donné raison. Aujourd’hui certains écrivains et spécialistes de l’économie citent sa déclaration comme référence pour rappeler aux dirigeants occidentaux leur arrogance.

    Comme les autres leaders anti-impérialistes du tiers-monde qui ont péri avant lui, dès lors qu’il s’était attaqué aux intérêts stratégiques des impérialistes, Houari Boumediene n’avait aucune chance de leur échapper. Après avoir fait déjouer plusieurs attentats contre lui, Boumediene avait été foudroyé par l’arme fatale : un caillot de sang dans le cerveau qui l’avait emporté à la fin des années 1970.

    Le retour du bâton

    Les grandes puissances occidentales paient aujourd’hui le prix de leur cupidité et de leur arrogance : elles reçoivent le retour du bâton de la misère qu’elles ont créée aux peuples du tiers-monde.

    Les migrations massives qui arrivent en Europe depuis quelques années posent problèmes aux sociétés dites d’accueil. Ceci a même posé, enfin, « un cas de conscience » à certains dirigeants de l’Occident, qui cherchent maintenant à trouver « des solutions » aux pays d’émigration.

    Après tout, pourquoi pas ? S’ils sont sincères dans leur intention et veulent réparer leurs erreurs passées, ils doivent d’abord reconnaître leur responsabilité dans l’appauvrissement de ces peuples. Ensuite, ils assument leur responsabilité en révisant leur politique vis-à-vis des pays dont les ressortissants affluent chez eux, en mettant la main à la poche pour les aider à développer leurs économies afin de garder leurs ressortissants chez eux.

    Cependant, le plus important c’est de renoncer à piller leurs richesses qui doivent profiter en premier lieu à leurs propriétaires. Si les pays développés veulent réellement aider ces pays du tiers-monde, ils doivent aussi inciter les élites universitaires de ces pays qu’ils ont détournées, de rentrer chez eux en leur offrant les mêmes avantages qu’ils ont en Occident, en vue de servir à développer leurs pays respectifs.

    En acceptant cette coopération, les pays industrialisés, et notamment les pays membres de l’Union européenne, contribueront au ralentissement des migrations. C’est à ce prix que les pays développés arriveront à contenir les flux migratoires venant du tiers-monde où la famine ravage une partie importante des populations. En adoptant une telle politique, les Occidentaux seront gagnant puis les flux migratoire seront transformés en échanges commerciaux, culturels et touristiques entre les différents pays de tous horizons.

    Ceci dit, les solutions existent si les dirigeants occidentaux mettent fin aux pillages des richesses des pays du tiers-monde et transforment leurs aides empoisonnées en aides réelles au service du développement économique effectif des pays concernés.

    Sans cela, ni le renvoi des sans papiers, ni le renforcement de la surveillance des frontières ne pourront endiguer l’arriver des migrants, car ces gens-là n’ont rien à perdre puisqu’ils ont tout perdu chez eux. Donc, ils viennent, pour la plus part d’entre eux, poursuivre les pilleurs de leurs richesses, leurs affameurs chez eux, non pas pour piller les richesses de ces derniers mais en leur vendant leur force de travail.

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