BOLKESTEIN : après le ravalement de façade le rejet s’impose

mercredi 15 mars 2006
popularité : 3%

Les salariés venus de toute l’Europe qui ont manifesté massivement (au-delà même des prévisions) les 11 et 14 février à Strasbourg ont-ils été tous informés de la déclaration de John Monks, secrétaire-général de la Confédération européenne des syndicats (CES), après le vote du Parlement européen le 16 février sur la directive dite "Bolkestein". Alors que les manifestants étaient à peine rentrés dans leur pays, il n’a pas hésité à applaudir le compromis conclu entre les groupe socialiste (sauf les Belges et les Français) et démocrate-chrétien qui a été adopté par le Parlement européen par 394 voix contre 215 (notamment les groupes GUE/NGL et Verts) et 33 abstentions. Pour John Monks, qui s’était engagé pour un ferme soutien au projet de Constitution européenne, "ce vote montre clairement que les parlementaires ont réussi à trouver un compromis qui permet d’ouvrir le marché des services tout en sauvegardant le modèle social européen même s’il reste des progrès à accomplir".

Certes, le compromis est plus présentable que le projet initial de la Commission européenne. Il arrondit les angles, limite les atteintes aux droits sociaux, exclut les services d’intérêt général (SIG) ainsi que certains secteurs du champ d’application (audiovisuel, transports, santé) mais les services d’intérêt économique général (SIEG) restent couverts par la directive. Ce sont les secteurs où les multinationales comptent réaliser le plus de profits : énergie, eau, services postaux, déchets, services funéraires, publicité. Les Etats membres pourront restreindre l’accès à leur marché pour des raisons de politique générale, de sécurité, de santé et de protection de l’environnement mais pas pour des raisons de politique sociale ou de protection des consommateurs.

Le "principe du pays d’origine"(PPO), qui avait suscité tant de controverses, est abandonné dans les mots au profit de la "libre prestation des services" mais ce n’est qu’un leurre puisque le compromis se garde bien de préciser explicitement que c’est le principe du pays de destination qui est la règle. Comme l’a souligné après le vote le conservateur britannique Malcom Harbour (qui avait préparé le compromis avec la socialiste allemande Evelyne Gebhardt) "le principe du pays d’origine reste dans la jurisprudence et dans les traités". La nouvelle mouture resta donc fondée sur le principe de libre concurrence qui constitue le cÅ“ur du Traité et a toujours servi de référence aux arrêts de la Cour de Justice européenne. La libre concurrence ne manquera pas de s’accompagner du dumping social ouvrant notamment la porte à de faux travailleurs indépendants qui permettront de contourner le droit du travail.

Ces modifications constituent un résultat des actions engagées depuis plusieurs mois mais ils ne modifient pas fondamentalement la logique libérale de la directive. Certes, le compromis n’est pas à la hauteur des mobilisations mais n’est-il pas le reflet des ambiguïtés et des contradictions entre et au sein des organisations syndicales, politiques et associatives qui ont appelé à manifester, les unes pour le rejet du texte, les autres, comme John Monks, pour un simple aménagement ?

Mais la page n’est pas encore définitivement tournée. Il reste quelques mois avant le vote final du texte après les navettes entre le Conseil et le Parlement européen. Quelques mois pour isoler et battre en brèche les discours démobilisateurs de John Monks et de ses émules dans les différents pays. Quelques mois pour expliquer la nocivité de ce compromis au rabais et faire la clarté sur ses ambiguïtés et ses zones d’ombre. Quelques mois pour obtenir un rejet pur et simple de la directive comme ont réussi à le faire les personnels des ports avec la directive libéralisant les services portuaires. "Ni aménagement, ni compromis, rejet de la directive", sera dans les semaines qui viennent un mot d’ordre mobilisateur.



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur